En 2021, Max Verstappen a été titré au classement pilotes, mais c’est Mercedes qui l’a emporté au classement des constructeurs. Dans l’histoire de la F1, c’est la 11e fois seulement qu’une telle dissociation de vainqueurs, entre les pilotes et les constructeurs, se produit, depuis la création du premier championnat des constructeurs en 1958, remporté par Vanwall. Si le titre pilotes est le plus prestigieux (dixit Christian Horner), le titre constructeurs est pourtant celui qui rapporte le plus d’argent. Naturellement, ce phénomène très minoritaire (17 % des championnat) augure de saisons très disputées, où les titres se jouent à peu de choses – quand ils ne dépendant pas d’événements improbables voire de drames. Tour d’horizon de quelques saisons…
1982 : un titre rouge sang pour Ferrari
La saison 1982, remporté par Keke Rosberg au classement pilotes, et par Ferrari au classement des constructeurs, est un exemple typique d’une dissociation des titres pour des motifs liés à un accident grave d’un pilote dans une équipe – comme en 1999 avec Michael Schumacher à Silverstone.
Ce fut même pire pour Ferrari puisqu’en cette funeste saison 1982, il y eut deux accidents graves, dont un mortel. Celui bien sûr de Gilles Villeneuve.
La Ferrari V6T de cette saison était bien la monoplace la plus véloce ; rien ne pouvait arrêter a priori le triomphe rouge, sauf l’improbable et le tragique : les deux se produisirent.
Cette saison 1982 ne s’annonçait comme aucune autre dès ses débuts : le conflit entre les instances (FISA) et les pilotes sur le projet d’une Superlicence restrictive, conduisit à la fameuse grève de Kyalami. Le ton était donné.
A Imola encore, les équipes britanniques boycottèrent le Grand Prix de Saint-Marin pour contester la disqualification de Piquet et Rosberg au Brésil. Que serait devenue cette année 1982 si Ferrari s’était aussi jointe au boycott ? La question peut être posée car Imola changea sans doute la face de l’année.
En effet alors que Villeneuve menait la course devant Pironi, le muret des stands Ferrari afficha le panneau « slow ». Ce qui signifiait de figer les positions pour assurer un tranquille doublé. Or Pironi attaqua son coéquipier – qui crut dans un premier temps que Pironi joignait juste le show au slow. Mais... Pironi retint les commandes de la course pour l’emporter. Villeneuve ne but pas même un champagne qui aurait eu un goût amer. Pironi voulait la guerre ? Il l’avait déclarée.
La suite est hélas trop connue. A Zolder, aux essais, Villeneuve, soit qu’il voulût trop attaquer pour vaincre Pironi dans son tour rapide, soit qu’il voulût, dans un tour de rentrée aux stands, aller le plus vite possible pour avoir le temps d’effectuer une dernière tentative, fracassa la March de Mass. Dans les deux cas, sa rivalité avec Pironi, exacerbée à Imola, joua.
Premier drame pour Ferrari. Le deuxième survint en Allemagne. Didier Pironi risqua lui aussi le pire aux essais à Hockenheim ; il finit avec une jambe brisée et sa saison pliée. Alors largement en tête du championnat, Pironi aurait facilement pu lutter et remporter le titre mondial. Il n’en fut rien.
Rosberg champion… malgré une 4e place de Williams
Tambay et Andretti prirent le relais à Maranello ; assurèrent le titre constructeurs pour Ferrari, avec une petite marge sur McLaren (69 points) et Renault (62). Williams ne finit que 4e du classement des constructeurs avec 58 points.
Mais fait inédit dans l’histoire de la F1 : une équipe classée 4e remporta pourtant le titre pilotes. En effet le si discret Keke Rosberg, mais ô combien régulier, arracha le titre mondial avec seulement une seule victoire dans toute l’année. Il avait même pris la tête du championnat sans avoir remporté le moindre succès.
Jamais une uchronie n’a été autant souhaitable : quid si les deux complices de Ferrari, devenus ennemis jurés, avaient tous deux fini la saison ?
La hache de guerre aurait bien pu être enfouie, et la cohabitation repartir sur des bases plus saines. Cela, c’est Gilles Pironi, le fils de Didier (prénommé Gilles en hommage à Villeneuve par sa mère, tandis que son frère jumeau fut prénommé Didier) qui le confia à l’occasion du Grand Prix du Royaume-Uni 2020, lors duquel il monta sur le podium pour accompagner Lewis Hamilton, en tant qu’ingénieur Mercedes.
« Je pense que papa aurait aimé clarifier la situation avec Gilles mais malheureusement, ils n’ont pas eu le temps » confiait alors Pironi fils.
« Mon frère et moi avons toujours aimé la compétition et nous avons couru en karting, mais ma mère et ma grand-mère n’étaient pas enthousiastes. Nous avons étudié à la place, et c’était la bonne décision. En tant que fan de sport auto, j’aime naturellement Ferrari, mais l’ambiance ici chez Mercedes est bonne et je suis dans la meilleure équipe au monde. Je pense que mon père aurait couru pour une telle équipe s’il en avait eu l’occasion. »
1982, un titre perdu pour deux accidents ; des regrets éternels ; et un sombre présage : à Imola, les drames se produisent, ou se préparent.