En ce dimanche de Grand Prix, sur le circuit d’Imola, l’ambiance est lourde. Pour la première fois depuis huit ans, un pilote s’est tué au volant d’une monoplace de Formule 1. Roland Ratzenberger, victime d’une défaillance mécanique, a perdu la vie lors des qualifications.
Inutile de refaire la chronologie de ce funeste Grand Prix de Saint Marin 1994, rien ne s’est passé comme prévu ce jour-là. Accident au départ, incidents dans les stands, ce sont huit blessés qui sont à déplorer dans la course.
Mais le drame se produit à 14h17, un tour après la relance effectuée par la voiture de sécurité - utilisée officiellement en F1 depuis l’année précédente - suite à l’accident du départ.
La Williams de Senna tire tout droit dans Tamburello et va s’écraser contre le mur extérieur du circuit, non protégé, à 210 km/h. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, outre la sécurité inexistante sur le circuit, les monoplaces ne sont pas équipées de protections entourant la tête du pilote.
Dans une voiture dont la cellule de survie n’a pas résisté à l’impact, le cockpit ayant été fendu en plusieurs endroits, le Brésilien n’a eu aucune chance, notamment à cause de la décélération soudaine, de l’absence d’absorption du choc, mais aussi par la faute d’une pièce de suspension qui est venue heurter la visière du pilote et a causé une hémorragie très importante.
Héliporté à l’hôpital Maggiore de Bologne, Senna y arrive en état de mort cérébrale. Après quatre heures de rumeurs et de confusion, durant lesquelles la course est allée à son terme, le décès du triple champion du monde est prononcé.
La Formule 1 perd un grand champion, tout autant qu’un pilote controversé, mais avant tout sa figure de proue. Alain Prost et Nigel Mansell partis, Senna faisait office de superstar face à l’outsider qu’était Michael Schumacher, pourtant vainqueur des trois premières courses de la saison.
Le vide laissé par Senna est immense, lui qui était depuis 10 ans une figure du paddock. Dix années durant lesquelles il a remporté 41 victoires, signé 65 pole positions et 80 podiums, et remporté trois couronnes mondiales.
Dix années durant lesquelles il a bataillé contre Schumacher, Mansell et Prost, la rivalité avec ce dernier ayant atteint des sommets de tension, jusqu’à ce qu’ils ne s’affrontent plus en piste et laissent leurs différends derrière eux.
Dix années durant lesquelles il a offert des récitals de domination, d’Estoril 1985 où il remporte sa première victoire sous une pluie battante, à Donington 1993 où il assomme la concurrence juste après le départ, là encore sous une pluie torrentielle.
Mais durant ces dix années, il aura évidemment marqué les esprits par sa capacité à créer la controverse, comme lors de l’accrochage avec Prost à Suzuka en 1990, ou lors de ses différends avec la FISA (Fédération Internationale du Sport Automobile, fusionnée plus tard avec la FIA, à laquelle elle appartient) et son illustre président, Jean-Marie Balestre.
Mais l’aura de Senna allait bien plus loin que ses résultats bruts, non seulement par sa croyance en Dieu, qu’il mettait sans cesse au centre de son pilotage, et par cet aspect mystique, parfois onirique, qu’il donnait au pilotage d’une monoplace de Formule 1 lorsqu’il le décrivait.
Bien évidemment, et c’est là tout le tragique de la situation, l’aura de Senna a pris une toute autre dimension lorsqu’il s’est tué à Imola, au volant d’une monoplace, en tête d’un Grand Prix.
En janvier 1994, il avait déclaré : "S’il s’avère que j’ai un accident qui me coûte la vie, j’espère que ce sera d’un seul coup. Je n’aimerais pas être dans une chaise roulante. Je n’aimerais pas être à l’hôpital, souffrant d’une quelconque blessure. Si je dois vivre, je veux vivre pleinement, intensément, car je suis une personne intense. Cela ruinerait ma vie, si je devais vivre partiellement."
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