C’est un anniversaire bien triste que fête la Formule 1 aujourd’hui, avec la disparition de celui qui est resté, hélas, dans l’ombre du décès d’Ayrton Senna, survenu 24 heures plus tard. En effet, le 30 avril 1994, Roland Ratzenberger perdait la vie sur le circuit d’Imola, théâtre du Grand Prix de Saint-Marin, troisième manche de la saison 1994 de Formule 1.
Habitué des 24 Heures du Mans, qu’il avait disputées à cinq reprises, et où il s’était illustré en 1993 en remportant la catégorie C2, Ratzenberger avait fait de la Formule 1 son objectif ultime. Il avait failli s’y engager dès 1991, chez Jordan, avant qu’un sponsor ne le lâche et qu’il se retrouve mis sur la touche.
L’Autrichien est alors retourné au Japon, en F3000, où il a remporté une course en 1992 et signé deux podiums supplémentaires cette année-là et en 1993. Sixième du championnat en 1993, il décrochait un volant chez Simtek pour réaliser son rêve et courir en Formule 1, malgré l’inconnue que représentaient les performances de la nouvelle écurie.
Bien que les pilotes étaient plus âgés à l’époque, Ratzenberger faisait office d’exception, débutant sa carrière à 33 ans. A titre de comparaison avec la F1 actuelle, c’est l’âge qu’avait Lewis Hamilton l’an dernier, lorsqu’il a remporté son cinquième titre, durant sa 12e saison de F1.
Et le rêve de Roland Ratzenberger allait rapidement tourner court, avant de se transformer en cauchemar. La monoplace initialement conçue sous les ordres de Nick Wirth dût être revue au dernier moment à la suite de l’interdiction des suspensions actives, autour desquelles elle était construite. Sa version modifiée fut, hélas, largement en deçà des espérances.
La firme Simulation Technology (Sim-Tek) avait comme seule référence en Formule 1 une monoplace conçue pour l’équipe Andrea Moda, tristement célèbre pour s’être engagée en F1 en 1992 et n’être parvenue à se qualifier qu’à une seule reprise.
Le pedigree de la Simtek S941 n’était donc pas le meilleur, et cela allait se confirmer en piste. Au Brésil, son équipier David Brabham se qualifiait, mais pas Ratzenberger, qui était l’un des deux pilotes n’ayant pas franchi le cap des pré-qualifications, avec Paul Belmondo.
Au Grand Prix du Pacifique, Ratzenberger parvenait enfin à se qualifier, laissant les Pacific de Belmondo et Bertrand Gachot sur la touche, et ralliait même l’arrivée de la course, à cinq tours du vainqueur Michael Schumacher, qui avait lui-même relégué le troisième de la course à un tour.
Au Grand Prix de Saint Marin, il est en mesure de se qualifier pour la course après la première séance de qualifications, mais est victime d’une casse de son aileron à pleine vitesse dans la Villeneuve Curva, après avoir fragilisé celui-ci au tour précédent. Malheureusement, le choc intervient sans décélération, l’aileron étant coincé sous la monoplace, et celle-ci s’écrase dans le mur de béton longeant la piste.
L’accident sera fatal à l’Autrichien, qui devient le premier pilote à mourir en Formule 1 depuis Elio de Angelis en 1986, et le premier à décéder dans le cadre d’un week-end de course depuis Riccardo Paletti en 1982.
Le choc est immense dans le peloton, notamment pour son compatriote Gerhard Berger, mais aussi pour Ayrton Senna, qui envisage de ne pas courir le lendemain, alors que le médecin Sid Watkins essaie de le convaincre de ne pas s’aligner au départ du Grand Prix.
En attendant la suite du drame qui allait se jouer le lendemain, Roland Ratzenberger venait de perdre la vie en pratiquant sa passion. Né en 1960, comme Senna, Ratzenberger était l’archétype du gentleman driver, et son engagement au sein d’une équipe à l’amateurisme visible, sur des circuits encore à des normes de sécurité laissant à désirer, lui a coûté la vie.
Le fait qu’il soit mort la veille d’Ayrton Senna, dont le décès a largement plus défrayé la chronique, ne doit pas faire oublier qu’il a lui aussi payé la Formule 1 de sa vie.