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Abu Dhabi, 14 novembre 2010…

Un "suicide sportif" pour la Scuderia Ferrari

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Nous sommes le 14 novembre 2010 à Abu Dhabi, dernier Grand Prix de la saison. Pour sa première année avec Ferrari aux côtés de Felipe Massa, Fernando Alonso est en tête du championnat avec 246 points. Mais l’Espagnol est talonné par les pilotes Red Bull, Mark Webber et Sebastian Vettel, qui affichent respectivement 238 et 231 points au compteur.

Après 5 tours bouclés derrière la voiture de sécurité suite à un accrochage dès le virage numéro 6, l’Australien s’arrête ensuite très tôt pour changer de pneus et est imité quatre tours plus tard par Alonso, peut-être pour coller au plus près à son plus dangereux adversaire au championnat. Mais c’était sans compter Vettel, qui s’envole vers la victoire ce jour-là, pendant qu’Alonso et Webber, englués dans le trafic, échouent au 7e et 8e rang, offrant le titre au jeune Allemand.

Luca Colajanni, ancien attaché de presse de Ferrari, revient aujourd’hui sur la décision d’arrêter Alonso, qu’il qualifie de «  suicide sportif. » Mais plutôt que de chercher des coupables, l’Italien a choisi de revenir sur les éléments qui ont poussé Ferrari à adopter sa stratégie finalement perdante.

« Il est vrai que faire rentrer Alonso aux stands à ce moment fut une erreur monumentale, mais on a toujours sous-estimé l’importance des évènements inattendus à l’origine de cette décision, comme la collision entre Michael Schumacher et Vitantonio Liuzzi dans le premier tour. Mais un autre élément est passé inaperçu, à savoir le dernier tour de qualification de Massa. Je ne peux pas m’empêcher de penser que si Felipe n’avait pas ralenti quand il a vu le feu rouge de fin de séance (placé plus en amont à Yas Marina que sur les autres tracés, ndlr), il aurait eu toutes les chances de boucler un tour supplémentaire avec un meilleur temps au vu du potentiel de sa voiture. Et il aurait pu se classer mieux que 6e, devancer Webber (5e temps, ndlr) et ainsi nous permettre une plus grande variété de choix stratégiques pour la course du lendemain. »

« Mais avec des ‘si’, on ne refait pas l’Histoire, » ajoute Colajanni. Ce qui ne l’empêche pas d’imaginer ce qui se serait passé si Alonso avait été sacré pour la troisième fois cette année-là.

« Luca di Montezemolo, alors président de Ferrari depuis 18 ans, se serait peut-être mis à la politique. Quoi de mieux qu’un titre de champion pour débuter un nouveau chapitre dans une carrière ? Stefano Domenicali, le directeur de l’écurie, aurait pu doubler la mise après le sacre de Kimi Räikkönen en 2008. Aldo Costa aurait eu l’occasion de démonter le mythe selon lequel les ingénieurs italiens seraient incapables de concevoir une Ferrari gagnante. Chris Dyer, l’ingénieur de piste, serait peut-être toujours sur le muret des stands rouge. Ce pauvre Chris a payé pour tout le monde, et c’était injuste. Il avait sa part de responsabilité et l’a admis, mais c’était trop facile de tout lui mettre sur le dos… je me souviens de ses larmes à la fin de la course et de son appréhension à expliquer comment il en était arrivé à ce choix. »

Mais l’homme qui a le plus mal vécu cette histoire est probablement celui qui tenait le volant…

« Lors de sa première année chez Ferrari, Fernando Alonso aurait remporté ce troisième titre après lequel il court toujours. Cela aurait probablement apaisé sa colère latente qui l’a finalement amené à couper les ponts avec la Scuderia. Tout aurait été différent pour lui mais également pour nous chez Ferrari : même si Fernando n’aurait pas pu initier un cycle comme celui de Michael Schumacher – car honnêtement, Red Bull était plus forte que nous et l’est restée les années suivantes – il aurait vécu plus sereinement. Il serait probablement un pilote et un homme plus heureux, et nous aussi. »

« En résumé, je crois que beaucoup de choses auraient changé si Fernando s’était arrêté pour monter de nouveaux pneumatiques trois ou quatre tours plus tard, pas beaucoup plus. Et si Michael et Liuzzi n’étaient pas entrés en collision lors du premier tour, je reste convaincu que l’Histoire aurait été différente. Ça montre que le sport est émaillé de petits incidents qu’on doit toujours garder en tête quand on porte un jugement extérieur. Et ceci est valable pour tous ceux qui, ce soir-là, ont préféré quitter le garage de la Scuderia sans dire au revoir : évidemment qu’il aurait été bien de terminer la saison en fêtant le titre à Abu Dhabi devant les caméras, mais il aurait été encore plus beau de montrer un véritable esprit d’équipe et rester là, même dans la défaite. J’espère au moins qu’ils en ont retenu les leçons. »

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