Le Grand Prix d’Espagne est depuis 1991 organisé à Barcelone. Cependant, la nouvelle maire de la ville, Ada Colau, une élue Podemos, n’est pas une fervente partisane du sport automobile. Elle pense ainsi que les 7,5 millions d’euros de subvention qu’a apportés le gouvernement catalan (et non la ville de Barcelone) pour l’organisation de la course en 2015 pourraient être mieux utilisés ailleurs, comme dans des programmes sociaux.
Joan Fontseré, manager du circuit depuis juillet 2015, est-il donc un homme inquiet pour l’avenir de sa course ? Sans cette subvention de plusieurs millions, on imagine mal que l’avenir du Grand Prix soit viable…
« Je ne dirais pas que cela nous met sous pression, mais nous devons vraiment prêter de l’attention à des choses que nous ne prenions pas en compte par le passé. Je comprends le point de vue d’Ada, je le comprends vraiment. En fait, beaucoup de gens partagent son opinion, puisque le pays traverse une passe difficile. Cependant, notre devoir est de montrer le potentiel du circuit comme un véritable moteur économique. Avec les ressources générées par le circuit, nous pouvons aussi contribuer au bien-être social. »
Et Joan Fontseré de chiffrer ces bénéfices dégagés, à l’attention expresse de la maire de Barcelone. « L’an dernier, le circuit a généré un impact économique de 340 millions d’euros en Catalogne. Donc avec 21 % de TVA, le revenu dégagé est immense. Nous parlons de 70 millions, rien qu’en taxes. Sans le Grand Prix d’Espagne, nous perdrions de l’argent qui pourrait être mis de côté pour des politiques sociales. C’est précisément la raison pour laquelle nous insistons pour que le circuit demeure toujours en activité. Les tribunes sont occupées à 90 % et le circuit accueille des activités variées 320 jours par an. »
Depuis plusieurs années cependant, le nombre de spectateurs pour le Grand Prix de F1 est en baisse. Bien sûr, telle est la tendance générale sur tous les circuits de F1 dans le monde. Mais que peut faire Joan Fontseré pour enrayer cette chute à l’échelle catalane ?
« Heureusement, cette année, nous avons arrêté cette chute du nombre de spectateurs et nous sommes presque revenus au nombre de l’an dernier. D’un côté, nous prospectons différents marchés de niches pour avoir plus de public. Par exemple, être de nouveau performant sur le marché français est une étape importante. Nous nous concentrons aussi pour impliquer le public national, puisque il a bien changé depuis l’ère Fernando Alonso. D’un autre côté, nous voulons gagner des parts dans les marchés émergents, comme les Pays-Bas, ou le marché des croisières, puisque Barcelone est l’un des ports touristiques les plus importants. Cependant, nous n’oublions jamais les autres nationalités qui pourraient être aussi vivement intéressées pour venir voir le Grand Prix d’Espagne, comme les publics anglais, italien, et allemand. Ce sont jusqu’à présent nos plus importants objectifs pour gagner le plus de public possible et pour avoir un meilleur Grand Prix. »
Une autre piste à explorer pour Joan Fontseré est la couverture médiatique de la compétition. Même si l’Espagne compte deux représentants (Fernando Alonso et Carlos Sainz), les journaux parlent en effet assez peu de la F1 dans leurs colonnes. Comment remédier à cette anomalie médiatique ?
« C’est une affaire très complexe. Je crois que si l’un de nos pilotes gagnait des courses, les médias consacreraient plus de temps et de pages à la F1. Par ailleurs, si le sport n’était pas aussi prévisible, et s’il y avait plus de spectacle, nous aurions aussi plus de public dans nos tribunes, puisque les gens seraient davantage intéressés par la course et les médias y consacreraient plus de contenu. Bien sûr, tout est connecté, c’est un mécanisme assez compliqué, et à la fin, c’est l’histoire du serpent qui se mord la queue. »
Heureusement, en 2016, le Grand Prix d’Espagne a été particulièrement spectaculaire, avec l’auto-élimination des Mercedes au premier tour et la victoire surprise de Max Verstappen pour son premier Grand Prix chez Red Bull.
Mais combien de téléspectateurs ont pu assister à ce spectacle ? En effet, en Espagne, comme en France, la F1 est diffusée sur une chaîne payante. N’est-ce pas un problème pour Joan Fontseré ?
« C’en est un, bien sûr. Si les gens peuvent suivre la saison, alors cela génère beaucoup d’attentes autour de la compétition. Et je tout cela est positif pour nous, puisque c’est une manière de promouvoir le Grand Prix national. Je pense cependant qu’avec un système de pay-per-view, les gens sortiraient le porte-monnaie, si seulement un pilote espagnol gagnait des courses ».