14 mai 1972, Monaco. Impérial sous la pluie, au volant d’une BRM pourtant peu compétitive le reste de l’année, Jean-Pierre Beltoise remporte le premier et seul Grand Prix de sa carrière. Quarante ans plus tard, le pilote français revient, pour nous, sur cette course inoubliable et espère voir briller un de ses jeunes compatriotes au volant d’une Lotus F1 Team.
Quels sont vos souvenirs de ce fameux Grand Prix de Monaco 1972 ?
Il m’arrive d’y repenser et ce sont des flashes qui me viennent. Ce sont des souvenirs précis, qui concernent autant le week-end en général que la course en elle-même. Par exemple, aux essais, j’avais très peu roulé. En remontant à pied vers mon hôtel, l’Hermitage, sur le trottoir d’en face, j’aperçois Stirling Moss. Nous ne nous étions jamais rencontrés, mais il m’interpelle et traverse la rue. Et il me dit : ‘J’ai assisté aux essais dans les S du casino et tu es, de loin, le plus rapide.’ Du coup, cela m’a conforté dans la sensation que mes réglages étaient bons et que je pouvais gagner.
La course en elle-même s’est déroulée entièrement sous la pluie…
Oh oui ! A un moment, il y avait tellement peu de visibilité dans la ligne droite du Gazomètre – les S de la Piscine n’existaient pas à l’époque et c’était l’endroit le plus rapide du circuit – que je me basais sur la proximité des rails à gauche et à droite. Quand je parvenais à distinguer quelque chose, je freinais à 10700 tours au compte-tours et quand je ne voyais rien, je levais le pied à 10200 tours.
A l’époque, dans ces conditions, était-il facile de dépasser les retardataires ?
Moins qu’aujourd’hui, je crois. Je me souviens être revenu sur mon copain australien Tim Schenken pendant la course. Il ne me voyait pas et il m’a bloqué pendant plusieurs tours. Derrière, Jacky Ickx remontait à coups de quatre secondes au tour. Il a fallu que je me décide à tenter de passer. Je l’ai fait à l’épingle du Loews. Il n’y avait pas la place, alors j’ai freiné très tard, je me suis mis en travers et je me suis appuyé sur ses roues. Heureusement, il m’a vu et il a élargi sa trajectoire.
A quel moment avez-vous été sûr de votre victoire ?
Déjà, je crois que c’était la première fois que je me trouvais en tête d’un Grand Prix depuis le premier virage. J’ai donc pensé que ce n’était pas le moment de faire une bêtise. Mais j’avais connu tellement de problèmes mécaniques lors des deux ou trois années précédentes, que je croyais que je ne terminerais pas la course. Je pensais que la boîte ou la transmission allaient casser. Au dernier tour, dans la dernière ligne droite, je monte les rapports jusqu’à la quatrième. A 200 mètres de la ligne, je me dis que, quoi qu’il arrive, même si les freins se bloquent, je passe la ligne, en tête-à-queue s’il le faut ! C’est seulement à ce moment-là que j’ai su que j’allais gagner.
Aujourd’hui, pensez-vous qu’un pilote français puisse vous rejoindre au palmarès ?
Une victoire de Romain Grosjean me ferait énormément plaisir. J’apprécie beaucoup ce garçon pour sa force de caractère. Il a été écarté chez Renault en 2009 sans avoir démérité. Et il a su tout reprendre à la base et tout reconstruire. Cela mérite un grand coup de chapeau. Aujourd’hui, je pense qu’il fait partie des dix pilotes capables de remporter le Grand Prix de Monaco. D’autant que la Lotus F1 Team est très bonne cette année et son équipe est au niveau. Je les suivrai avec grand intérêt.
Source : www.lotusf1team.com