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Binotto remplace Arrivabene : une décision inévitable… et souhaitable ?

Ferrari renoue-t-elle avec l’instabilité chronique ?

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La nouvelle a rompu la quiétude hivernale de la F1 : comme annoncé par la presse transalpine avec insistance, Maurizio Arrivabene a été remplacé dans ses responsabilités de directeur de la Scuderia Ferrari par Mattia Binotto, qui occupait jusqu’alors les fonctions de directeur technique.

Les motivations derrière cette décision sont de notoriété publique, tout du moins pour les plus importantes d’entre-elles. Depuis au moins deux années, la cohabitation entre Maurizio Arrivabene et Mattia Binotto au sommet de l’écurie avait viré à la confrontation ; l’ambiance, selon des sources concordantes, était délétère. John Elkann avait exigé une réconciliation, qui a dû apparaître impossible. Il en a tiré les conséquences avec l’éviction de Maurizio Arrivabene.

La deuxième raison tient aux résultats, ou plutôt au bilan de Maurizio Arrivabene, sur les plans médiatique et sportif, lors du dernier semestre. L’échec face à Mercedes est excusable sur le principe ; les multiples erreurs de communication et de stratégie en deuxième moitié de saison, moins.

Sur le plan médiatique, les sorties de Maurizio Arrivabene sont apparues trop nerveuses, et n’ont pas été de nature à protéger l’équipe et surtout Sebastian Vettel de la pression ambiante. A l’inverse, Mattia Binotto apparaît plus calme et serein, peut-être plus apte à faire travailler Ferrari avec la quiétude nécessaire. Sur le plan sportif, Ferrari a donné l’impression de ne pas avoir totalement tiré les leçons de la saison 2017, tant la deuxième moitié de saison 2018 a rappelé celle de 2017.

La décision prise par l’état-major de Ferrari est-elle alors une bonne décision ?

Il convient d’abord de se demander s’il existait une alternative, étant donné l’impossibilité d’une réconciliation entre Maurizio Arrivabene et Mattia Binotto. De toute évidence, il y avait une forte tête de trop au sein de la Scuderia. L’une devait partir, c’est chose faite.

La décision, a priori inévitable, aura le mérite d’apporter une direction et un leadership plus clairs au sommet de l’écurie. Mattia Binotto, qui devrait cumuler (au moins au début) ses nouvelles fonctions avec celle de directeur technique, aura les coudées franches. Il manquait peut-être à la Scuderia une unité de vues et de direction l’an dernier ; ce sera de l’histoire ancienne, tant la position de Binotto ressort solidifiée depuis hier.

Ferrari passe de la dyarchie à la monarchie. Plus unie, elle pourra davantage faire bloc dans les moments difficiles, qui ne manqueront pas.

Mattia Binotto apparaît de plus comme une valeur sûre au sein de la Scuderia. Depuis 2015, son bilan est convaincant sur le plan technique. Une fois n’est pas coutume, sous sa direction, un changement réglementaire aérodynamique d’importance, en 2017, a en effet profité à la Scuderia, qui est apparue comme le challenger numéro 1 de Mercedes. En 2018, surtout en début de saison, Ferrari disposait même de la meilleure voiture sur la plupart des circuits. Un gage de sérieux.

Mais faut-il pour autant se réjouir pleinement de cette énième révolution de palais au sein de la Scuderia ?

Le risque est que la Scuderia replonge dans les travers de l’instabilité, qui lui a fait tant de mal par le passé. Maurizio Arrivabene, quoi qu’on en dise, depuis quatre années, avait réussi à refaire de la Scuderia une équipe qui gagne, voire qui inquiète Mercedes pour la course au titre.

Quand une équipe progresse à moyen terme, quand une dynamique pluriannuelle paraît satisfaisante, pourquoi alors céder à l’impatience et changer le capitaine ? Jean Todt, après les essais privés de 1996, avait été aussi fortement critiqué, et la presse italienne demandait même sa tête. On sait ce qui est advenu ensuite… Mais à l’époque, le Français n’était certes pas autant contesté en interne.

Sur le plan des doutes, la capacité de Mattia Binotto à endosser ses nouvelles fonctions est un point d’interrogation : un bon directeur technique est-il forcément un bon directeur d’écurie ? Ou pour le dire autrement : un bon ingénieur fait-il un bon leader ? Binotto est devant un défi : il lui faudra égaler en charisme Maurizio Arrivabene, qui n’en manquait certes pas. Et parviendra-t-il à réconcilier les pro-Arrivabene et les anti-Arrivabene sous son leadership ?

Le cumul probable des fonctions de Mattia Binotto, directeur d’écurie tout en restant directeur technique, interroge également : une telle fonction a le mérite d’unifier la direction de travail à Maranello… mais, vu l’importance du poste, ne faudrait-il pas recruter un nouveau directeur technique à plein temps, surtout après le départ de Simone Resta pour Sauber ? Une solution serait de trouver une solution en interne, afin de lancer une transition en douceur. Le transfert à ce poste de Laurent Mekies, engagé (officiellement...) comme directeur sportif l’an dernier est déjà évoquée.

La décision prise par l’état-major de Ferrari, on le voit, comporte bien des avantages : faire cesser les querelles internes au sommet de l’équipe, unifier la stratégie et la direction de la Scuderia, repartir de l’avant après une deuxième moitié de saison 2018 en demi-teinte.

Néanmoins, ce faisant, la Scuderia semble renouer avec l’instabilité chronique qui lui a tant nui par le passé. Si les résultats ne suivent pas en ce début de saison, le risque est que Mattia Binotto se retrouve, lui aussi, très vite sur la sellette… Et l’on peut compter sur la presse italienne pour s’impatienter. On imagine déjà les commentaires, si la Ferrari n’est pas au niveau : Binotto a conçu la monoplace en tant que directeur technique, c’est donc lui qui doit partir. Ce qui a perdu Arrivabene pourra perdre Binotto un jour. Une telle instabilité ne se voit pas chez Red Bull et Mercedes, où Christian Horner et Toto Wolff sont en poste depuis 2005 et 2013…

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