Nouveau manager des sports mécaniques en F1, Ross Brawn a pu pendant quelques années prendre du recul sur la discipline. Retiré des paddocks, il a ainsi constaté d’un point de vue extérieur les forces et les faiblesses de la F1 - dont en premier lieu sa trop grande complexité.
Il explique aujourd’hui en quoi cette expérience le sert dans ses nouvelles fonctions.
« C’était l’une des motivations qui m’ont poussé à m’impliquer à nouveau dans la F1. Avec le recul, regarder des courses à la télévision plutôt qu’être sur le muret des stands et voir toutes les informations, m’a permis de réaliser que la Formule 1 n’était pas pleinement exploitée. Vous savez, j’étais largement impliqué dans la stratégie et le déroulement des courses, mais j’avais l’habitude dernièrement, le dimanche après-midi, de regarder la course chez moi sans savoir ce que diable il se passait ! »
« Et si moi-même, je ne pouvais rien y comprendre, à tel point que je devais allumer mon ordinateur portable pour regarder les temps, pour savoir qui avait fait un arrêt, et ainsi de suite… je sais que ça peut être très intéressant durant une course. Mais j’ai commencé à croire que ce qu’il faudrait faire, c’est pouvoir commencer à regarder une course à n’importe quel moment et savoir ce qu’il se passe. Si vous devez suivre une course du premier tour jusqu’à la toute fin, et si vous devez ressasser toutes les nuances stratégiques, alors les choses deviennent un peu compliquées. »
« Donc certainement, cette période, de mon côté, m’a permis de réaliser que nous devions prendre du recul, regarder les courses et voir ce que les fans voient. Si vous êtes sur un circuit et si vous n’avez pas accès à ces renseignements, si vous êtes un fan dans les tribunes, alors, ce doit être difficile. »
La solution semble donc toute trouvée pour Ross Brawn : la simplification de la F1 et de ses règles. Mais il n’est pas question pour le moment de prendre une décision hâtive…
« J’ai eu bien sûr beaucoup d’idées ces derniers mois sur ce sujet… quand j’ai commencé à faire un travail de consultant pour Liberty, j’ai commencé à m’impliquer à nouveau. Je veux parler à beaucoup de personnes et voir comment nous pouvons faire afin de faire progresser la situation, mais je pense que nous pouvons offrir la F1 différents niveaux de complexité pour différents types de fans enthousiastes. Nous pouvons améliorer l’accès aux renseignements dont le vrai enthousiaste a besoin pour rentrer dans tous les détails, mais nous devons revenir à un point où le gars qui se retrouve sur un circuit le dimanche peut suivre une course, sans avoir besoin d’allumer son ordinateur portable. »
Et Ross Brawn de détailler tout ce qui provoque l’incompréhension de la plupart des téléspectateurs… « Les stratégies pneumatiques sont complexes, il y a différents composés, et à moins que vous sachiez que ce composé est sur une voiture, le nombre d’arrêts effectué, l’évolution des écarts, le temps que prend un arrêt, vous ne pouvez pas commencer à comprendre si une monoplace est dans la bonne fenêtre, et ainsi de suite. C’est difficile à suivre. Je pense que nous pouvons rendre tout cela plus simple. Et ensuite, avec la technologie, nous pouvons commencer à donner un accès aux fans qui veulent explorer cet aspect également. Pourquoi ne pas essayer de créer tout le spectre qui rend la F1 attirante ? Je pense que la technologie est formidable, mais elle n’est pas attractive pour tout le monde, pas de la même manière que pour les fans d’un autre sport. »
Ross Brawn devra pour ce faire obtenir l’accord non seulement de Liberty Media, mais encore des écuries qui devraient être encore plus enclines à partager efficacement toutes leurs informations.
« Je veux impliquer tout le monde sur ce sujet et si nous le faisons avec une échelle de temps raisonnable, alors, je pense que tout le monde verrait les bienfaits pour le sport de cette approche. Je n’ai pas toutes les réponses, mais je veux travailler avec les équipes et avec les diffuseurs et les différents partenaires de la F1 pour essayer de trouver des réponses. Je prêche au moins pour qu’un tel processus commence. Nous ne l’avons jamais fait auparavant, nous n’avons fait que gérer la crise. »
Ross Brawn critique donc en dernière instance la manière avec laquelle la F1 a réagi pour améliorer le spectacle : dans l’urgence, et sans préparation bienvenue.
« Quand nous décidons soudainement qu’il y a quelque chose qui ne va pas, que quelque chose ne fonctionne pas – s’il y a une équipe qui domine, ou si un rapport montre que les chiffres d’audience ont chuté – alors, soudainement, nous devons changer les choses. Je n’ai jamais travaillé ainsi dans les écuries où j’étais. Je lançais un processus et je ne cessais de l’améliorer peu à peu. Alors, les choses s’amélioraient aussi. »
« Chaque décision qui sera prise en F1 dans le futur, je l’espère, prendra en compte ce que nous donnons aux fans et ce à quoi la F1 ressemble de l’extérieur, de même que notre point de vue interne. Nous sommes les détenteurs des droits commerciaux, et pour chaque décision technique, pour chaque décision sportive, je serai là pour dire : ‘Quel effet cela aura sur le spectacle, sur les fans, sur le plaisir en F1 ?’. D’accord, je sais ce que cela fera pour les ingénieurs et je sais peut-être ce que cela fera pour les pilotes, mais commençons ce processus pour que toute décision arrive à temps, en se demandant toujours – cela fait partie du processus – qu’est-ce que cela fait pour le spectacle et pour les fans ?’. »