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Et si l’on supprimait les drapeaux bleus ?

Une idée plus raisonnable qu’il n’y paraît

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Cette saison, plusieurs polémiques ont éclaté au sujet du respect bien trop tardif, par plusieurs pilotes, des drapeaux bleus agités par les commissaires en piste. Parmi les pilotes qui se plaignent particulièrement, figure en premier lieu Sebastian Vettel, qui n’hésite pas à interpeller directement le directeur de course, Charlie Whiting, en lançant ses désormais célèbres « Bluuuee flaaag » à la radio.

Parmi les pilotes se retrouvant sur le banc des accusés, Esteban Gutierrez est le nom qui vient immédiatement à l’esprit. Le pilote Haas a été plusieurs fois critiqué cette saison, par exemple par Lewis Hamilton ou Daniel Ricciardo, et a même écopé d’une pénalité pour respect tardif des drapeaux bleus en Hongrie.

Le Mexicain refuse cependant de reconnaître entièrement ses torts et porte une vision moins consensuelle sur le respect des drapeaux bleus : « De même que Toto [Wolff, de Mercedes] essaie de perdre le moins de temps possible avec les pilotes sous drapeau bleu, pour essayer de mettre la pression sur la FIA et d’être plus strict sur ce point, de même, moi, en tant que pilote recevant un drapeau bleu, j’essaie de perdre le moins de temps possible avec le règlement, sans affecter quiconque » confiait-il en septembre dernier. Esteban Gutierrez reconnaît donc « jouer avec la limite » sur ce point réglementaire, que cela lui cause ou non une mauvaise réputation dans le paddock.

Face à ces polémiques, la semaine dernière, la FIA est allée dans le sens d’une plus grande pédagogie. Désormais, un « pré-avertissement » sera adressé aux pilotes retardataires lorsqu’une voiture plus rapide arrivera à moins de trois secondes. Des signaux lumineux s’afficheront également dans le cockpit lorsque le poursuivant sera à moins d’une seconde. Ensuite, le pilote moins rapide devra s’écarter à la première occasion.

Ce choix de la pédagogie renforce ainsi la légitimité des drapeaux bleus. Pourtant, plusieurs voix dans le paddock aimeraient une réglementation allant dans un sens bien différent. Ainsi, Marc Surer, ancien pilote de F1, n’apprécie pas du tout ces drapeaux qu’il considère contraires à l’esprit de la compétition automobile. « En tant que fan de NASCAR, je dis : où sont donc les drapeaux bleus dans cette discipline quand il faut doubler ? Il n´y en a pas et je ne trouve pas que ce soit une mauvaise chose. Celui qui est derrière doit voir par lui-même comment il peut passer. Pourquoi n´avons-nous pas ça en Formule 1 ? Cela apporterait un peu de piment à la course. Nous sommes complètement sur-réglementés. »

Le choix de supprimer purement et simplement les drapeaux bleus serait certainement une décision radicale. Les pilotes eux-mêmes se plaignent d’être trop encadrés, sauf bien sûr, quand ces règles leur profitent. Or, la suppression des drapeaux bleus apporterait son lot de spectacle, de polémiques, permettrait de resserrer les écarts, ce qui serait bienvenu.

De plus, en quoi un pilote qui se bat pour une 12e place, au coude à coude, devrait-il soudain annihiler ses chances de grimper au classement ? Toutes les luttes en course, même pour un point symbolique, sont légitimes en F1. Et bien des combats pour les points sont parfois faussés par des drapeaux bleus. Dave Ryan prêche certes pour sa chapelle (Manor), mais sa voix mérite d’être aussi écoutée sur ce sujet : « Les drapeaux bleus sont une source de frustration et je ne suis pas sûr qu’ils apportent grand-chose à la course. Ils aident les leaders mais ça détruit les luttes à l’arrière du peloton ».

Tu es plus rapide ? Alors, dépasse et arrête de te plaindre ! Tel serait le message que de nombreux amateurs de F1 aimeraient entendre. Et que certains soient rassurés : de nombreux pilotes retardataires savent qu’ils n’ont pas intérêt à défendre outre-mesure, au risque de trop abîmer leurs pneumatiques. Il y aurait donc aussi une auto-régulation.

Bien entendu, on pourrait poser une réserve majeure à cette proposition : la sécurité. Si l’on rappelle la saison dernière, les Manor étaient des véritables « chicanes mobiles » et les pilotes plus rapides, trop impatients, pourraient tenter des manœuvres dangereuses. A cela, on peut faire une contre-objection : la règle actuelle des drapeaux bleus provoque aussi son lot d’incompréhensions, voire d’accidents. Dépasser un pilote qui laisse volontairement sa place est tout aussi dangereux. Gilles Villeneuve, à la suite d’un malentendu avec Jochen Mass (qui ralentissait pour laisser passer le Canadien sur un tour rapide en qualifications), à Zolder en 1982, avait trouvé la mort à la suite d’une mésentente. Ainsi, comme le rappelle Marc Surer, « dans d´autres catégories, comme aux 24 Heures du Mans, il arrive encore et toujours de gros accidents, parce que le plus lent quitte la trajectoire idéale au profit de celui qui arrive plus rapidement, qui a quant à lui déjà préparé une action offensive et alors, ça part en vrille ».

La proposition de supprimer les drapeaux bleus semble donc tout à fait crédible. Cependant, la FIA prend une direction tout à fait opposée pour le moment, et n’ose pas prendre un pari osé. L’an prochain, qui sait ?

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