Les mois qui ont suivi la fin de la saison 2013 ont été plus que compliqués pour l’écurie Lotus qui, en plus de perdre son leader Kimi Raikkonen et son directeur Eric Boullier, a dû faire face à des problèmes financiers puis à des essais de pré-saison catastrophiques. Incapable de marquer des points alors qu’elle visait la victoire quelques mois auparavant, elle a enfin trouvé une forme de salut ce week-end à Barcelone avec la huitième place de Romain Grosjean, au terme d’une course éprouvante. De quoi donner de l’optimisme à son directeur, Gerard Lopez.
"Nous sommes de retour ! N’est-ce pas évident ? Nous nous sommes qualifiés à la cinquième place et avons fini la course à la huitième" se félicite Lopez dans une interview accordée au site officiel de la F1.
"Tout le monde sait que nous avons eu des problèmes avec le moteur. Nous n’avons parcouru qu’un tiers des tours des autres équipes en termes d’essais donc nous n’avons pas pu régler la voiture. En Chine, c’était la première fois que nous avions un vendredi complet et le résultat direct en est la cinquième place de Romain en qualifications ici. Et sans ses problèmes, Pastor se serait qualifé dans les mêmes positions".
Lopez confirme donc que "finir dans les points à chaque course est l’objectif", tout comme la quatrième place du classement des constructeurs.
Un début de saison difficile pour une équipe en reconstruction après avoir perdu Eric Boullier et Kimi Raikkonen. Concernant ce dernier, Lopez ne se fait pas d’illusions : "Il était évident qu’il voulait partir. C’est toujours triste de perdre un bon pilote mais je pense qu’il a réalisé que sa place chez nous était bonne, il m’est avis que nous nous manquons mutuellement. Je ne vis pas dans les regrets mais il est certain que sa place était bonne. Concernant Eric, c’était un changement au niveau du management. Ce n’était pas que nous voulions qu’Eric parte car je le considère énormément".
"C’était plutôt qu’il voulait changer de manière de gérer financièrement et politiquement le business, donc lorsqu’il a eu l’opportunité de changer d’équipe pour voir comment c’était ailleurs, c’est ce qu’il s’est passé. Après cela, nous avons restructuré" explique simplement Lopez.
Ce dernier a donc pris la place de Boullier après son départ, et en tant que propriétaire, sa toute puissance ne semble plus faire de doute au sein de Lotus. Qu’en est-il du reste de l’équipe ? Qui gère les aspects qui dépassent Lopez ?
"Notre directeur Matthew Carter gère les affaires quotidiennes et Nick Chester dirige le département technique alors que je gère l’équipe en tant que président. Mon rôle en tant que directeur d’équipe est un peu différent. J’interagis surtout avec la FOM et la FIA, je vais aux réunions concernant les règles sportives et les choses dans ce genre. Mais n’oubliez pas que c’est aussi un business qui est dicté par la réalité, et je voulais m’y investir plus profondément".
Concernant la saison 2014, Lotus l’a commencée de la pire des manières. L’équipe est arrivée à Melbourne en ayant parcouru quelques centaines de kilomètres. La E22 y était ni fiable ni rapide, puisque c’est sans avoir roulé le vendredi que Grosjean et Maldonado ont disputé les qualifications à un rythme lamentable. Une grosse désillusion pour les fans de l’équipe, une incompréhension pour les observateurs, mais rien que les membres de Lotus n’avaient pas vu venir.
"Nous savions avant même les essais que ça allait être difficile et après avoir cassé quelques moteurs lors des premières séances, nous avons compris que ce serait une entrée en matière difficile au début de la saison" se rappelle le président de Lotus. "Une fois que nous avons compris que ça arriverait, nous avons pris deux décisions : accepter ce fait et utiliser les courses comme séances d’essais. Bien sûr, c’est une manière très chère de faire les choses !"
"Le châssis est très bon et le moteur a un très bon potentiel. Renault est en train de travailler à régler les soucis, et une fois que ces problèmes seront résolus nous devrions être en bonne position parce que, comme je le disais, le châssis est bon" assure Lopez tout en avouant qu’il avait été surpris de voir Renault rencontrer autant de problèmes. "Je pense que ça les a surpris aussi" ajoute-t-il.
Une douche froide partagée par Romain Grosjean : "Evidemment qu’il était déçu. Nous avons perdu quatre courses à ne pas marquer de points. Ce n’est pas drôle, mais c’est un sport dans lequel on ne peut rien prédire. Si on le pouvait, ça enlèverait la moitié de l’amusement. Il faut juste accepter que l’on est parfois du mauvais côté..."
Romain Grosjean, longtemps critiqué pour sa fougue, a enfin convaincu les observateurs de ses capacités d’attente et de calme. En revanche, rien ne laisse à penser que Pastor Maldonado va réussir à se calmer de sitôt. Le Vénézuélien, habitué des frasques en piste, a montré à Barcelone qu’il était encore capable du pire, plus souvent que du meilleur. Néanmoins, le choix de ces deux pilotes s’est montré comme une évidence pour Lopez qui, sans avoir besoin de défendre Grosjean, préfère rappeler pourquoi il a engagé ses deux recrues.
"Nous n’avons pas de pilote numéro un, nous n’en avons jamais eu même quand Kimi était avec nous. Celui qui est devant est devant ! Romain a beaucoup mûri, il se sent bien dans ses baskets et ça l’aide énormément sur la piste, nous savons qu’il peut faire le travail. Nous connaissons Pastor depuis longtemps, à l’époque du GP2 quand il courait pour DAMS qui est une équipe dont nous sommes proches. Il est incroyablement rapide, chacun de ses tours est un tour de qualification dans son esprit. Peut-être qu’il en fait un peu trop et nous devons nous asseoir autour d’une table et discuter de cela avec lui, peut-être lui dire que dans ce cas, avec la vitesse qui est la sienne, il n’a besoin d’être qu’à 95% de son potentiel. Mais c’est un gars bien et il est très bien intégré dans l’équipe" assure Lopez.
De manière terre à terre, on peut également douter de l’attractivité d’un duo de jeunes pilotes, fougueux qui plus est, auprès des sponsors. Car en dépit de Total et PDVSA, leurs soutiens respectifs et très lucratifs, Lotus n’a pas caché son envie, ni surtout son besoin, de trouver des partenaires. Une mission qui paraît compliquée sans grand nom à apposer autour du cockpit d’une de ses monoplaces.
"Je pense que les gens commencent à se reconnaître dans les jeunes pilotes, bien plus que par le passé" rétorque leur directeur. "C’est une question de temps, mais nous n’avons pas de souci avec nos pilotes".
A savoir si ces premiers points de l’année étaient vus comme une lumière au bout du tunnel, Lopez préfère rire et détourner la question : "Il fait beau ici, donc il y a une lumière ! Nous verrons si cette progression continue. Je suis prudemment optimiste, comme diraient les analystes financiers".