Romain Grosjean s’est publiquement agacé de voir que la plupart de ses messages radio diffusés en pleine course, étaient des messages à la tonalité négative. Le Français se plaint certes souvent du fonctionnement de sa monoplace, et plus particulièrement des freins et des pneus, mais il n’est pas le seul à le faire selon lui, ce qui lui donne un sentiment d’injustice.
« J’en ai eu vite assez qu’on m’interroge sur ce sujet [les messages négatifs] » déclare le Français. Chaque pilote dit probablement ce que je dis et quand ils le font, c’est pour l’équipe, pas pour que tout le monde entende. Je sais que l’on diffuse mes messages plus que d’autres et on dirait par conséquent que je suis le seul gars à faire ce genre de choses. »
« Gary et l’équipe savent que je dis ces choses parce que je veux améliorer la voiture et en extraire le maximum chaque week-end. Si je sens que je suis allé trop loin, je vais voir les gars, je m’explique avec eux, mais nous savons tous comment ça fonctionne. Si vous écoutiez tous les pilotes pendant toute une course, alors, mes messages n’auraient pas l’air si négatifs… »
Cette négativité dans les messages a toutefois été repérée et vilipendée par Günther Steiner, le directeur de l’écurie lui-même. Lors du Grand Prix d’Austin, le « ta gueule » lancé par Steiner à Romain Grosjean a frappé l’attention du public. Un incident vite éteint par une conversation d’après-course mature entre les deux hommes… Pour autant, cet incident a laissé des traces dans la mémoire du pilote tricolore.
« A Austin j’avais très peur pour ma sécurité dans la voiture à un moment, parce que je pouvais voir que le pneu avant se dégradait plus qu’il ne l’aurait dû. L’équipe avait perdu le capteur sur le pneu, donc elle n’avait pas d’informations sur la pression du pneu, sur sa température, sur rien… Donc de mon côté, je devais en rajouter parce qu’il ne semblait pas que l’équipe savait ce que je voyais. Les traductions… je n’ai pas pu les rendre facilement compréhensibles pour que l’équipe prenne conscience de ma situation. »
« C’est facile d’oublier, quand vous êtes assis à regarder la course, que nous conduisons à de très hautes vitesses et que la pression sur nous est immense. Un pilote ressent beaucoup d’adrénaline et essaie de dire comment la voiture se comporte dans telle ou telle situation. »
Gary Gannon, l’ingénieur de course de Romain Grosjean, qui reçoit donc directement ces messages du « râleur » Grosjean, abonde dans le sens de son pilote de course : implicitement, le pilote comme l’ingénieur savent que la pression n’est expliquée que par la recherche du rendement maximum.
« Ce que nous savons, c’est que ce n’est pas une affaire personnelle. Nous sommes tous frustrés dans notre travail et parfois, nous explosons et crions contre nos collègues, mais ce n’est pas personnel, nous sommes dans une situation difficile et si les choses ne se passent pas bien, nous sommes déçus et frustrés » analyse Gannon.
« Il y a beaucoup d’émotions dans ce sport et chaque fois que le pilote les exprime… Peut-être que la réputation ne doit pas entrer en jeu dans ce calcul, mais les pilotes sont jugés comme tout le monde, donc il faut trouver un équilibre entre la partie consacrée à l’expression émotionnelle et la partie consacrée au pur retour technique. »
Gary Gannon défend logiquement Romain Grosjean : il pense que le Français est traité injustement par la réalisation qui diffuse trop ses messages radio… et d’une manière générale, l’ancien pilote Lotus serait sous-estimé selon l’ingénieur de l’écurie américaine.
« L’une de ces forces, c’est sa capacité à analyser des données, à comprendre l’aspect technique de la course. Il a une compréhension complète des systèmes de la voiture, ce qui signifie qu’il est très rapide quand il faut diagnostiquer ce qui ne va pas, et il a plein d’idées pour résoudre ces problèmes. C’est comme si nous avions une personne en plus pour examiner les données après la session, donc il comprend vraiment comment faire telle ou telle chose. »
« Il est très bon pour tout le côté opérationnel, car ces voitures sont des vrais souffre-douleurs si l’on veut bien les piloter, et Romain comprend immédiatement comment faire. Cela facilite grandement mon travail, par rapport à celui des autres ingénieurs de course, qui pourraient avoir à rappeler à leur pilote telle ou telle chose. »
« Mais d’un autre côté, Romain exige beaucoup de nous. Donc une partie de ce que vous pouvez entendre, c’est de la frustration, mais il exige beaucoup de nous et fait en sorte que nous restions francs et honnêtes avec lui. La récompense de tout cela ? C’est sa capacité à pousser la voiture un cran au-delà. Donc chaque fois qu’il atteint la Q3 ou qu’il obtient un bon résultat en course, c’est là que nous sommes récompensés. Il nous fait travailler dur pour lui et il travaille dur pour nous. »
« Si la voiture a le potentiel pour obtenir un résultat, Romain obtiendra ce résultat. Si la voiture ne peut y arriver, il fera tout ce qu’il peut, et parfois cela marche, d’autres fois non. Certains pilotes arrivent à trouver chaque centième, quand ils doivent le faire, et Romain fait partie de ces pilotes. Parfois, ses relais sont mauvais, parce qu’il essaie d’exploiter chaque partie du potentiel de la voiture, et le tour d’après, il s’améliorera tellement que nous serons impressionnés par son temps au tour… Donc voici le point que je voulais souligner : Romain peut finalement récompenser toute l’équipe en signant un tour formidable… »