S’il est un pilote au parcours atypique pour quelqu’un ayant eu une chance en Formule 1, c’est bien Scott Dixon. Néo-Zélandais, il se forge une expérience en monoplaces dans son pays natal avant de partir pour l’Australie où il dispute deux saisons de Formule Holden.
Un titre de meilleur rookie la première année et champion l’année suivante, il se voit proposer l’accès au championnat de V8 Supercars après avoir créé sa structure. Mais ce n’est pas ce qu’il veut, il veut faire de la monoplace à plus grande échelle, avec plus de compétition.
Il décide donc de s’exiler aux Etats-Unis avec le soutien de ses investisseurs. Lors de son premier test en Indylights, sur le circuit de Sebring, il bat le record de la piste lors de son huitième tour. Sa structure ne servira pas, il est recruté dans l’équipe de Stefan Johansson, ancien pilote de Formule 1. Sa première année est convaincante mais il abandonne trop souvent, ce qui lui ouvre les portes d’une structure encore plus grande : PacWest Racing.
Champion de la discipline, il débarque en CART pour deux années chez PacWest, puis est recruté par Chip Ganassi qui s’exile en IndyCar (à l’époque, il y avait deux disciplines majeures de monoplaces aux Etats-Unis). Scott Dixon, débutant dans la catégorie mais pas inscrit en tant que rookie du fait de son expérience en CART, remporte le championnat en battant plusieurs records, dont celui du nombre de tours menés consécutivement : 343 sur trois courses consécutives.
C’est grâce à cela qu’il attire l’œil de Frank Williams, qui a durant les années précédentes fait essayer et recruté plusieurs pilotes outre-atlantique, comme Montoya et Villeneuve notamment. Williams se voyant près de perdre ses deux pilotes pour la saison 2005, il teste de nombreux pilotes début 2004 (photo), dont le Néo-Zélandais fraîchement auréolé de son titre en IndyCar.
« C’est un jeune homme. Il a clairement exprimé son envie de venir en F1, il était champion IndyCar l’an dernier, cela nous intéresse de le voir dans une F1 et de lui faire voir la F1 » déclare alors Patrick Head pour justifier ce test.
Frank Williams y va aussi de son petit mot : « Ses résultats en IndyCar, qui est une discipline très rapide, disent que nous devons lui donner une chance. Il n’y a pas beaucoup d’opportunités d’essayer des vainqueurs d’autres championnats durant la saison. C’est un très bon championnat, Juan-Pablo vient d’une série comme celle-ci et fait de bonnes choses ».
Le souci pour Dixon est que l’IndyCar de cette époque, scindée avec le CART, ne comporte que des ovales à son calendrier. Dixon est champion oui, mais n’a pas roulé sur un circuit routier depuis plus d’un an.
« Il risque d’avoir besoin d’un peu de temps pour se réhabituer, surtout dans une F1. Il est plutôt bon, je pense que tout se passera bien » prédit Juan-Pablo Montoya, alors déjà annoncé chez McLaren pour la saison suivante.
Parmi la liste des pilotes ayant traversé l’Atlantique, on trouve également à cette époque Cristiano Da Matta, pilote Toyota en Formule 1, qui avait lutté contre Scott Dixon deux saisons avant dans le championnat CART. Peu avant le test de Dixon, il met en garde le Néo-Zélandais, connaissant bien les contraintes d’un tel changement.
« Les pneus et le poids de la voiture seront les deux choses auxquelles il devra s’habituer. Il a gagné l’IndyCar qui est un championnat relevé. Bien sûr ce ne sont que des ovales, mais il est un très bon pilote de course sur routier, on a vu ses résultats en CART » reconnaît le Brésilien.
Craignant toutefois que Dixon n’ait pas la forme physique pour ce test, il s’avère que c’est plutôt le contexte de guerre pneumatique entre Bridgestone et Michelin qui fait alors rage qui coûtera à Dixon, entre autres choses, un peu de sa réputation de candidat à un volant en F1.
« A cette époque, nous étions au milieu de la guerre des pneumatiques et les voitures étaient très difficiles à conduire, d’autant que les moteurs faisaient 900 chevaux » explique Tim Newton, qui était à l’époque chargé des essais de Williams.
« Vous ne pouviez pas simplement monter dans la F1, ce serait plus facile aujourd’hui. Je pense qu’il avait des soucis avec la puissance, avec les freins, et avec l’utilisation des pneumatiques » ajoute Newton, montrant que l’IndyCar d’alors était clairement éloignée de la Formule 1.
Ce dernier reconnaît aussi que Dixon n’est pas tombé dans la meilleure période pour faire son premier essai en F1 dans le but d’impressionner, car les essais à l’époque étaient très libres et tous les pilotes avaient une quantité phénoménale de roulage dans la saison. Dixon est donc arrivé avec un gros déficit d’expérience et de temps derrière le volant.
« Nous avions des grosses équipes dédiées aux essais et nous roulions énormément, les pilotes avaient donc beaucoup d’expérience. Si vous ameniez un pilote pour deux jours, il lui était impossible de rivaliser » reconnaît Tim Newton.
Scott Dixon n’ira pas plus loin dans son projet de F1 et restera en IndyCar, y compris après la réunification des deux séries majeures. Une bonne idée si l’on en croit ses résultats, puisqu’en 2008 il remportera à la fois le championnat et les 500 miles d’Indianapolis et ne terminera dès lors pas moins que quatrième au championnat, saison après saison.
Alors qu’il est encore en lutte pour le titre cette année, Dixon ne garde pas de rancœur vis-à-vis de la Formule 1 : « J’aimerais beaucoup y courir, mais il faudrait entre autres que je réapprenne les circuits, ce serait difficile ».
Scott Dixon n’envisage pas de rejoindre la F1 uniquement pour le prestige d’y courir, il préfère largement rester dans un championnat dans lequel il est en train de devenir un des meilleurs pilotes de l’histoire et où il peut se battre pour des bons résultats.
« Je ne suis pas pilote de course pour remplir le plateau d’une discipline, mais pour concourir à la victoire » ajoute celui qui décrit malgré tout la Formule 1 comme une « maison des égos », en comparaison avec l’IndyCar.