Tout le monde connait Tom Kristensen comme étant une légende des 24 heures du Mans, puisque recordman du nombre de victoires dans la Sarthe avec neuf victoires lors de cette épreuve mythique. Il est en revanche plus rare de savoir que lors de sa première victoire au Mans, Kristensen était également pilote essayeur de Formule 1 et envisageait une carrière dans cette discipline.
Hormis prendre le départ d’une course de Formule 1, le Danois a fait à peu près tout ce qui était faisable en monoplace européenne. Et même au-delà, ayant piloté en F3 japonaise. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que son CV parle pour lui : champion en F3 japonaise et allemande, vainqueur de courses en F3000, Kristensen est un touche-à-tout.
Repéré dès sa première saison de F3000, Kristensen est en parallèle engagé par Tom Walkinshaw pour piloter un prototype Porsche au Mans dans le même équipage que deux grands pilotes, Michele Alboreto et Stefan Johansson.
La voiture est fantastique, les pilotes à la hauteur, le trio remporte l’édition et Kristensen s’impose dès sa première participation à la classique mancelle. Les patrons d’équipe ne s’y trompent pas, et Kristensen se voit offrir l’opportunité d’essayer une Formule 1. Ce sera une Tyrrell, dont il deviendra le pilote d’essais officiel en 1998, dernière année de l’écurie avant le rachat par BAR.
Il teste également pour Minardi en 1997, mais ne se voit pas offrir de poste de titulaire, l’écurie préférant s’offrir les liquidités de pilotes tels qu’Ukyo Katayama et Tarso Marques.
En 1998 et 1999, il dispute les 24 heures du Mans avec BMW et subit un double abandon, le prototype allemand n’étant pas fiable. Ces liens avec la marque à l’hélice lui offrent cependant la confiance de Williams qui le nomme pour être le premier à piloter une Williams équipée d’un bloc BMW.
« La première fois qu’une Williams-BMW a pris la piste fin 1999, c’était avec Tom à Jerez » confie Tim Newton, chargé à l’époque de diriger les essais de Williams. « Nous avions un certain nombre de problèmes et l’hiver était difficile, nous n’étions pas fiables ».
« Tom a fait un super boulot, pas très rapide mais très régulier, ce que nous cherchions » poursuit Newton. Williams n’engage cependant pas Kristensen alors que Michelin, qui effectue son retour en F1, insiste pour le placer.
« Si j’avais l’expérience que j’ai aujourd’hui, Tom aurait piloté pour Williams, Michelin le voulait » confirme son manager, Werner Heinz. Ce sont finalement Ralf Schumacher et le jeune Jenson Button, un choix d’ailleurs critiqué, qui piloteront pour Williams en 2000.
Kristensen fera des essais avec une vieille Williams pour le compte de Michelin, donnant pleine satisfaction au manufacturier français. « Je devais prendre ce test très au sérieux et leur donner de bons retours m’a aidé » se remémore Kristensen. « Ils m’ont donné du roulage aussi. C’était très important de faire ça mais quand j’ai fait ça, j’avais déjà signé avec Audi ».
Et avec Audi, il remporte sa deuxième victoire au Mans, en 2000. Dans le même temps, les contacts s’établissent avec Prost Grand Prix, Alain Prost ayant avoué récemment qu’il voulait engager le Danois. L’opération ne se fera pas, pour des raisons financières manifestes.
« Il y avait un aspect financier. Ça a toujours été mon point faible et je n’ai jamais eu un bon niveau de soutien financier » continue Kristensen. « Les gens que je connais avaient des contacts chez Prost Grand Prix à cette époque et ça m’intéressait. Je suis content qu’il le mentionne aujourd’hui ».
Finalement, les portes de la F1 se sont fermées définitivement pour lui. Cet échec étant arrivé en même temps que le contrat chez Audi, Kristensen tournera sa carrière vers l’Endurance et remportera le mans six fois consécutivement entre 2000 et 2005, puis de nouveau en 2008 et 2013. Il remportera également six fois les 12 heures de Sebring. Est-il déçu de n’avoir jamais été pilote de Formule 1 ?
« J’aime les sports mécaniques. J’ai le privilège d’avoir pu faire ce que j’ai fait. Venir d’un petit pays comme le Danemark a toujours signifié que la Formule 1 était un but qui se situait très loin » explique-t-il. « J’ai eu de la chance de pouvoir devenir pilote professionnel. C’était mon rêve, mais un rêve peu réaliste jusqu’à ce que je réalise que je pouvais battre des pilotes qui l’étaient eux-mêmes ».
« J’y ai ensuite travaillé très dur. Après ma première victoire au Mans, j’avais rejoint BMW dans l’espoir d’arriver à la Formule 1 chez Williams, c’est le plus près que j’en ai été ».
Finalement, aucun regret pour le pilote le plus titré au Mans : « Je suis très heureux de ma décision de rejoindre Audi fin 1999, je ne le regrette pas une seconde ».