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Interview de Rémi Taffin, directeur des opérations piste de Renault F1

"La charge de travail précédant la course va doubler"

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En quoi le nouveau propulseur va-t-il affecter les préparatifs d’avant-course ?

Avec la nouvelle Unité de Propulsion, qui combine des systèmes de récupération d’énergie électrique sophistiqués et un moteur à combustion interne, la charge de travail précédant la course va doubler. Pour le châssis, nous procéderons comme à notre habitude : nous recevrons les informations concernant les réglages deux semaines avant chaque épreuve. L’ingénieur moteur de l’équipe combinera ensuite ces infos avec les données de l’Unité de Propulsion à l’aide d’une simulation reproduisant les conditions de piste. Nous obtiendrons ainsi les paramètres généraux de fonctionnement de la voiture pour le circuit en question. Les résultats obtenus seront ensuite renvoyés aux équipes en charge du châssis pour qu’ils les analysent en y ajoutant les niveaux d’adhérence et d’appui ainsi que d’autres réglages plus poussés. Ce processus se répétera plusieurs fois, les données faisant la navette entre les deux départements jusqu’à l’obtention des réglages adéquats. Au fil du temps, nous apprendrons à optimiser la procédure mais nous nous attendons tout de même à ce que les heures de travail se comptent en centaines sur chaque Grand Prix. C’est deux fois plus que pour les V8.

Y aura-t-il des changements dans la procédure lors d’un week-end de course ?

Nous avons créé une salle de contrôle pour surveiller les opérations en temps réel. Cela représente une évolution majeure par rapport aux années précédentes, où nous récupérions les données uniquement en piste. En outre, nous transmettrons plus souvent les données à l’usine et bénéficierons ainsi d’une aide accrue de leur part après chaque séance. La masse de données à analyser sera telle que nous utiliserons plus fréquemment les bancs d’essais de Viry-Châtillon afin d’optimiser la performance en piste. C’est difficile à estimer, mais je pense que les bancs tourneront trois fois plus qu’avant, et ce en raison de la quantité de paramètres à explorer. Avec les V8, nous pouvions prévoir leur comportement et si un problème survenait, nous l’avions la plupart du temps déjà identifié. Ces nouveaux ensembles sont bien plus complexes. En réalité, la seule chose qui a été simplifiée cette saison c’est l’interdiction de toucher aux pignons de boîte de vitesses. Ils auront été définis en début d’année et ne pourront plus être modifiés ensuite. Nous aurons le droit d’effectuer un changement au cours de la saison, mais les huit pignons seront soumis à la FIA avant le premier Grand Prix et ils devront demeurer identiques à chaque course.

Avec l’arrivée du nouveau propulseur, comment vont s’organiser les équipes techniques de Renault en liaison avec les structures partenaires ?

La nouvelle Unité de Propulsion arrive avec son lot de défis à relever. Par conséquent, nous avons renforcé l’équipe de techniciens Renault présente sur les circuits. Chaque partenaire travaillera en association avec une structure technique de huit personnes, constituée, sur chaque voiture, d’un ingénieur, d’un mécanicien, d’un électricien et d’un ingénieur performance. Ce dernier s’occupera de la gestion de l’énergie ainsi que des réglages de l’Unité de Propulsion pour garantir l’équilibre entre carburant et énergie électrique. Il travaillera en étroite collaboration avec les équipes châssis, notamment les ingénieurs de piste et les personnes en charge de la stratégie.

Le mode opératoire entre Renault et les équipes châssis va-t-il différer sur les circuits ?

Il n’y aura pas de changement fondamental puisque nos équipes châssis sont déjà bien intégrées au travail en piste. En revanche, le flot d’informations qui circulent entre les deux départements sera fortement accru par rapport aux années précédentes. Cette année, l’Unité de Propulsion fonctionnera avec deux sources d’énergie et la façon dont nous les utiliserons aura un impact beaucoup plus important sur le choix de la stratégie de course et sa réalisation. Avec le V8, nous choisissions une stratégie et savions pertinemment qu’à la fin de la course nous terminerions au maximum à 1% de la solution optimale. Nous risquons cette saison d’observer un écart beaucoup plus important si nous faisons fausse route.

Par conséquent, les conversations radio seront-elles différentes ? Peut-on s’attendre à assister à des stratégies variables, décidées en pleine course ?

Les instructions données en course seront différentes, c’est certain. Nous ne demanderons pas de modifier le mélange en carburant, mais parlerons plutôt de « budget carburant », et de la quantité consommée à chaque tour. Avant la course, les ingénieurs choisiront le dosage essence/électricité à consommer sur l’intégralité du tour. Nous aurons alors un objectif – ou un budget en énergie – qu’il faudra surveiller pour nous assurer de rallier l’arrivée. Les ingénieurs « moteur » étudieront la consommation de carburant (essence et électricité) et informeront le pilote s’il est au dessus ou en dessous de la consommation idéale. Il devra alors soit l’ajuster manuellement, soit modifier son style de pilotage en se basant sur les informations transmises.

À partir de 2014, seuls 5 Groupes propulseurs sont autorisées par pilote au cours de la saison mais les différents composants du bloc (turbo, ERS etc.) peuvent être modifiés indépendamment les uns des autres. Comment allez-vous gérer ce système ?

Dans un monde parfait, nous ferions comme l’année passée et changerions tout le bloc. Les pièces sont conçues de manière à bénéficier de la même durée de vie. Nous tenterons donc de garder une certaine unité au sein du bloc en changeant le turbo, le ERS et la batterie en même temps. Il existe toutefois un autre système qui permet de changer seulement certains éléments si besoin en était. Nous ne cherchons pas nécessairement à réunir des pièces à la durée de vie différente, mais cela nous permet d’adapter l’Unité de Propulsion aux besoins spécifiques de tel ou tel circuit. Par exemple, nous pourrions utiliser un nouveau moteur à combustion interne avec une ancienne batterie à Monza dans le but d’obtenir plus de puissance. Inversement, à Monaco, nous changerions la batterie mais pas le moteur puisque les besoins en énergie électrique seront plus important que ceux nécessaires pour la vitesse pure. Cela semble compliqué à gérer mais je ne m’attends pas à voir beaucoup de gens utiliser le système modulaire dans la vie de tous les jours.

Certaines pistes vont-elles poser un problème particulier ?

À mes yeux pas plus que les années passées. Monza reste un circuit à haute vitesse et sera le plus exigeant pour le V6, tandis que la récupération d’énergie se révélera cruciale à Monaco et à Budapest. En revanche, le turbo risque de niveler les différences entre les conditions ambiantes et atmosphériques. Par conséquent, certains circuits, autrefois jugées peu « difficiles » pour les moteurs, pourront le devenir. Prenons l’exemple du Brésil. On a coutume de dire que le tracé d’Interlagos a un impact négligeable sur le moteur et nous avons l’habitude d’y utiliser un bloc ayant déjà couvert deux Grand Prix. En effet, la pression atmosphérique y est faible, ce qui réduit les contraintes exercées sur les composants internes du moteur. Or, le turbo augmente la pression ambiante à l’intérieur du bloc et les contraintes exercées ne varient donc pas, et ce quel que soit le taux d’oxygène dans l’atmosphère. De la même façon, en Malaisie, nous pouvions toujours compter sur l’humidité pour atténuer les effets générés dans les longues lignes droites. Désormais, un manque d’oxygène n’entraînera pas de perte de
puissance puisque nous contrôlons à tout moment la quantité d’air présente dans le moteur.

Faudra-t-il plus de temps pour démarrer les turbos sur les circuits situés en altitude, comme c’était le cas auparavant ?

Beaucoup de gens se souviennent qu’il fallait attendre des heures pour démarrer et faire chauffer les moteurs au Brésil ou en Afrique du Sud. La technologie a cependant considérablement évolué depuis et je suis persuadé que tout se passera bien. Au bout du compte, c’est toujours la performance en piste qui prime, non ?

Quels sont les principaux défis que doivent relever les équipes « moteur » oeuvrant en piste ?

Le premier sera de dissiper la chaleur émise. Le turbo et les moteurs électriques génèrent énormément de chaleur mais les composants internes atteindront également des températures très élevées. Parvenir à faire fonctionner tous ces éléments ensemble et sans encombre représente un défi majeur. Les forces électromagnétiques seront très importantes. Réussir à gérer tous ces systèmes en même temps risque d’être quelque peu stressant.

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