La progression fulgurante de l’adhérence des F1 depuis 2017 a une conséquence peut-être nuisible sur le pilotage pur : Blanchimont, le Raidillon et maintenant Pouhon se prennent aujourd’hui à fond.
N’est-ce pas regrettable du point de vue du spectacle ? N’est-on pas allé trop loin au niveau de la vitesse pure des F1 ?
« Mon point de vue personnel, c’est que plus la voiture est rapide, plus elle est difficile à conduire » explique Gil de Ferran, le directeur sportif de McLaren.
« Parce que vous devez être autant performant, et réussir à faire autant de choses, en moins de temps. C’est donc plus difficile pour vous de le faire d’une manière précise. Cela dit, il y a quelques virages qui étaient difficiles par le passé. Quand j’étais petit ici, il y a 20 ans, l’Eau Rouge était un virage très difficile, et ce n’est plus le cas aujourd’hui. Donc je pense que l’équilibre entre l’adhérence des pneus, l’appui, le poids de la voiture, et la puissance, a vraiment des grandes conséquences sur le pilotage. Donc il faudrait peut-être se pencher sur ce point. »
Cyril Abiteboul, du côté de Renault, semble lui aussi penser que la F1 est allée trop loin.
« Je suis pleinement d’accord pour dire que la puissance et la traînée ne sont pas probablement au niveau nécessaire aujourd’hui pour que nous ayons assez de courses spectaculaires. Le spectacle n’est pas nécessairement une fin en soi, mais il faut avoir des pilotes qui puissent susciter l’admiration, et nous ne le voyons plus tellement. Cela change l’image que nous avons des pilotes. Ils font toujours un travail remarquable. Mais nous n’avons pas la même sensation, les mêmes émotions, en tant que spectateurs. Donc je pense que ce devrait être une de nos priorités avant de définir les prochains règlements moteur et châssis – parce que l’on pourrait aussi décider d’accroître la puissance moteur. »
Christian Horner apporte une nuance : s’il pleut en course, le spectacle ne pourra être que décuplé !
« Si vous regardez notre voiture et le niveau d’appui que nous avons aujourd’hui, certains virages sont assez excitants pour le pilote. Mais certains virages ici, comme l’Eau Rouge, avec des vibreurs qui ont été un peu déplacés, avec des zones de dégagement qui ont été rajoutées, ont été rendus beaucoup moins punitifs. Donc vous n’êtes pas punis si vous les prenez mal. Vous avez la sécurité, mais un pilote ne peut plus vraiment faire la différence. »
« Certains virages se prennent un peu trop facilement sans doute aujourd’hui. Mais il y a une variable qui peut rendre le tout vraiment excitant : s’il pleut un peu, soudainement, l’Eau Rouge devient un gros, gros virage. Blanchimont aussi. Donc c’est une question d’équilibre. »