Quelles ont été les principales modifications apportées depuis 2009 ?
Nous avons principalement axé nos efforts sur l’allongement de la durée de vie du moteur. Le plus gros challenge a ensuite consisté à gérer leur utilisation car chaque pilote dispose de seulement huit blocs sur l’ensemble de la saison. Il nous a cependant fallu travailler sur un projet parallèle avec la réintroduction du SREC, le système de récupération d’énergie cinétique. Certaines équipes en ont fait l’usage en 2009, avant qu’il ne soit banni la saison suivante puis de nouveau accepté en 2011. Au début, les équipes ont assumé l’exploitation du SREC, mais nous sommes ensuite devenus responsables du MGU (moteur générateur électrique) et de son intégration au système électrique. Les teams, pour leur part, ont pris en charge la batterie. Nous avons ainsi dû étudier les différentes options pour accoupler le SREC aux monoplaces afin d’optimiser leur intégration.
Comment s’est développé le SREC (KERS) ces 3 dernières années ?
A la différence du moteur, le règlement reste ouvert et nous avons effectué des progrès significatifs dans ce domaine. Nous l’avons d’abord rendu le plus léger possible afin de faciliter son installation dans le châssis, puis nous avons allongé la durée de vie de chaque composant. Ceci nous a permis de ne pas avoir à remplacer le système trop souvent. Sur le plan mécanique, nous avons travaillé en étroite collaboration avec nos fournisseurs pour améliorer la fiabilité, mais également mener des recherches intensives sur les logiciels et systèmes de contrôle. L’objectif a consisté à déterminer des programmes et des cycles de fonctionnement pouvant être appliqués dans diverses conditions et différents niveaux de températures. Nous avons en outre travaillé sur des systèmes sur-mesure à destination de nos équipes afin que leur intégration au châssis soit optimale. En 2009, nous ne fournissions le SREC qu’à Lotus, puis Red Bull en 2011 et Caterham, enfin, a complété la liste en 2012. La manière avec laquelle Red Bull fait fonctionner son SREC n’a rien à voir avec la façon de procéder chez Lotus. Il a donc fallu s’adapter pour offrir à nos équipes le meilleur service possible.
Depuis quatre ans, avez-vous apporté des changements significatifs dans la combustion interne du moteur ?
Nous avons corrigé certains éléments qui méritaient de l’être et nous avons renforcé certaines pièces fragiles du moteur. Le vilebrequin, par exemple, a subi quelques modifications dans son architecture et son intégration au bloc, mais il a également fallu repenser les bielles pour prévenir leur casse et optimiser la dynamique de leurs mouvements. Les principales évolutions ont cependant concerné les pistons qui sont certainement la partie la plus sollicitée. Avec la limitation du nombre de V8, ces éléments subissent de fortes charges sur de plus longues durées et, de ce fait, il a fallu imaginer de nouveaux designs pour garantir un haut niveau de fiabilité, particulièrement en 2011 et 2012. La lubrification a également constitué une part importante de nos développements. Nous avons passé de longues heures à réduire le flux et s’assurer que la consommation soit similaire sur l’ensemble du moteur. Il s’agit d’un exercice basique destiné à comprendre les différents paramètres et leur impact sur la performance globale, le but étant d’utiliser le moins de lubrifiant possible, gage d’un poids moindre et donc d’un gain de temps au tour. Enfin, avec l’interdiction des ravitaillements, effective en 2010, nous avons travaillé sur l’efficacité de l’écoulement du carburant et redéfini l’utilisation du moteur sur un tour de piste pour, là-encore, gagner en performance.
Vous fournissiez deux équipes en 2009 et elles sont aujourd’hui au nombre de quatre. Opérez-vous différemment désormais ?
Collaborer avec plusieurs équipes a radicalement modifié notre approche. Même si le moteur est identique dans son ensemble, il y a beaucoup de différences entre chaque team, notamment sur l’intégration du bloc et sa plage de fonctionnement. Afin d’optimiser le package de chacun, nous avons abordé différemment notre travail sur le banc à Viry et les essais sont plus soutenus que par le passé, tant en fréquence qu’en complexité des données recherchées. En 2010 et 2011, par exemple, nous nous sommes focalisés sur les échappements afin de gagner en endurance et en performance. Je dirais que cela représentait 70% de notre activité à Viry. Dans la mesure où nous fournissons davantage de moteurs, l’activité est devenue plus importante. Pas uniquement au niveau de l’assemblage, mais également pour la réception des pièces, les essais sur le banc et aéro sur piste… Les tests inhérents à la boîte de vitesses ont aussi augmenté et nous pouvons ainsi analyser les effets sur la transmission. C’est instructif car nous avons pu comprendre comment fonctionne l’ensemble et en tirer les bénéfices pour permettre à nos équipes d’être immédiatement dans de bonnes dispositions. Pour cette raison, nous sommes impliqués dans la genèse de chaque nouvelle monoplace. Cela représente beaucoup de travail, qui plus est avec un nombre de partenaires qui a doublé en cinq ans, et il a fallu restructurer notre organisation. Nous avons mis en place des ingénieurs de liaison ce qui permet aux équipes d’avoir un contact direct avec Viry pour obtenir des réponses rapides et précises à leurs demandes.
Il doit maintenant y avoir des statistiques impressionnantes concernant le moteur...
Le moteur développe plus de 750 cv et la vitesse de pointe de la voiture dépasse 330 km/h – ce qui n’est pas très loin de la vitesse de croisière d’un petit avion privé. L’accélération de 0 à 60 km/h se fait en 1,6 secondes, à peu près comme un avion de combat F16. Le moteur peut passer de 0 à 100 km/h en 2,5 secondes, de 0 à 200 km/h en 5,1 secondes et de 0 à 300 km/h en 12,0 secondes, en fonction des réglages aérodynamiques et des pignons de boîte. Tout ceci avec un poids de seulement 95 kg, moins que celui d’un moteur de 60 cv d’une petite voiture de ville ! La chaleur produite par notre V8 est telle que les échappements du RS27 atteignent une température de 1000° C. Pour vous donner une idée de ce chiffre incroyable, la température de la lave volcanique est comprise entre 700°C et 1200°C !