Le sport mécanique aux JO : une histoire en pointillés
Si la F1 est encore plongée dans la torpeur de la trêve estivale, l’actualité sportive bat actuellement son plein grâce aux Jeux Olympiques organisés à Rio de Janeiro. Parmi les grands absents des disciplines présentes aux JO, figure sans nul doute l’ensemble du sport mécanique, et donc la Formule 1.
Rappelons qu’en 1936, à Berlin, dans un pays depuis trois ans sous la férule d’Hitler, les sports mécaniques s’invitèrent aux JO, mais uniquement dans une épreuve de démonstration. La plupart des voitures étaient allemandes. Il s’agissait alors surtout de démontrer la supériorité de l’industrie du régime hitlérien.
Lors des Jeux Olympiques 1956 à Melbourne, en Australie, une course de F1, hors championnat (et qui ne comptait pour le classement des médailles) fut disputée pendant la durée des Olympiades. Quelques pilotes européens s’y mêlèrent, dont les Maserati de Stirling Moss et Jean Behra (qui finirent aux deux premières places), accompagnés de champions locaux, parmi lesquels figurait Stan Jones (5e de l’épreuve), le père d’Alan, le champion du monde 1980 avec Williams. L’épreuve fut un succès populaire (on compta 120 000 spectateurs) et bénéficia d’une excellente couverture médiatique, malgré les Olympiades en cours. Cependant, l’expérience ne fut jamais reproduite.
Un sport mécanique est-il soluble dans l’esprit olympique ?
Serait-il alors légitime d’assister à une compétition de F1 aux prochains JO de Tokyo, ou à Paris éventuellement en 2024 ? La question est légitime. Elle peut d’emblée soulever quelques interrogations, voire quelques étonnements. Les JO sont normalement organisés pour mettre en valeur les valeurs de l’esprit olympique, faites de dévouement, voire de désintéressement, et on sait que l’amateurisme a longtemps été une condition sine qua non pour participer à certaines disciplines.
Les JO mettent également en avant des disciplines souvent dans l’ombre médiatique le reste du temps (taekwondo, aviron, décathlon…). Enfin, les JO consacrent un sportif et non une machine. Or, la F1 est devenue avec le temps de plus en plus un sport d’ingénieur, où la part du pilote compte moins que par le passé. En somme, la F1, sport extrêmement coûteux financièrement, et déjà très bien exposé médiatiquement tout au long de l’année, n’aurait guère besoin des JO pour exister – la réciproque étant tout aussi vraie. « Je ne pense pas que la Formule 1 devrait être un sport olympique », déclarait déjà en ce sens Lewis Hamilton il y a quatre ans, pendant les JO de Londres.
Ces objections sont puissantes et il serait vain de les nier. Cependant, l’on peut tout aussi bien rappeler que l’équitation est une discipline olympique depuis de nombreuses années, et ce sont donc les « chevaux » (tiens, tiens) autant que les jockeys (les pilotes) qui importent dans le classement final. De plus, en F1, des qualités premières, qui sont au centre d’autres disciplines olympiques, permettent aussi aux pilotes de faire la différence : la dextérité, l’intelligence dans la stratégie, le sang-froid, le courage quand il s’agit de tenter le dépassement au bon moment, tels doivent être les points forts de tout pilote de F1 et ils répondent parfaitement aux critères de l’esprit olympique. On pourrait même y rajouter un certain esprit chevaleresque, même si celui-ci a considérablement perdu en vigueur depuis les années cinquante ou soixante.
La F1 et la question des nations
Imaginons donc rapidement une épreuve olympique de Formule 1 organisée en 2016 à Rio de Janeiro. Elle pourrait tout aussi bien avoir lieu à Interlagos – la question des infrastructures, comme en football par exemple, n’est pas un immense problème. Survient alors un problème de taille : si Lewis Hamilton l’emporte sur sa Mercedes, à qui devrait revenir la médaille d’or ? A la Grande-Bretagne ? A Mercedes ? Aux deux ? La machine est tellement importante en F1 qu’il serait injuste de ne pas considérer la nationalité du constructeur. Ci-gît le lièvre : les JO sont basés sur un principe national qu’ignore la Formule 1. Une discipline olympique en F1 devrait donc rassembler des paires de deux pilotes par nation, et non pas par écurie. De 2005 à 2009, la formule A1 GP avait d’ailleurs déjà tenté de rassembler des pilotes par nation, mais ne disposait guère à l’époque de l’exposition médiatique de la F1 ou des JO.
Le corollaire de cette organisation est que les monoplaces d’une saison traditionnelle en F1, aux performances bien trop inégales, laisseraient leurs places à des voitures toutes identiques, monotypes, à l’image de ce qui se fait en GP2. Les pilotes concourraient ainsi à armes égales, dans le respect de l’équité olympique. De ce fait, la course olympique ne distribuerait plus que des médailles et ne serait d’aucune incidence sur le classement pilotes et constructeurs.
Du même coup, peut-on imaginer un Lewis Hamilton interrompre ses vacances à la Barbade pour participer à une épreuve inutile dans son objectif d’être quadruple champion du monde ? Verrait-on tous les pilotes, eux qui n’ont déjà que si peu de jours de vacances, stopper leurs si précieuses pauses estivales pour concourir dans une course de prestige ? On peut douter que ce soit le cas de tous, en dépit de l’aura des Jeux Olympiques. Sans compter que cette solution écarte et méprise de fait toutes les autres disciplines mécaniques. Alors, que faire ?
Une Race of Champions bis, le format idéal ?
Résumons les impératifs que nous avons repérés : égalité des machines, base nationale, nécessité de représentativité. Il s’agirait de sacrer le « meilleur pilote » en respectant l’ensemble des valeurs olympiques.
Et pour ce faire, une solution semble s’imposer à nos yeux : l’organisation d’une compétition sur le format de la « Race of Champions ». Créée par Michèle Mouton et Fredric Johnson en 1988, la « ROC » fait s’affronter des pilotes venues de toutes les disciplines mécaniques : F1 bien sûr, mais aussi rallye, moto, endurance, supertourisme… Chacun des participants dispose de la même machine au cours d’une série d’épreuves diverses et variées qui permet de distinguer le pilote au talent le plus complet.
L’organisation d’une simili-ROC aux JO aurait d’autres avantages techniques et logistiques. Elle pourrait se disputer dans un stade (la ROC s’est ainsi disputée deux fois à Wembley), elle opposerait des paires de pilotes de même nationalité, elle représenterait l’ensemble du monde du sport mécanique, et le format de duels aurait pour vertu d’augmenter le suspense et le spectacle. De plus, on ne pourrait craindre un manque de participation général en étendant l’ensemble des pilotes conviés à de nombreuses disciplines.
On l’aura compris, il ne s’agit donc plus de représenter seulement la F1 aux JO – solution technique trop restreinte – mais l’ensemble du sport mécanique. Le format proposé, par sa sélectivité, par son caractère spectaculaire et original, aurait pour mérite d’attirer l’attention du public sans procéder à un simple calque d’une course de F1, tout en respectant les valeurs de l’olympisme et en n’ombrageant pas les autres disciplines. Bien sûr, cette solution est encore toute hypothétique et il est encore très peu probable que le sport mécanique soit représenté aux prochaines Olympiades, du moins sous cette forme. Car une autre possibilité a été récemment envisagée…
Quid de la solution Formule E ?
En effet, en juillet 2015, le site F1-Insider.com rapportait que certains membres influents de la FIA pousseraient en coulisse auprès du Comité International Olympique pour une future intégration de la discipline. La FIA a d’ailleurs récemment été reconnue comme instance officielle par le CIO. Néanmoins, plutôt que les JO, ce serait les Formula E qui auraient davantage la cote. Une telle solution est également loin d’être absurde : les Formula E peuvent être rapidement rendues toutes identiques (comme lors des débuts de la formule) et la discipline bénéficierait en supplément d’une meilleure image grâce à son aspect écologique.
A l’époque, le champion du monde de F1 1997, Jacques Villeneuve, qui a eu une courte expérience en outre en Formula E, faisait part de son enthousiasme pour cette proposition : « Je m’engagerais immédiatement aux JO. Et je pense que les pilotes en feraient de même », assurait alors le Canadien. « Ce n’est pas quelque chose d’irréaliste. Par exemple, qui aurait pensé il y a 30 ans que le tennis serait aux JO et qu’il attirerait les meilleurs joueurs du monde ? » argumentait-il.
Formula E, Race of Champions bis, ou organisation d’une course hors championnat à l’image du Grand Prix de Melbourne 1956, voici les trois solutions qui sont sur la table de la FIA comme du CIO. Charge aux deux instances officielles de s’entendre pour qu’enfin, le sport mécanique soit représenté lors des futures olympiades…