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La FIA publie les raisons du rejet de l’appel de Red Bull

Le jugement en entier

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Comme promis la FIA a publié ce soir les raisons pour laquelle elle a rejeté l’appel de Red Bull. Selon le Tribunal d’Appel, Red Bull n’a pas prouvé que Ricciardo n’avait pas dépassé le flux maximum autorisé en course à Melbourne.

Les juges estiment que les estimations du flux, basé sur le logiciel, ne sont pas recevables puisque non conformes aux conditions de course (vibrations de la voiture, etc...). Les propres estimations de Red Bull montrent d’ailleurs que la voiture de Ricciardo a bien dépassé la limite de flux autorisé (voir l’explication complète ci-dessous).

Le Tribunal rappelle que les méthodes de mesure officielles sont bien déterminées par les directives techniques.

Le jugement complet

RAPPEL DES FAITS

1. En décembre 2012, le Conseil Mondial du Sport Automobile de la FIA a approuvé
le nouveau Règlement Technique du Championnat du Monde de Formule Un de la FIA 2014 élaboré par le Groupe de Travail Technique de la FIA et proposé par la Commission F1 de la FIA, (a) exigeant le remplacement des moteurs atmosphériques V8 2,4 litres alors utilisés par des moteurs suralimentés V6 1,6 litre, pour un régime moteur de 15000 tr/min maximum, avec 120 kW de puissance supplémentaire générée par le Système de Récupération d’Energie ; et (b) introduisant une limitation de la consommation totale de carburant à 100 kg par course.

2. Le nouveau règlement a également instauré une limitation du flux de carburant instantané, c’est-à-dire du débit auquel le carburant peut circuler dans les injecteurs
de carburant du moteur. Cette limite (ci-après "la limite de débit de carburant" ou "FFL") est liée au régime moteur mais à raison d’un débit maximum de 100 kg/h (à 10500 tr/min et au-delà).

3. Pour veiller au respect de cette règle, la FIA a approuvé une méthodologie utilisant
un capteur, appelé débitmètre de carburant ou "FFM", qui permet de mesurer le débit de
carburant d’une voiture ("FFR"). Dans ce contexte, la FIA a sélectionné le capteur "Gill’s Ultrasonic Sensor" pour sa conformité aux normes de précision et de fiabilité de la FIA. Ce capteur utilise la technologie des ultra-sons pour mesurer le débit du carburant passant par le capteur alors qu’il sort du réservoir. L’appareil transmet ces mesures en temps réel à la FIA et à l’équipe concernée.

4. La précision de chaque capteur fabriqué par Gill est vérifiée avant son utilisation par le biais d’une entreprise de calibrage agréée par la FIA. À ce jour, une seule société, à savoir Calibra, est agréée par la FIA pour le calibrage des capteurs. Calibra a développé un essai au banc avec la FIA afin de respecter les spécifications requises par cette dernière.

5. Le calibrage de chaque capteur est propre au carburant spécifié par l’équipe concernée. Un tableau de calibrage est élaboré et programmé dans le capteur et un contrôle du calibrage est alors effectué, consistant en une série de simulations de
tours. Les tolérances pour ces mesures sont de +/- 0,5%.

6. Deux problèmes pratiques ont été identifiés par la FIA durant le développement et les essais du FFM. Dans certains cas, le capteur ne fournit plus aucune mesure du débit de carburant, dans d’autres, il inclut une valeur de décalage négative importante par rapport au FFR réel. Ceci tient au fait que le FFM s’initialise à un niveau incorrect et, par conséquent, sous-estime le FFR réel.

7. Pour résoudre le premier problème, à savoir l’arrêt du fonctionnement du FFM, le système bascule automatiquement vers une méthode de back-up utilisant les estimations du FFR générées par le modèle de débit de carburant du moteur, corrigées pour plus de précision en appliquant le différentiel enregistré entre les mesures du débit de carburant fournies par le capteur avant sa défaillance et les estimations du débit de carburant générées par le modèle durant la même période.

8. S’agissant du problème de "décalage" créé par le FFM, il peut être résolu en réinitialisant le système. Si ceci n’est pas possible, par exemple lorsque le problème se pose pendant les qualifications ou en course, la FIA mesure le débit de carburant en passant au système de back-up, c’est-à-dire en utilisant les estimations du FFR générées par le modèle de débit de carburant, corrigées selon le différentiel entre les mesures exactes les plus récentes fournies par le capteur et les estimations du FFR issues du modèle durant la même période.

9. Avant le début de la saison 2014, la FIA a publié deux Directives Techniques (ci-
après "TD"), la TD/031-13 (Fuel Flow Sensors) et la TD/016-14 (Fuel Flow Monitoring), expliquant le fonctionnement du capteur et donnant des instructions sur ce qui se produit lorsqu’un capteur cesse de fournir des relevés corrects. Comme expliqué dans ces TD, soit
le système bascule automatiquement, soit la FIA approuve le passage à la solution de back-up, c’est-à-dire l’utilisation des estimations du FFR issues du modèle de débit de carburant, corrigées selon le différentiel entre les mesures exactes les plus récentes fournies par le capteur et les estimations du FFR issues du modèle durant la même période.

10. Le moteur Renault Sport, qui équipe la voiture n°3 de Red Bull, utilise un logiciel qui estime le débit de carburant dans les injecteurs en fonction d’un calcul informatique.

11. Red Bull disposait de deux débitmètres calibrés pour sa voiture n°3 : le FFM n°73
et le FFM n°139. Lors du Grand Prix d’Australie, la voiture n°3 était équipée du FFM n°
73, qui a été contrôlé par la FIA dès son installation sur la voiture.

12. Lors des deux premières séances d’essais du Grand Prix d’Australie, le FFM a relevé un FFR moyen juste en dessous de 100 kg/h (98,9 à 99,5) pour les runs 2 et 3 de la première séance, juste au-dessus de 100 kg/h (100,2 à 100,6) pour le run 4, puis stabilisé autour de cette valeur (100,4 à 101,0) pour l’ensemble de la deuxième séance d’essais.

13. L’Appelant a remplacé le FFM n° 73 par le FFM n°139 pour la troisième séance d’essais et la séance de qualifications. Dans le même temps, suite à des discussions entre M.
Fabrice Lom, Responsable Groupe Motopropulseur à la FIA, et M. David Mart, Ingénieur en mécanique Renault Sport F1, l’Appelant a restauré les paramètres d’origine du moteur. Le FFM n° 139 n’ayant pas du tout fonctionné, aucune mesure n’a pu être effectuée par le capteur sur la voiture n° 3 de l’Appelant lors de la troisième séance d’essais et de la séance de qualifications.

14. M. Lom et M. Whiting, Directeur d’Epreuve F1 de la FIA, ont tous deux averti l’Appelant qu’il devait à nouveau placer un débitmètre de carburant dans sa voiture n°3 pour la course, ce que l’Appelant a fait. Dans l’hypothèse où le FFM ne fonctionnerait pas correctement, M. Lom a indiqué à l’Appelant, verbalement et par courriel, qu’il devrait appliquer un coefficient de correction de 1,015 aux estimations du débit de carburant produites par le modèle Renault, calculé à partir des données les plus récentes relevées par le FFM lors de la deuxième séance d’essais et conformément à la procédure décrite dans la TD/016-14.

15. Pendant la course, selon les relevés du FFM n° 73, la voiture n°3 de l’Appelant a
dépassé la limite FFL et a affiché un débit de carburant supérieur à ceux estimés par le modèle Renault. Il est apparu que l’Appelant n’avait pas appliqué le coefficient de correction indiqué par la FIA. La FIA a alors averti l’Appelant que la voiture n° 3 dépassait la FFL et lui a dit de réduire son FFR.

16. L’Appelant a alors demandé à son pilote d’appliquer la correction et d’ajuster les réglages moteurs. Comme ceci, aux dires de l’Appelant, a entraîné une perte de puissance de 0,4 seconde par tour, une discussion interne a eu lieu au sein de l’équipe de l’Appelant et après sept tours seulement, se déroulant pour la plupart lors de l’intervention de la voiture de sécurité, l’Appelant a donné pour instruction à son pilote d’augmenter le débit de carburant. Le FFM n°73 a alors affiché un FFR supérieur à 100 kg/h jusqu’à la fin de la course.

17. Au vu de ce qui précède, la voiture n°3 de l’Appelant a été signalée aux Commissaires Sportifs pour dépassement de la FFL. L’Appelant a fait valoir que les relevés du FFM étaient erronés et qu’il était dès lors en droit de les ignorer et de se fier aux données du modèle Renault.

18. Les Commissaires Sportifs ont rejeté cet argument et, se référant aux Directives Techniques susmentionnées, ils ont estimé que l’Appelant aurait dû appliquer le coefficient de correction indiqué par la FIA.

19. Compte tenu de ce qui précède, les Commissaires Sportifs, ayant entendu les représentants de Red Bull, ont décidé le 16 mars 2014 à 13h55 (Heure de l’Europe centrale ou HEC) d’exclure la voiture n° 3 de Red Bull des résultats du Grand Prix d’Australie pour violation de l’Article 5.1.4 du Règlement Technique de Formule Un et publié la décision n°56 (ci-après la "Décision").

PROCEDURE ET REQUETES DES PARTIES

20. Red Bull a interjeté appel devant la Cour (ci-après l’"Appel"), via son ASN, l’ÖAMTC-OSK, le 20 mars 2014 à 11h27 (HEC) à l’encontre de la Décision.

21. Dans son mémoire d’appel, reçu par la Cour le 31 mars 2014, l’Appelant estime
que la Cour devrait :

 conclure que Red Bull n’a pas violé l’Article 3.2 du Règlement Sportif de Formule Un de la FIA et l’Article 5.1.4 du Règlement Technique de Formule Un de la FIA lors du Grand Prix d’Australie 2014 ;
 ordonner l’annulation de la Décision ;
 ordonner que la deuxième place de Daniel Ricciardo (ci-après "le Pilote") soit rétablie ;
 ordonner que les points pilote et constructeur applicables à ladite deuxième place soient rétablis ;
 ordonner à la FIA de payer les dépens de l’Appel tel que défini à l’Article 18.2 du Règlement Disciplinaire et Juridictionnel de la FIA (ci-après le "RDJ").

22. La FIA, dans son mémoire en réponse reçu par la Cour le 9 avril 2014, invite la
Cour à confirmer la Décision en tous points et à ordonner à Red Bull de payer les dépens de l’Appel.

23. Mercedes AMG (MAMG) a demandé à prendre part à la présente affaire en tant que tierce partie, conformément aux dispositions de l’Article 17.8 iii) du RDJ, ce qui a été accepté par le Président de l’Affaire dans sa décision datée du 28 mars 2014. En sa qualité, MAMG a demandé dans ses observations écrites, reçu par la Cour le 9 avril 2014, que cette dernière confirme non seulement la sanction infligée à l’Appelant mais qu’une sanction plus sévère, correspondant à l’exclusion d’au moins trois courses plus une disqualification de 6 mois supplémentaires, avec un sursis d’un an, soit imposée à Red Bull.

24. McLaren, Lotus et Williams ont également demandé à être considérés comme tierces parties, ce qui a été accepté par la décision susmentionnée du Président de l’Affaire, mais n’ont pas présenté d’observations écrites et n’ont pas non plus participé de manière active à l’audience.

25. Force India a seulement demandé, en vertu de l’Article 18.4 b) du RDJ, à pouvoir assister à l’audience en qualité d’observateur, ce qui lui a été accordé par la décision susmentionnée du Président de l’Affaire.

RECEVABILITE

26. La Cour reconnaît que l’Appelant a interjeté appel conformément au RDJ, ce qui
n’est pas contesté.

27. La Cour estime également qu’elle a compétence en la matière.

28. Par conséquent, la Cour déclare l’appel recevable.

SUR LE FOND

a) Arguments des parties

29. L’Appelant ne conteste pas que le FFM n°73 monté dans le réservoir de carburant de sa voiture n°3 indiquait des valeurs de débit de carburant excessives lors de la course disputée à Melbourne. Il affirme cependant que les données fournies par ce FFM n°73 n’étaient pas fiables.

30. Concernant le caractère inexact des données du FFM n°73, l’Appelant se fonde sur le fait que le capteur a indiqué une augmentation du débit de carburant de la voiture n°3 lors de la première séance d’essais alors que cette augmentation n’apparaissait pas dans les propres estimations de l’Appelant du débit de carburant de sa voiture n°3. L’Appelant ajoute que les autres facteurs indiquaient que ses estimations étaient justes et que les mesures fournies par le FFM n°73 étaient erronées. Selon l’Appelant, ses propres estimations montraient que la voiture n° 3n’avait pas dépassé la FFL durant la course.

31. L’Appelant fait valoir également que la Décision n’est pas fondée car les Commissaires Sportifs ont posé comme principe que les mesures du FFM font foi, à moins que la FIA n’admette qu’elles ne sont pas fiables et donne l’autorisation d’utiliser d’autres données, ce qui, selon l’Appelant, n’est pas spécifié dans le Règlement Technique mais seulement dans les Directives Techniques de la FIA, lesquelles ne sont pas juridiquement contraignantes.

32. La FIA souligne que la FFL doit être déterminée par un FFM homologué installé dans le réservoir de carburant de la voiture. Le FFM est calibré sous la supervision de la FIA et monté et exploité sous le contrôle de la FIA et conformément à ses strictes exigences.

33. Selon la FIA, lorsque les règles de la discipline fixent une limite de performance stricte, comme le prévoit l’Article 5.1.4 du RT, le respect de cette limite doit être déterminé
par la méthode contrôlée officiellement et uniformément applicable, spécifiée par la FIA dans les Directives Techniques. Les concurrents ne peuvent pas simplement choisir la méthode qui leur convient.

34. Notant que l’Appelant reconnaît que le FFM monté sur sa voiture n° 3 a mesuré des niveaux de FFR qui dépassaient la limite réglementaire, la FIA observe que ce dépassement est dû au fait que l’Appelant n’a pas tenu compte de son avertissement exprès lui demandant de diminuer le débit de carburant du moteur pour se conformer à cette limite.

35. La FIA ajoute ensuite que la propre estimation de l’Appelant du FFR de sa voiture n°3 à Melbourne a également montré que cette voiture a dépassé la FFL lors du Grand Prix d’Australie.

36. La FIA avance également qu’elle n’a jamais admis que les estimations du FFR produites par le modèle de débit de carburant du moteur pouvaient être utilisées pour déterminer la conformité avec la FFL. Les estimations ne sont que des solutions de back-up
à n’utiliser que dans certaines circonstances sous le contrôle de la FIA et uniquement si les estimations du modèle sont corrigées en fonction du différentiel entre les données exactes les plus récentes du capteur et les estimations du modèle pour la même période.

37. C’est la seule façon, selon la FIA, de garantir l’exactitude et l’équité des mesures et, en fin de compte, de protéger l’intégrité de la discipline.

38. MAMG a développé plusieurs points dans ses observations écrites et lors de l’audience, qui peuvent être résumés en substance comme suit :

 L’Appelant se révèle incohérent quand il admet que le FFM est le dispositif le plus précis
et le principal moyen de contrôle de la FFL, d’une part, et quand il fait valoir que ses propres estimations sont plus pertinentes dans la présente affaire, d’autre part.

 La méthode de mesure de l’Appelant n’est pas fiable car les mesures relevées avant la course diffèrent des mesures relevées après la course. La différence de 0,14% indiquée par l’Appelant ne constitue qu’une différence entre les niveaux d’imprécision. De plus, le test fourni par l’Appelant pour démontrer la précision de sa méthode ne réplique pas les conditions de course, comme la combustion du carburant ou les vibrations, et est donc imparfait.

 La méthode de mesure de l’Appelant n’est pas fondée sur des moyens physiques mais uniquement sur un modèle logiciel, qui dépend des données d’entrée, qui ne peuvent être vérifiées par la FIA.

 Les données de l’Appelant ne montrent pas toutes les variables pertinentes et les quatre variables montrées par l’Appelant afin de valider sa méthode de mesure ne sont même pas égales.

 Si l’Appelant avait raison, ceci signifierait que toutes les équipes pouvaient ignorer la
TD et les systèmes de mesure de la FIA, par exemple les mesures du poids de la voiture et bien d’autres mesures qui ont lieu avant, pendant ou après une course.

 Enfin, conformément à l’Article 17.9 du RDJ, la Cour peut augmenter la pénalité prononcée contre l’Appelant, car, compte tenu de tous les éléments de preuve fournis lors de la procédure d’appel, elle a une vision beaucoup plus claire de l’affaire que les Commissaires Sportifs.

b) Conclusions de la Cour

39. La Cour estime que dans la présente affaire, laprincipale question est de savoir si oui ou non la voiture n° 3 de l’Appelant a dépassé la FFL fixée en vertu de l’Article 5.1.4 du RT durant la course.

40. L’Article 2.7 du RT stipule qu’"Il est du devoir de chaque concurrent de prouver au Délégué Technique de la FIA et aux Commissaires Sportifs que sa voiture est en conformité avec le présent règlement [le Règlement Technique de Formule Un 2014 dans son intégralité à tout moment de l’Epreuve".

41. Conformément au libellé clair de l’Article 2.7 du RT, le fardeau de la preuve de la conformité d’un véhicule au RT incombe au concurrent et non à la FIA.

42. Dans cette perspective, la Cour estime que si les TD ne sont pas juridiquement contraignantes en elles-mêmes, la portée de la TD031-13 et de la TD/016-14 doit s’entendre dans le contexte de l’Article 2.7 du RT et compte tenu du fait qu’il appartient
aux concurrents de savoir comment s’acquitter de leurs obligations envers les délégués te
chniques de la FIA et les Commissaires Sportifs pour prouver la conformité de leur voiture au RT.

43. Comme l’Article 2.7 du RT prévoit que tout concurrent doit à tout moment être en mesure de prouver que sa voiture est en conformité avec le RT, un concurrent qui
suit les procédures prévues dans la TD/016-14 et la TD/031-13 prouve au Délégué Technique de la FIA que sa voiture est conforme à la réglementation visée aux Articles 5.14 et 5.15 du RS F1, en supposant bien entendu que les mesures indiquées par le capteur homologué par la FIA ou le système de back-up avec le coefficient de correction
n’ont pas montré que la voiture a dépassé la limite fixée dans cet article.

44. Si un concurrent décide de ne pas suivre la TD, il doit accepter le risque que la preuve qu’il entend apporter comme alternative à celle prévue par la TD ne satisfasse pas le délégué technique, les Commissaires Sportifs ou, ultérieurement, la Cour d’Appel Internationale.

45. La Cour note que l’Appelant connaissait de toute évidence le risque encouru en ne
suivant pas la TD et l’a accepté. Ceci transparaît d’ailleurs dans la retranscription de sa conversation radio figurant au n°48 du mémoire de l’Appelant, où M.Monaghan, Ingénieur en chef de l’Appelant, a dit qu’il défendrait devant les Commissaires Sportifs la décision de l’Appelant de ne pas suivre la TD/016-14 et de s’appuyer sur les estimations de son modèle de débit de carburant.

46. La Cour doit à présent décider si la preuve avancée par l’Appelant établit
que la voiture n°3 de l’Appelant était en tout temps conforme à l’Article 5.1.4 du RT.

47. La Cour note tout d’abord que l’Appelant ne conteste pas que le FFM n°73 indiquait que le FFR de sa voiture n° 3 dépassait les 100 kg/h prévus à l’Article 5.1.4 du RT.

48. La Cour se réfère ensuite à la TD/016-14, à la documentation présentée par la FIA et à la déposition du témoin, M. Lom, Responsable Groupe Motopropulseur à la FIA.

49. Elle note que le FFM n° 73, comme tous les autres FFM, est un dispositif officiel homologué par la FIA.

50. Dans ce contexte, la Cour a également bien noté que la technologie et le calibrage n’ont pas été contestés dans la présente affaire.

51. Après avoir attentivement examine toutes les preuves qui lui ont été soumises par les parties et évalué les témoignages divergents des témoins experts lors de l’audience, la Cour ne se considère pas satisfaite sur le fait que l’Appelant établisse que la voiture n° 3 n’a pas excédé la FFL de 100 kg/h durant la course.

52. La Cour a considéré en particulier le fait que le modèle de débit de carburant de l’Appelant n’est pas, comme pour les autres concurrents de F1, une pièce supplémentaire
de l’équipement du moteur permettant de mesurer le débit de carburant avec le FFM homologué par la FIA. En effet, un modèle de débit de carburant ne mesure pas mais estime la vitesse à laquelle le carburant passe dans les injecteurs en fonction des performances escomptées du moteur. Il se fonde donc purement sur un calcul informatique.

53. La nature et la fonction du modèle de débit de carburant ne sont pas contestées par
l’Appelant.

54. L’Appelant avance que les résultats obtenus par son modèle de débit de carburant prouvent que les mesures relevées par le FFM n° 73 ne sont pas fiables.

55. La Cour juge utile de souligner que, ce faisant, l’Appelant ne se fonde pas sur une méthode homologuée par la FIA pour mesurer le débit de carburant mais uniquement sur sa propre méthode, dans la mesure où il a décidé de ne pas suivre les procédures de la TD/016-14.

56. Comme preuve de la fiabilité de son modèle de débit de carburant, l’Appelant a fourni une série de graphiques. Selon lui, ces graphiques montrent qu’aucun changement n’a été indiqué dans le FFR de sa voiture n° 3 sur la base de son modèle de débit de carburant, alors que le FFM n°73 avait montré des changements. L’Appelant estime que ces écarts montrent que le FFM n°73 n’est pas précis.

57. La Cour a noté que plusieurs graphiques ont effectivement montré que des paramètres avaient changé d’un tour à l’autre et que par conséquent on ne peut pas
conclure que le débitmètre de carburant n’a pas sensiblement varié lors des différents runs. Il apparaît en outre que tous les paramètres conduisant à la détermination du FFR d’une voiture étaient indiqués dans les graphiques.

58. La Cour a également pris note avec intérêt de la remarque formulée par M. Short, Race Team Electronics Leader pour MAMG, quant à l’impossibilité de lire certaines des données figurant sur le graphique car elles étaient cachées par le "signal parasitaire" émis par les vibrations du moteur lors des runs.

59. La Cour, au regard du Règlement Technique, a noté que conformément à l’Article 2.7
in fine du RT "Aucune conception mécanique ne pourra faire valoir l’inspection par un
logiciel comme garantie de sa conformité au règlement.". En d’autres termes, l’Appelant, qui a décidé de ne pas suivre la TD/016-14, ne peut dans tous les cas pas s’appuyer uniquement sur un modèle logiciel pour prouver la conformité de sa voiture n° 3 à l’Article 5.1.4 du RT.

60. Enfin, la Cour note que l’Appelant oppose les données de son modèle de débit de
carburant à celles du FFM n° 73 relatives aux runs effectués durant les essais avant
la course pour prouver la conformité de sa voiture n°3 à l’Article 5.1.4 du RT pendant la course.

61. Compte tenu de tout ce qui précède, la Cour considère que l’Appelant n’a pas prouvé que son modèle de débit de carburant estime le débit de carburant de manière (très) précise et/ou plus précise que le FFM n°73 et ne trouve aucun élément dans la présente affaire qui prouverait que la voiture de l’Appelant n°3 n’a pas dépassé la limite de masse de flux de carburant de 100 kg/h visée à l’Article 5.1.4 du RT.

62. Compte tenu de la preuve fondée sur les mesures relevées par le FFM n°73 pendant la course en Australie et en référence à l’Article 2.7 du RT, l’Appelant n’est donc pas parvenu à convaincre la Cour que sa voiture était conforme à l’Article 5.1.4 du RT à tout moment pendant le Grand Prix d’Australie de F1 2014. La voiture n°3 ayant dépassé la FFL durant la course, le pilote a été exclu des résultats de la course conformément à l’Article 29.5 du RS F1.

63. Le quantum de cette sanction n’est pas contesté par l’Appelant, qui n’a pas demandé que la sanction infligée par les Commissaires Sportifs soit allégée.

64. En outre, et compte tenu des problèmes techniques en jeu et du fait qu’il s’agissait de la première course officielle disputée au titre de cette nouvelle technologie, la Cour n’estime pas que l’attitude de l’Appelant en Australie était frauduleuse.

65. Sur la base de ce qui précède, la Cour estime que la pénalité infligée à l’Appelant par les Commissaires Sportifs est proportionnée et que la Décision doit être confirmée.

66. L’Appel est donc rejeté.

DEPENS (Frais de justice)

67. Compte tenu du rejet de l’Appel, la Cour laisse à l’Appelant la charge des dépens
conformément à l’Article 18.2 du RDJ.

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