8 des 11 écuries de F1 sont intégralement installées ou ont des bases en Grande-Bretagne. Ferrari, Toro Rosso et Sauber sont au contraire basées en Italie ou en Suisse. L’impact du Brexit inquiète donc la majorité du plateau, et notamment au sujet du recrutement potentiel des futurs ingénieurs. On sait que le nouveau gouvernement britannique a récemment annoncé sa volonté de réduire fortement l’immigration de travail… Les ingénieurs étrangers seront-ils alors toujours monnaie courante dans les écuries à l’avenir ?
Bob Bell, qui cherche à recruter bien plus de personnel pour l’usine d’Enstone de Renault, s’est ainsi publiquement inquiété du recrutement des futurs talents venus de l’étranger, et pas seulement pour des raisons liées au Brexit : « Il y a une pénurie d’ingénieurs talentueux, surtout si vous en voulez avec l’expérience de la F1, et cela est lié partiellement au fait que la plupart des ingénieurs, de nos jours, sont prisonniers de contrats à long terme, ce qui rend difficile de les recruter dans une période de temps relativement brève. Je ne pense pas qu’il y ait nécessairement une pénurie de jeunes diplômés, vifs et très doués. La plupart des équipes essaient d’utiliser cette ressource autant que possible. Et donc, je pense que je serais d’accord pour dire qu’il y a potentiellement une pénurie de talents, mais je pense peut-être que les difficultés d’une équipe comme la nôtre pour le recrutement ont plus à voir avec la difficulté de recruter des ingénieurs avec l’expérience de la F1 qui sont déjà installés dans les équipes existantes. »
« Pour ce qui est de l’influence du Brexit, il est trop tôt pour en dire les conséquences sur le futur du marché des ingénieurs en Grande-Bretagne. Je pense que ce serait formidable si le pays pouvait favoriser une base industrielle plus forte. Je pense que ce serait bon pour le pays et nous tous, en F1, soutiendrions pleinement des initiatives qui aident à développer cela. Non seulement cela permettrait d’avoir plus de candidats pour nous à recruter, mais je pense que ce serait aussi bon pour le pays dans l’ensemble. Mais, en dernier ressort, ce qui arrivera après le Brexit, je pense qu’aucun de nous ne peut le dire. »
Directeur technique chez Williams, Pat Symonds est d’accord avec Bob Bell pour dire que les équipes de F1 connaissent déjà des problèmes pour recruter hors d’Europe. Williams a alors choisi un système de formation interne… « Nous ne sommes pas une équipe qui s’agrandit rapidement de la même manière que Renault. Nous avons un programme d’enseignement très solide et je suis toujours impressionné par les qualités des élèves qui arrivent dans notre équipe. Ils sont vraiment très forts en effet. »
Williams ne limite pas cependant son recrutement à son programme de formation interne. « Nous recrutons parfois ceux qui ont suivi le programme de formation, et parfois d’autres ingénieurs. Il n’y a pas de problème pour nous à ce niveau. Nous avons de très bonnes personnes qui arrivent. Je suis d’accord pour dire que recruter un personnel plus âgé est tout à fait difficile. Les gens ont des contrats à long-terme. Nous mettons beaucoup de temps chez Williams pour remplacer nos équipes. Donc nous essayons de voir bien plus loin que la situation présente. »
Au sujet du Brexit, Pat Symonds pense aussi qu’il est trop tôt pour être catégorique. « Nous employons beaucoup d’Européens. Nous en avons en particulier dans le département aérodynamique, et il semble y avoir un très solide contingent venu de France. J’espère que nous aurons toujours une relative facilité pour employer des Européens. C’est toujours très difficile d’employer des non-Européens en Grande-Bretagne. Selon moi, bien trop difficile. Donc j’espère que les choses ne vont pas empirer. »
Son homologue chez Mercedes, Paddy Lowe, a été lui bien plus consensuel sur ce sujet : « Je pense que nous sommes très chanceux en F1. Nous sommes une destination très attractive pour les ingénieurs. Cela n’était pas le cas dans le passé. Nous avons des choses, comme le programme Formula Student, qui ont suscité une formidable prise de conscience dans le sport et pour son ingénierie en particulier. Et je pense que pour cette raison, nous avons commencé à recruter de plus en plus notre personnel en Europe et à l’international. Donc, je pense que cette tendance va s’accroître. La F1 est une formidable activité d’ingénierie. La F1 réussit des choses géniales, et tout relève de l’ingénierie. Donc j’aimerais voir ceci se développer dans le futur. »
Que dire alors du Brexit ? Ne menace-t-il pas l’optimisme de Paddy Lowe ? Sûrement pas ! « Avec le Brexit, nous pouvons peut-être devenir encore plus internationaux. Peut-être qu’il y a un côté positif au Brexit. J’espère que la Grande-Bretagne verra la F1 comme une industrie qui connaît beaucoup de succès, dans le pays même, et par conséquent, comme quelque chose à bien faire fonctionner ».
Les équipes sont donc partagées sur l’influence du Brexit. Il faudra sans doute attendre le printemps prochain pour voir si les craintes d’un « Hard Brexit » sont dissipées…