Le temps où Ferrari pouvait enchaîner des centaines et centaines de tours, notamment grâce à son pilote d’essais Luca Badoer, pour développer sa monoplace, est révolu. Depuis maintenant plus d’une décennie, les essais privés en F1 ont été considérablement réduits, afin de stopper une course aux armements dangereuse pour la survie financière de plus petites structures.
Les écuries se sont depuis adaptées et ont notamment investi dans des simulateurs de plus en plus perfectionnés, ou dans des outils de simulation informatique (CDF) novateurs.
Les simulateurs sont devenus indispensables pour les écuries modernes… au point qu’elles ne voudraient pas s’en séparer, même si les essais privés n’étaient plus limités. Directeur de la performance chez Renault, Chris Dyer explique en quoi les « sim » ont acquis une valeur irremplaçable aujourd’hui.
« Un simulateur, ce n’est pas seulement quelque chose qui remplace des essais en piste. Nous pouvons tester beaucoup de choses avec, dans des meilleures conditions que sur la piste – et plus vite. Donc c’est un outil précieux en soi. Même si les essais privés n’étaient plus limités, je suis sûr que bien des écuries continueraient à dépenser de l’argent dans les simulateurs. »
« Dans un virage à faible vitesse, vous pourriez par exemple avoir un souci si vous testez en piste, car la voiture pourrait n’être pas stable, et du coup le pilote pourrait avoir du mal à la contrôler. Mais dans le simulateur, peut-être que nous ne voyons pas ce problème, et donc, ça nous conduit à enquêter sur ce problème. Est-ce que ça vient de l’aérodynamique ? Du design de la suspension ? »
« Et si quelqu’un a une idée folle – et se demande comment la voiture se comporterait avec – nous pourrons alors coder cette idée dans le simulateur, la tester et dire ‘c’est plutôt pas mal’. Aujourd’hui, qu’est-ce que nous pouvons faire dans le monde réel ? Il faudrait qu’on dise aux gars de la soufflerie : ‘Ecoutez, vous devez passer six mois à essayer de donner tel comportement à la voiture’… Ou aux gars du département design : ‘nous avons besoin d’une suspension qui fonctionne comme ceci.’ »
Un simulateur coûte cher à développer – 10 millions d’euros environ pour les plus perfectionnés, sans compter le coût de stockage des données – mais les économies en bout de chaîne en valent sûrement la chandelle.
Le virtuel peut également ouvrir des frontières inattendues. Ainsi, Rudy van Buren, ancien pilote de karting amateur, mais qui n’a pu trouver de fonds pour poursuivre sa carrière, a remporté le championnat de e-gaming organisé par McLaren l’an dernier. Du même coup, il a eu l’opportunité de devenir un pilote officiel de McLaren – pour le simulateur. Depuis novembre, le Néerlandais s’est attelé à son nouveau métier.
« J’ai commencé les courses virtuelles il y a dix ans. D’abord, c’était un divertissement. Mais c’est aussi le moment où les compétitions online se sont vraiment développées. Donc j’ai grandi avec. »
« Je teste des choses qu’on ne pourrait pas même rêver de tester en piste. Car à l’usine, nous pouvons éliminer tous les facteurs exogènes qui perturbent l’analyse des données, et se pencher sur des détails plus fins. Et ensuite il faut interpréter ces résultats, en ayant conscience que vous n’êtes pas dans une vraie voiture. Et il faut traduire ces résultats pour les appliquer à une voiture réelle. »
« Il faut se demander avec quelle probabilité le résultat du simulateur s’appliquera à la voiture réelle. Parfois, c’est le cas, parfois non. C’est exactement la même chose avec notre travail de simulation. Donc il faut juste bien comprendre ces points et se demander ce que nous faisons vraiment. Et essayer de travailler pour déterminer quel est la meilleure option pour obtenir les résultats nécessaires. »