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Les sponsors nuisent-ils au talent en Formule 1 ?

Les pilotes payants toujours remis en cause

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Alors que Toro Rosso semblait sur le point d’engager des pilotes de Formula Renault 3.5 pour remplacer Daniel Ricciardo, futur pilote Red Bull, c’est en faisant grand bruit que l’équipe a décidé de confier ce volant à un jeune Russe, Daniil Kvyat, issu des formules de promotions inférieures à celles de ses concurrents pour le baquet de l’équipe italienne.

Le lobby russe étant évidemment très présent cette saison, il a été naturel de considérer cette promotion comme une simple manière de gagner de l’argent et non comme un réel choix de sportif émanant des hautes instances de Red Bull. En effet, alors que la Russie accueillera son premier Grand Prix de l’histoire en 2014 à Sochi, Sauber a d’ores et déjà signé Sergey Sirotkin, jeune pilote de 18 ans, en tant que titulaire pour la saison prochaine. Soutenu par son père, dont la compagnie investira dans Sauber, Sirotkin n’a rien prouvé pour le moment en termes sportifs.

Ce n’est en revanche pas le cas de Daniil Kvyat, plus vieux d’un an que Sirotkin. Malgré une présence en catégorie inférieure à son compatriote, Kvyat semble bien plus maîtriser son sujet que son jeune camarade. Lancé à temps plein en Formula Renault 2 à l’âge de 16 ans, Kvyat a terminé sa première saison complète juste derrière Carlos Sainz Jr.

En 2012, il dispute un double programme en Formula Renault 2.0, et remporte la FR 2.0 Alps tout en terminant vice-champion de la FR 2.0 NEC. Manifestement peu impressionné par les doubles programmes, le jeune pilote en a rempli un en 2013 également, concourant à la fois en GP3 et en F3 européenne, catégorie dans laquelle sa présence non assurée sur l’ensemble de la saison ne lui a pas permis de marquer des points. Auteur de cinq pôles et une victoire en F3, Kvyat lutte encore aujourd’hui pour le titre en GP3.

Et alors que ses concurrents pour le baquet, Antonio Felix da Costa et Carlos Sainz Jr, ont tous les deux montré des faiblesses ou des limites, Kvyat semble progresser toujours constamment, et montre une réelle capacité d’adaptation, comme on a pu le voir aux essais des jeunes pilotes à Silverstone en juillet.

Et pourtant, malgré ces qualités compensant sa faible expérience de la monoplace au plus haut niveau, il est évident que l’étiquette de pilote payant n’est pas près de lâcher le pilote. Car tout comme une grosse partie du plateau de Formule 1 actuel, il doit également son accession à l’élite à la générosité de ses soutiens. Cette nouvelle donne économique, contrainte par des finances mondiales en berne, nuit-elle pour autant à la F1 ? Empêche-t-elle de voir courir aujourd’hui des pilotes du niveau de ceux qui couraient il y a 20 ans, voire meilleurs ? Et surtout, bien que clairement plus ample aujourd’hui, le phénomène est-il réellement nouveau ?

Non, bien entendu ! Dans les exemples très anciens, remontant à plus de 40 ans, et finalement assez exceptionnels, on peut noter Niki Lauda qui s’était payé son premier Grand Prix avec l’argent d’emprunts contractés auprès de banques autrichiennes. Cet exemple étant ce qu’il est, c’est dans les années 90 que la notion de pilote payant a vraiment pris de l’ampleur, tout en subissant le niveau des pilotes amenés en F1 grâce aux deniers de divers investisseurs.

Les exemples les plus connus ont évolué dans les petites équipes qu’étaient Arrows, Minardi et Tyrrell. On pense notamment à des pilotes comme Taki Inoue, soutenu par sa famille au travers de leur société Nova, dont les hauts faits d’arme en Formule 1 se résumeront à des incidents divers avec la voiture de sécurité.

Les pilotes payants seront nombreux, souvent soutenus par des pays ou des commanditaires désireux de s’intégrer dans la discipline. On pense notamment aux sponsors japonais qui avaient décidé d’investir dans la carrière de Roland Ratzenbergerou dans leur compatriotes tels que Ukyo Katayama, Satoru Nakajima ou encore Tora Takagi.

L’exemple le plus flagrant d’un pilote ayant effectué une carrière de plusieurs années sans réellement avoir sa place, et ce aux yeux de tous les observateurs, reste Pedro Diniz. Le Brésilien n’a dû son arrivée en F1 qu’aux soutiens conjugués (et généreux) de son père, propriétaire d’une chaîne de supermarchés, et de Parmalat, entreprise de produits laitiers dont le logo aura été apposé sur chacune des monoplaces que Diniz aura pilotées.

Malgré des résultats évidemment insuffisants, et une comparaison très difficile face à chacun de ses équipiers, Diniz a disputé six saisons de Formule 1 pour le compte de Forti, Ligier, Arrows et Sauber. Dès lors, au début des années 2000, la culture du pilote payant a commencé à fleurir.

On se souvient des entrées en F1 de Ralph Firman, Robert Dornboos, Zsolt Baumgartner ou encore Patrick Friesacher dont on a pu questionner le mérite en rapport à leurs soutiens respectifs. Toutefois, le phénomène s’étant développé, on peut constater aujourd’hui que les investisseurs personnels des pilotes semblent avoir un œil meilleur lorsqu’il s’agit de débusquer des talents.

Ainsi, malgré la prolifération d’achats de volants en Formule 1, on ne peut que remarquer la qualité des pilotes qui composent aujourd’hui son plateau. Car si Giedo van der Garde ou Max Chilton nous paraissent aujourd’hui un peu trop faibles pour la Formule 1, en dépit de leurs progrès respectifs, ils auraient sûrement paru largement à leur place lorsque les équipes de fond de peloton recrutaient des pilotes tels que Tomas Enge ou Kazuki Nakajima.

On peut encore mettre dans une catégorie différente les réelles erreurs entraînées par des recrutements purement financiers : on pense notamment à Yuji Ide. Le pilote japonais, recruté lors de l’arrivée en Formule 1 de l’écurie Super Aguri, était surtout là pour faire économiser à Aguri Suzuki le prix réel du moteur Honda. Et alors qu’aucun miracle n’était attendu sur une voiture vieille de quatre années, ce sont ses performances vis-à-vis de son équipier, Takuma Sato, et surtout ses erreurs grossières en piste qui ont eu raison de sa superlicence, montrant alors les limites d’un tel système de mécénat.

On se rappelle également de Chanoch Nissany, Hongrois d’adoption, qui avait réussi à payer son baquet pour être troisième pilote Minardi et rouler le vendredi au Grand Prix de Hongrie 2005. Ses temps au tour, vingt secondes plus lents que ceux de son équipier, avaient dès lors scellé sa carrière en Formule 1.

On constate aujourd’hui que de tels recrutements ne sont plus effectués. Au-delà des deux noms précités, les pilotes aujourd’hui questionnés sur leur talent et portant l’étiquette de pilotes payants s’appellent Sergio Perez, Esteban Gutierrez ou encore Pastor Maldonado. Une liste de pilotes évidemment talentueux, bien que devant une partie de leur arrivée en Formule 1 à leurs généreux soutiens. Les deux premiers cités sont soutenus par l’homme le plus riche du monde, Carlos Slim, alors que la place du dernier est payée 30 millions par an par PDVSA, compagnie pétrolière propriété du gouvernement vénézuélien.

Et si l’on se pose aujourd’hui la question de la pertinence de l’entrée en Formule 1 de jeunes pilotes tels que Sergey Sirotkin et Daniil Kvyat, il peut être bon de réfléchir en termes de timing et non de talent pur. Car si les deux Russes pourront remercier leurs sponsors d’être déjà en F1 à leur âge, et si pour nombre d’observateurs, leur arrivée est quelque peu précoce, on ne peut pas foncièrement critiquer leur talent, surtout dans le cas d’un pilote comme Kvyat qui, jusqu’ici, n’a rien à se reprocher. Dès lors, il est difficile aujourd’hui d’attribuer à ce système de pilotes payants une éventuelle baisse du niveau de la Formule 1, comme cela a pu être le cas par le passé.

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