N’importe quel objet peut se transformer en instrument de musique dès lors que l’on sait comment en jouer. Quid d’un moteur de Formule Un ?
Comme n’importe quel autre instrument, un moteur émet des sons, et en apprenant à les maîtriser, on peut reproduire n’importe quelle mélodie.
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un son et comment peut-on l’entendre ?
Tout son est porté par l’air nous environnant sous forme de vibrations, c’est-à-dire de petites variations de pressions répétitives, que l’on appelle aussi pulsations, qui viennent exciter nos tympans. La fréquence de répétition de ces pulsations, c’est-à-dire le nombre de fois où elles se répètent par seconde, nous donne ce que l’on appelle en musique la "tonalité" du son ou la "note" (do, ré, mi, fa, sol …). Un son grave aura ainsi une fréquence plus faible qu’un son aigu.
Un moteur est aussi une machine qui aspire de l’air et de l’essence pour la brûler avant de rejeter le tout sous forme de gaz de combustion, ceci de façon répétée. Ce faisant, il agite l’air l’environnant en créant des pulsations de pression, qui seront portées par l’air jusqu’à nos oreilles. La fréquence de ces pulsations est directement liée à la vitesse de rotation du moteur. C’est ce qu’on appelle le régime moteur, que chacun peut lire sur le compte-tour de sa voiture. C’est ainsi que lorsque l’on accélère avec sa voiture, on entend un son moteur de plus en plus aigu, jusqu’à changer de vitesse. On voit donc très bien ainsi le lien direct qui existe entre un régime moteur, une fréquence de pulsation et donc une note.
Il suffit alors de déterminer le régime moteur correspondant à chaque note de musique pour transformer un moteur en instrument de musique. C’est ce que fait de façon très intuitive un enfant qui, en jouant aux petites voitures, "chante" le bruit du moteur fictif de son jouet.
Bien sûr, il ne s’agit que d’une première étape. Etre capable d’enchaîner des notes ne suffit pas pour jouer un morceau de musique, il faut aussi donner le rythme c’est-à-dire déterminer la durée de chacune de ces notes. C’est là qu’un minimum de compétence musicale est requis car il faut savoir convertir les notes d’une partition (blanche, noir, croche) en durée, ou bien avoir une oreille aguerrie à la dictée musicale.
Une fois que l’on a converti les notes en régime moteur avec leur durée, il suffit de renseigner cette "partition mécanique" dans le calculateur de notre moteur de Formule 1. Celui-ci pilotera le moteur pour enchaîner chacun des régimes programmés (les notes) à la durée définie (le rythme), tout comme le ferait un musicien avec son instrument, et rejouer ainsi la mélodie choisie.
Toutefois, si le principe est finalement assez simple, la mise en œuvre est bien souvent plus complexe.
Un moteur de Formule 1 a en effet des limites. Un régime trop bas peut le faire caler, tandis qu’un régime trop élevé l’endommagerait. Il est donc parfois nécessaire de transposer les mélodies sur une autre tonalité pour rester dans les régimes acceptables par notre moteur.
Par ailleurs, la voiture reste bien évidemment à l’arrêt, ce qui complique le refroidissement, car à la différence des voitures de série, une Formule 1 n’est pas refroidie à l’arrêt, ce qui est susceptible d’entraîner une surchauffe du bloc moteur. Le morceau doit donc avoir une durée limitée.
Il faut aussi garder à l’esprit qu’une mélodie n’est pas qu’un enchaînement de notes mais contient aussi des silences, même infimes, entre les notes. Or, notre moteur ne peut pas s’arrêter de tourner et donc d’émettre des sons entre 2 notes. Il est donc nécessaire de trouver des artifices pour donner une impression de silence entre 2 notes et donc 2 régimes. La mise au point de ces artifices nécessite tant des compétences moteur qu’une oreille musicale. Les premières tentatives furent un peu approximatives et c’est finalement la pratique qui nous a permis au final d’avoir un bon rendu.
Ces dernières années, le V8 Renault a déjà chanté certains des morceaux les plus emblématiques du répertoire mondial. À commencer par la Marseillaise, qui a célébré le sacre de Fernando Alonso en 2006. (NDLR : le tout premier c’est We are the champions au banc) Lors d’une démonstration en Russie, le V8 a ému la foule aux larmes et reçu son accompagnement vocal lorsqu’il s’est mis à jouer l’hymne national ! Mais il n’y a pas que les hymnes nationaux – le moteur sait également chanter du Jazz, ou encore des morceaux de Nirvana, de Deep Purple, ou bien des Rolling Stones. Du vrai bon rock and roll… par le plus improbable des instruments !