Alors que le rideau s’apprête à tomber sur l’ère du V8 atmosphérique en F1, les équipes se retrouvent face à un énorme défi au moment de préparer l’exploitation des V6 turbocompressés qui seront utilisés l’an prochain. La présence de systèmes de récupération d’énergie pose également le souci du refroidissement, alors que ces systèmes sensibles seront situés très près des zones les plus chaudes des monoplaces.
"Il faut refroidir l’air qui rentre dans le moteur une fois qu’il est passé par le turbo, ce qui est une nécessité de taille" explique Nick Chester, directeur technique de Lotus. "Les systèmes de récupération d’énergie sont bien plus puissants que celui de 2013, nécessitant un meilleur refroidissement tant pour les batteries que pour le moteur. Le refroidissement pourrait être un facteur de différence entre les équipes l’année prochaine en termes d’efficacité, ce qui aura un impact direct sur l’aérodynamique des voitures".
"Le changement du V10 au V8 avait déjà provoqué des différences de refroidissement sur les voitures, mais pas à cette échelle. Plutôt que de devoir modifier ce que nous avons, les besoins sont tellement différents avec le nouveau moteur que le défi est de créer un système entier qui s’intègre dans l’aérodynamique, c’est une révolution plus qu’une évolution".
Ces systèmes de récupération d’énergie seront différents de l’actuel KERS, et présenteront une puissance bien supérieure à l’actuel ’boost’ utilisé par les pilotes.
"Pour faire simple, nous utilisons actuellement un système appelé MGU-K qui récolte l’énergie du freinage et la renvoie au moteur durant l’accélération. L’an prochain, nous aurons un deuxième système directement lié au turbo, ce qui sera capable de récupérer de l’énergie dudit turbo et de lui renvoyer directement" précise Chester. "L’usage de l’énergie et du carburant seront dictées par la stratégie. La position sur la grille affectera sûrement l’utilisation du carburant en course, donc en se qualifiant dans une mauvaise position, on privilégiera l’économie de carburant en début de course pour être sûrs d’en retirer un bon usage plus tard quand la piste sera libre. L’ensemble des variables concernant la stratégie sera nettement plus important que nous l’avons vu jusqu’ici".
En plus des changements de moteur, qui induisent en conséquence des modifications physionomiques des monoplaces, le règlement aérodynamique a changé et imposera des normes différentes qui nous ferons voir des F1 très différentes des actuelles.
"Le design du châssis a été très nettement revu, c’est le changement d’une année sur l’autre le plus important que j’ai vu en 13 ans à Enstone. Il y aura deux structures d’impact sur chaque côté de la voiture au lieu des quatre précédemment présentes. Mais au lieu de faire des tests à l’impact, il y aura des tests de pression et d’écrasement plus exigeants sur ces structures qui seront un défi à passer. Nous faisons des efforts pour que les châssis soient le plus forts possibles avec ces tests, ainsi que la sécurité, à l’esprit".
Les voitures devraient donc changer nettement d’apparence en 2014 : "A l’avant, nous verrons le bout du museau être bien plus bas que le maximum actuel le permet, alors que l’aileron lui-même sera réduit de 15 centimètres en largeur. Ce sera une zone intéressante en termes d’optimisation aérodynamique" assure le Britannique. "Au centre de la voiture, le dessin des pontons sera affecté par les systèmes de refroidissement précédemment cités, changeant notablement leur forme. A l’arrière enfin, nous ne verrons plus de partie basse sur les ailerons puisqu’il y aura un seul pylône pour tenir la partie haute de l’aileron. Il y aura aussi un seul échappement central au lieu des deux latéraux sur les voitures actuelles".
Le développement de la E22 s’est-il passé en douceur ? "Cela a été un long processus, vous vous en doutez. Plus de deux ans depuis le début de notre travail sur le projet 2014. Les premiers stades sont plus de la projection que du développement. Il s’agit d’évaluer les options concernant la philosophie principale, avant que les idées commencent à s’accumuler pour aboutir aux grandes lignes du dessin final. Le processus s’est bien déroulé, mais entrer dans une ère aussi nouvelle implique qu’il très difficile de savoir avec précision où nous en sommes, quand bien même nous paraissons très proche de respecter le programme. Il reste encore une terrible quantité de travail à accomplir avant que la voiture sorte du garage pour la première fois."
Lotus a sorti à Monza une E21 au châssis long destiné à aider pour le développement de la voiture de l’an prochain. "Même si les essais en cours de saison vont revenir l’an prochain, l’opportunité d’évaluer des concepts avec la E21 a eu une valeur énorme. Les simulateurs sont des outils fantastiques, de plus en plus même au fil du temps, mais prouver le bien-fondé d’une idée sans investir du temps dans la conception de pièces ou en piste, c’est inestimable."