Rémi Taffin, directeur des activités piste Renault Sport F1, nous présente le challenge du prochain Grand Prix, en Belgique. Et il est de taille selon le Français.
"Il est juste d’affirmer que le circuit de Spa-Francorchamps représente le défi le plus exigeant de la saison pour les groupes propulseurs. Le tracé comporte de longues phases de pleine charge, de grandes courbes négociées à haute vitesse, des freinages brutaux ainsi qu’un dénivelé important. Seule, n’importe laquelle de ces caractéristiques soumettrait déjà les nouveaux propulseurs à des contraintes élevées. Rassemblées sur une seule et même piste magnifique, longue de 7 kilomètres, elles ont de quoi donner du fil à retordre au plus chevronné des ingénieurs."
"Les choses sérieuses débutent véritablement avec la portion située entre l’épingle de La Source et le virage des Combes. Le pilote y accélèrera fortement et ne lèvera le pied que 25 secondes plus tard, une fois arrivé au freinage situé au sommet de la montée vers Les Combes. Il s’agit de la phase de pleine charge la plus longue du calendrier ; elle couvre une distance équivalente à 20 terrains de football ! Durant cette période d’accélération, le moteur à combustion interne sera poussé dans ses ultimes retranchements. Outre la longueur de la ligne droite, les changements d’altitude soumettront également les composants internes à des forces latérales et verticales importantes. Le point le plus élevé du tracé culmine à 600 m et la vitesse de rotation du turbocompresseur s’approchera de sa limite en dépassant les 100 000 tr/minute, soit près de 2 000 rotations par seconde ! Nous avons déjà couru en altitude cette saison – lors du Grand Prix d’Autriche – et pouvons donc nous permettre d’adopter une approche légèrement plus agressive. Par conséquent, les vitesses de rotation pourraient atteindre des niveaux encore plus élevés."
"Après le freinage des Combes, le pilote bascule dans le deuxième secteur du circuit, qui met l’accent sur l’ERS et la récupération d’énergie. Le MGU-H continuera de récolter de l’énergie dans les grandes courbes rapides comme Pouhon et Fagnes, avant d’alimenter le MGU-K et le moteur à combustion interne lors de la prochaine phase de pleine charge située à Blanchimont."
"La chicane de l’Arrêt de Bus représente la meilleure occasion de récupérer de l’énergie pour le MGU-K puisque le pilote y décélère fortement, passant de plus de 300 km/h à tout juste 75. Avec un tour aussi long, la consommation de carburant atteint sans surprise des niveaux importants. Dès lors, toutes les occasions de récolter de l’énergie se révèlent être de véritables aubaines afin de respecter la limite des 100 kg d’essence allouée pendant la course. Par ailleurs, il se peut également que nous surchargions le moteur à combustion interne, et ce dans le but d’augmenter la puissance électrique. La méthode consiste à injecter un peu plus de carburant que nécessaire dans le V6 pour produire plus de puissance dans son ensemble. Ceci permet aux deux génératrices électriques – le MGU-K et le MGU-H – de récupérer plus d’énergie et de recharger ainsi la batterie."
"Même si nous savons pertinemment que l’épreuve de Spa soumettra le groupe propulseur à un test majeur, nous connaissons parfaitement le circuit et avons minutieusement préparé ce rendez-vous. Nous nous rendrons en Belgique avec la ferme intention d’attaquer et de saisir la moindre occasion qui se présentera."
Les données clés :
— 70% du tracé de 7 km se négocie à plein régime. Ceci représente près de 5,5 km, soit l’équivalent d’un circuit de Formule Un traditionnel. Sur un tour, le bloc subira 75 secondes de pleine charge, faisant de Spa un véritable juge de paix pour les groupes propulseurs.
— Au bout de la l’ancienne ligne droite des stands, la piste monte de façon très abrupte, l’inclinaison approchant les 25%. À titre de comparaison, cela équivaut aux pentes les plus fortes rencontrées sur le Tour de France. Cette section se révèle particulièrement éprouvante pour le moteur à combustion interne puisque les forces exercées changent de manière soudaine. Au sommet, elles varieront encore plus drastiquement puisque la force verticale passera à -3g et n’affectera plus les composants internes. Ce changement brusque peut aussi avoir des effets sur la circulation des différents fluides, notamment au niveau des circuits de carburant et de lubrifiant. Durant la montée, essence et lubrifiant « s’élèvent » également au sein de leur circuit et s’éloignent de leurs pompes respectives. Pour éviter la panne sèche, les différents systèmes se doivent donc d’afficher le meilleur rendement possible.
— Le climat joue toujours un rôle important à Spa, mais d’éventuelles fortes pluies pourraient bien avoir des répercussions étonnantes sur les groupes propulseurs. En cas d’infiltration d’eau, la présence de nombreux systèmes électriques pourraient entraîner des courts-circuits. Les monoplaces de Formule Un contiennent certes du câblage d’origine militaire mais des précautions particulières seront prises afin d’isoler les différents systèmes de l’humidité. Des conduits seront notamment installés afin de détourner la pluie des composants internes.
— Le moteur turbo Renault a effectué ses débuts à Spa en 1978. Les défis du tracé ardennais en ont toujours fait une course d’usure et il a fallu patienter jusqu’en 1980 pour voir René Arnoux enregistrer la première arrivée du constructeur français en Belgique. Alain Prost s’est imposé depuis la pole position en 1983 tandis que Derek Warwick a terminé deuxième la saison suivante. Ayrton Senna a remporté l’édition 1985 sur sa Lotus-Renault avant de monter sur la deuxième marche du podium un an plus tard. Durant l’ère des moteurs atmosphériques, Damon Hill (Williams) et Michael Schumacher (Benetton) ont permis à Renault de remporter trois victoires de rang à Spa entre 1993 et 1995. Enfin, Sebastian Vettel y a triomphé au volant de sa Red Bull en 2011 et 2013.