Pour la première fois depuis plus de quarante ans, l’Italie n’aura pas de pilotes au départ d’une saison de Formule 1 avec le remplacement de Jarno Trulli par Vitaly Petrov, chez Caterham.
Le pilote italien prend du recul par rapport à la Formule 1, même si le mot retraite n’a pas été prononcé, il semble que ce soit bien le cas. "Je veux profiter de cette occasion pour remercier Tony (Fernandes), Kamarudin, SM Nasarudin, Riad, Mike et toute l’équipe pour les deux saisons que nous avons passées ensemble. A partir de zéro, nous avons construit et mis en place une solide équipe de F1. Je suis vraiment fier d’en avoir fait partie. Je comprends la décision de l’équipe et je tiens à leur souhaiter bonne chance pour la saison à venir," a simplement déclaré Trulli.
Né à Francavilla, Jarno (prénommé ainsi en l’honneur de Jarno Saarinen, champion de moto disparu trop tôt) assiste aux courses de kart dès l’âge de 3 ans. A 7 ans, son père lui propose de devenir pilote de kart. Et l’aventure automobile commence. De 1988 à 1990, il est champion italien de karting 100cc, avant de devenir champion du monde en 1991.
L’année 1994 est l’année Trulli : champion européen et nord-américain de classe 100 FSA, et champion du monde de classe 125 FC. Il remporte également, en 1994 et 1995, le mémorial Ayrton Senna. Jarno passe à la F3 en 1996, avec l’écurie allemande KMS. Il remportera 2 victoires, ce qui lui vaudra d’être appelé par Benetton, avec qui il sera champion italien de F3 en 1996. Alors qu’il prévoyait de conduire en F3000 pour la saison 1997, il décroche un volant chez Minardi-Hart. Les portes de la F1 s’ouvrent.
Pour ses grands débuts, Jarno réussit ainsi à dominer son coéquipier, le fougueux Japonais Ukyo Katayama, qui court sa sixième saison en F1 ! Cependant, avec un piètre matériel, il ne peut s’extirper du fond du peloton, mais comme son compatriote Fisichella dans cette même écurie l’année précédente, il ne laisse pas indifférant les directeurs d’équipe grâce à son bon coup de volant.
Au Canada, Oliver Panis se casse les jambes, et Alain Prost décide de prendre Trulli pour le remplacer. A Magny-Cours, il est 6ème sur la grille de départ, il termine 4ème en Allemagne après une bataille avec la Williams-Renault de Villeneuve. Alors qu’il dispute son dernier GP de la saison en Autriche avant le retour de Panis, Jarno se classe troisième sur la grille, et dès le deuxième tour, pointe sa Prost-Mugen Honda en tête de la course ! Il va mener alors une bonne moitié de l’épreuve avant d’être dépassé par Villeneuve et abandonné par son moteur au 59ème tour. Mais cette performance n’a pas échappé à Alain Prost qui le fait signer pour deux ans.
Mais les déboires de l’écurie Prost se feront sentir durant ces deux saisons. La saison 1998, première année du partenariat Prost-Peugeot, est un vrai désastre. La voiture est peu fiable et peu performante, Jarno ne marquera qu’un seul petit point en Belgique où la pluie n’a pas épargné ses adversaires. Au moins pourra-t-il se consoler en dominant son coéquipier Olivier Panis, mal remis de ses blessures.
En 1999, la situation ne s’améliore guère, et les relations entre Alain Prost et Peugeot commencent déjà à être orageuses. Si Jarno fait toujours de son mieux pour accrocher quelques points, il n’est guère récompensé. Seule grande performance : la deuxième place acquise au Nürburgring après une course dantesque et une rude bataille contre Barrichello dans les derniers tours. Mais ce sera bien le seul grand moment de la collaboration de Trulli avec les Bleus, qui est un triste échec.
Jarno passe alors du bleu au jaune : Eddie Jordan décide de l’engager pour la saison 2000. La troisième place constructeur de Jordan en 1999 aurait pu présager de belles performances, mais il n’en sera rien. En l’an 2000, Jarno parvient à faire jeu égal avec son équipier Frentzen et à inscrire quelques points en début de saison avant de connaître une longue disette, la faute à une monoplace vraiment peu performante. Il réussit toutefois deux petits exploits en accrochant la deuxième place sur la grille à Monaco et à Spa. Hélas, il devra abandonner en course, en Principauté sur un problème de boîte de vitesse et en Belgique sur un accrochage avec Button.
En 2001, Jarno Trulli s’affirme comme le leader de Jordan-Mugen-Honda, mais hélas, la monoplace est aussi décevante que sa devancière et de plus, peu fiable. Le pilote italien parvient tout de même à marquer plus de points qu’en 2000 et à finir deux fois quatrième, à Barcelone et à Indianapolis. Après ce nouvel échec, Jarno signe avec Flavio Briatore un contrat pour rejoindre Renault en 2002. Le constructeur français va en effet faire son grand retour en F1 après avoir racheté Benetton.
La saison 2002 commence bien pour Jarno qui est un temps second du GP d’ouverture en Australie, avant d’être victime d’un accident. Par la suite, il devra essuyer les plâtres des débuts difficiles de Renault. Si Jarno est souvent plus rapide que son coéquipier Jenson Button en qualifs, en course sa voiture le trahit très souvent. Il doit ainsi attendre le GP de Monaco pour marquer des points ! Toutefois, son talent n’est pas remis en cause, il aurait sans doute mérité au moins un podium cette saison-là. Il termine finalement huitième du classement général.
La saison 2003 est meilleure, même s’il est dépassé par son jeune et brillant coéquipier Fernando Alonso, qui va l’éclipser médiatiquement pendant un temps. Jarno finit de plus en plus souvent dans les points, et profite de la crevaison dans les derniers tours de Michael Schumacher en Allemagne pour obtenir un nouveau podium, le premier depuis quatre ans. Il finit également quatrième aux USA après une belle course sous la pluie. Au final, Jarno a marqué 33 points, et aurait pu en marquer encore davantage si la Renault avait été plus fiable.
En 2004, Trulli réalise un très bon début de saison, en finissant toujours dans les points. A Barcelone, il mène même le début de la course avant d’être dépassé par les Ferrari de Schumacher et Barrichello. Mais il finit quand même troisième. Et à Monaco, après avoir obtenu enfin la pôle lors de son 117ème GP, il remporte sa première et unique victoire après une superbe course pleine de maîtrise et un beau duel face à la BAR de Button dans les dernières boucles. Jarno, qui en plus semble prendre le dessus sur Alonso, atteint alors le sommet de sa carrière. Hélas, on peut dire que pour lui la roche Tarpéienne était proche du Capitole.
En effet, tout se passe sans embrouille jusqu’au GP de France, où Jarno se fait dépasser dans les derniers instants par Rubens Barrichello dans la lutte pour la troisième place. Flavio Briatore semble l’avoir mal pris, et les résultats s’en ressentent : il ne marquera plus, malgré sa pôle-position à Spa, qui se solde d’ailleurs par une course catastrophique. A Silverstone, il même victime d’un effroyable accident après le virage de Bridge, duquel il sort miraculeusement sans blessure. Mais le torchon brûle entre lui et Briatore, qui veut le remplacer par Jacques Villeneuve. Finalement, après un GP d’Italie très fade, Jarno est débarqué de chez Renault, alors qu’il restait trois courses.
Jarno trouve alors refuge chez Toyota, avec qui il court les deux dernières courses de la saison, avec un certain brio. Il en profite pour signer un contrat et devenir pilote titulaire pour Toyota en 2005. Au départ, on peut penser que Jarno a fait un bon choix. L’écurie s’est bien améliorée durant l’hiver, et ça se voit, Jarno terminera trois fois sur le podium en début de saison, et réalisera même la pole position aux Etats-Unis, mais n’en profitera pas : sur les recommandations de Michelin, les écuries équipées de pneumatiques français se retirent de la course. La suite de la saison sera moins bonne : il connaîtra des problèmes de fiabilité et son équipier, Ralf Schumacher, finira par prendre le dessus au championnat. Mais sur l’ensemble, c’est une bonne année, qui semble annoncer l’envol définitif de Toyota.
Malheureusement la saison 2006 ne lui apportera pas la satisfaction espérée. La Toyota TF106 s’avère très vite être une voiture ratée, et le résultat est là : Jarno passe la première mi-saison avec un score vierge au compteur. Il finira par inscrire quelques points et à finir brillant quatrième aux USA, mais il se retrouve une seconde fois battu au classement par Ralf Schumacher, avec seulement douze unités au compteur.
Pour 2007, Jarno espère un réel progrès de la part de Toyota. Hélas, il ne sera pas exaucé : la TF107 est encore moins rapide que la TF106. Si en qualifications, le pilote italien fait plus que limiter les dégâts en se plaçant souvent dans les dix premiers, il retombe en course dans l’anonymat du peloton. Il n’inscrira encore une fois qu’une poignée de points, qui ne font que confirmer la terrible stagnation dans laquelle se morfond Toyota. Au moins Jarno a-t-il la satisfaction de pouvoir enfin dominer franchement Ralf Schumacher, aux abonnés absents en cette saison 2007.
En 2008, Jarno Trulli entame sa quatrième saison complète chez Toyota, aux côtés du revenant Timo Glock. L’Italien connaît sa meilleure saison depuis trois ans. En effet, bien servi par une monoplace très performante comparée à ses pâles devancières, il parvient à inscrire très régulièrement des points. On peut notammant citer sa quatrième position en Malaisie et sa troisième place à Magny-Cours, obtenue au prix d’une longue lutte avec Kovalainen. C’est alors son premier podium depuis 2005 !
Surtout, Jarno reste excellent en qualifications ce qui lui permet de partir très souvent dans les dix premiers. Ainsi, avec une deuxième place sur la grille, il se permet de jouer les troubles fêtes dans la lutte pour le titre au Brésil. Il garde également le leadership au sein de l’écurie face à un Glock encore un peu fade.
Jarno termine le championnat neuvième avec 31 points, soit presque quatre fois plus qu’en 2007.
Trulli, qui approche des 200 Grand Prix au compteur, entame en 2009 sa cinquième saison complète avec Toyota. La nouvelle TF109 est en début de saison une monoplace très compétitive, l’une des meilleures du plateau avec la Brawn et la Red Bull. A son volant, Trulli réalise de belles prestations, comme une troisième place en Australie. A Bahreïn, il signe la pole position, sa première depuis 2005, mais ne parvient pas à l’emporter et finit troisième. Ensuite, la Toyota va perdre beaucoup de terrain sur ses rivales et peu à peu descendre dans la hiérarchie. Jarno ne parvient ainsi que rarement à inscrire des points, et est victime de plusieurs accrochages stupides, comme avec Sutil au Brésil. De plus, il ne réussit toujours pas à prendre le dessus sur Timo Glock.
Toyota, qui songe d’ailleurs à quitter la F1, lui fait ainsi savoir que son contrat ne sera pas renouvelé, et ce malgré un ultime sursaut avec une belle deuxième place à Suzuka. Il finit le championnat à la huitième place, après s’être fait éclipsé lors des deux dernières courses par le jeune Kobayashi, remplaçant de Glock blessé au Japon.
Grâce à sa grande expérience, Trulli est toutefois très courtisé sur le marché des transferts. Pour 2010, il s’engage avec l’équipe Lotus, qui fait son retour en Formule 1 après 15 ans d’absence. Cette équipe n’a toutefois que très peu à voir avec la légendaire écurie de Colin Chapman, puisqu’il s’agit d’une structure Malaisienne soutenue par Proton, la marque propriétaire de Lotus Cars.
Dire que la saison de Trulli est difficile est un euphémisme. Certes, pour leur première saison les Lotus-Cosworth ne peuvent pas espérer autre chose que le fond de la grille. Mais tandis que son équipier Heikki Kovalainen est épargné par les problèmes et réalise des performances satisfaisantes, Trulli est victime d’une impressionnante série de soucis techniques qui semblent s’accumuler sur sa T127. Il abandonne ainsi onze fois en dix-neuf Grand Prix, sans compter les courses terminées en roue libre, ou à plusieurs tours suites à des passages au garage pour réparer. Lorsqu’il finit l’épreuve, l’Italien est de plus souvent derrière son jeune coéquipier.
Dans ces conditions, il termine pour la première fois une saison avec un score vierge. Son meilleur résultat n’est qu’une treizième place au Japon.
A la fin de l’année 2010, des rumeurs annoncent la retraite de Jarno et son départ vers la NASCAR. Mais il n’en est rien, et il poursuit en 2011 l’aventure avec Team Lotus, peut-être pour son dernier championnat. L’équipe progresse mais pas assez pour permettre à Trulli de retrouver le chemin des points, d’autant qu’il est constamment perturbé par une direction assistée qui ne convenait pas à son pilotage.
Le 11 septembre, à l’occasion du Grand Prix d’Italie, Trulli confirme sa prolongation de contrat d’un an et on croit qu’il va honorer 2012 de sa présence lorsqu’il teste la nouvelle CT01 à Jerez. Mais en ce 17 février, le Russe Vitaly Petrov est titularisé chez Caterham à sa place.