Depuis le début de la saison, on peut remarquer que le nouveau règlement, qui a rendu les voitures plus sensibles et réactives, a également accru les écarts entre coéquipiers. C’est ainsi que Kimi Räikkönen est largement dominé par Sebastian Vettel chez Ferrari, ou que Jolyon Palmer souffre considérablement face à Nico Hulkenberg.
On aurait pu croire, pour les rookies, que ce changement de règlement était finalement une bonne nouvelle. En effet, pour le style de pilotage, tout le monde redémarre de zéro ou presque cette saison, et les rookies n’ont ainsi pas à pâtir de leur manque d’expérience sur les monoplaces 2016. Pourtant, ce changement de règlement est en définitive un désavantage : cette année, les pilotes doivent être plus encore à la perfection ; il s’agit de pousser ces voitures à la limite ; et la moindre erreur, le moindre écart de volant, pardonnent encore moins que par le passé.
Les rookies Stoffel Vandoorne (même si Vandoorne a disputé un Grand Prix, à Bahreïn l’an dernier, on peut le considérer comme un rookie) et Lance Stroll sont ainsi nettement en retrait de leurs coéquipiers respectifs, Fernando Alonso et Felipe Massa. Mais l’écart est tel que l’explication du seul règlement ne pourrait suffire à elle seule.
En qualifications, l’écart moyen entre Stoffel Vandoorne et Fernando Alonso dépasse les 6 dixièmes. En course, là encore, le Taureau espagnol mate sans discussion possible le jeune pilote belge. Quant à Lance Stroll, on le sait, il a souvent du mal à s’extraire de la Q1 alors que Felipe Massa n’éprouve aucune difficulté à le faire. Bien sûr, Fernando Alonso est au sommet de son art et Felipe Massa demeure une valeur sûre de la F1. Cependant, l’écart que les vieux briscards creusent avec leurs coéquipiers est béant, géant, et surtout gênant pour leurs coéquipiers.
Comment l’expliquer ? Stoffel Vandoorne, formé à l’école ART en GP2, souffre comme Romain Grosjean du même mal à ses débuts en F1 : il freine trop tard. « Le problème pour les « rookies » issus des catégories Junior, c’est le freinage. Il est habitué à freiner très tard et à rentrer dans les virages sur les freins, comme en GP2. Il fait ce qu’il a appris en GP2, avec ART. Mais la F1 se conduit différemment. Il doit changer son style de pilotage, et il le sait » expliquait ainsi Eric Boullier, le directeur de la compétition de McLaren, dans le paddock de Barcelone.
Lance Stroll – on le repère immédiatement en caméra embarquée – conduit lui de manière très agressive, mais dans le mauvais sens du terme, comme pour rattraper un retard qu’il constate à chaque secteur sur les indications de son volant. Ce style de pilotage a tendance à davantage user les Pirelli. Le Canadien éprouve de plus de sérieuses difficultés à faire fonctionner les pneus dans leur fenêtre de fonctionnement idéale – c’était parfaitement visible avec les médiums à Barcelone.
En outre, notons que les deux pilotes ne sont pas vraiment vernis au niveau de la fiabilité, en particulier Stoffel Vandoorne, qui a perdu énormément de temps de roulage depuis le début de la saison à cause du V6 Honda.
Malgré tout, si cette situation perdure pour Stoffel Vandoorne comme pour Lance Stroll, leur réputation flatteuse pourrait sérieusement être écornée. Champions incontestés de leurs séries respectives (GP2 et F3), ils étaient arrivés avec une grosse cote, d’autant plus que Stoffel Vandoorne avait marqué un point pour son premier Grand Prix avec McLaren-Honda, l’an dernier.
Désormais, Stoffel Vandoorne et Lance Stroll pourraient avoir une réputation de pilotes peu rapides et peu fiables. Le Grand Prix d’Espagne en particulier fut particulièrement inquiétant pour le Belge. Très largement dominé par un Fernando Alonso en fusion devant son public, il a même commis une erreur de pilotage évidente en ne voyant pas Felipe Massa lui fondre dessus et s’est accroché avec lui. Le bilan ? Un abandon, et trois places de pénalité sur la grille à Monaco.
Le risque pour Lance Stroll et Stoffel Vandoorne est de se « griller » en F1 en donnant le sentiment d’avoir brûlé les étapes trop rapidement, un petit peu comme Romain Grosjean lors de son premier passage en F1. Il faudrait que les deux jeunes pilotes de Williams et de McLaren reprennent confiance en enchaînant le roulage et les courses propres dans leurs monoplaces. Il leur faudra aussi travailler intensément avec leurs ingénieurs de piste et étudier les télémétries pour comprendre pourquoi ils sont trop loin.
Pour Stoffel Vandoorne, le prochain Grand Prix de Monaco en particulier sera importantissime. Il fera équipe en effet avec le vétéran Jenson Button, rappelé au combat pour remplacer Fernando Alonso, qui disputera les 500 Miles d’Indianapolis. Le Belge n’aura pas le choix : s’il ne veut pas douter beaucoup plus profondément encore, il lui faudra dominer le champion du monde 2009.