Avec les changements de règlements prévus pour 2017 qui devraient rendre les voitures plus larges et plus rapides, certains ont été déçus de la prolongation de Pirelli comme unique manufacturier de pneus jusqu’en 2019. En effet, la marque italienne semble polariser les critiques et porter une certaine responsabilité dans la baisse apparente d’enthousiasme que suscite la Formule 1.
Les premières courses avec Pirelli en 2011 avaient vu les pneus se dégrader à des vitesses folles, au point que les pilotes étaient forcés de se contenir et de ralentir le rythme afin d’optimiser les stratégies, une philosophie qui contraste avec ce qu’on peut imaginer du monde de la course et de ses pilotes en permanence à la limite.
Pour sa défense, Pirelli a toujours dit suivre un cahier des charges précis imposé par les équipes. Et le manufacturier pourrait profiter du changement à venir pour essayer d’infléchir la décision de ses commanditaires…
« Mes pneus étaient usés à 100% quand je suis rentré aux stands, déclarait Felipe Nasr après le Grand Prix de Sotchi, mais ils étaient encore rapides. Je préfère de beaucoup ce type de course, ce fut intense. »
Le Brésilien a ainsi curieusement pu expérimenter une grande constance dans les performances de ses pneumatiques, due à l’asphalte très peu abrasif du circuit russe qui ne fait pour ainsi dire pas surchauffer les pneus, condition sine qua non pour que la dégradation ‘thermique’ des enveloppes Pirelli se déclenche.
Dans les faits, la perte de performance des pneus italiens actuels est ‘programmée’ par l’utilisation de composites qui se dégradent sous l’effet de la chaleur quand ils sont soumis a des contraintes importantes, comme par exemple piloter à fond pendant trois ou quatre tours consécutifs, et qui défont chimiquement les liens qui créent l’adhérence du pneumatique. Une fois cette réaction enclenchée, il devient impossible de récupérer le grip, même si les pneus sont refroidis. En course, les pilotes ont donc intérêt à éviter de trop solliciter leurs gommes et doivent ainsi rouler en-dessous de leurs capacités.
À l’instar de Michelin, Pirelli affirme savoir créer des pneus durables. Le manufacturier italien avait d’ailleurs « développé un pneu orienté uniquement sur la performance lors des essais initiaux avec Toyota, mais cela aurait donné lieu à des processions plutôt que des courses, et tout le monde serait grosso modo rentré aux stands lors du même tour. »
« C’est quelque chose que nous sommes prêts à analyser, explique le directeur sportif de Pirelli, Paul Hembery. Peut-être qu’en 2017, nous pourrions disputer deux types de courses : les unes avec des pneus ‘performance’, et les autres avec des pneus qui s’usent sous l’effet de la chaleur. Nous viserions toujours deux à trois arrêts en course, mais avec les pneus ‘performance’, nous arriverions à ce résultat uniquement en fonction de l’usure des gommes, et ce serait d’ailleurs ce genre de pneus que nous produirions si nous étions confrontés à d’autres manufacturiers. Avec ce système, nous pourrions comparer les deux et voir à quel genre de course chaque philosophie de pneus donne lieu. Il nous faut comprendre ce dont la Formule 1 a besoin. »
Et ce serait sans doute bénéfique pour le spectacle, car Hembery le souligne : « tout ce qu’on entend pour le moment, c’est à quel point les voitures de 2017 seront plus rapides. Mais on n’entend pas trop parler de comment améliorer les dépassements. »