En marge du dernier Grand Prix de F1 tenu à Abu Dhabi, la F1 a annoncé le lancement, dès 2023, de la F1 Academy, c’est-à-dire, en somme, une F4 féminine.
L’objectif est bien sûr de renforcer la présence des femmes à long terme dans le sport automobile, dans les cockpits.
Sans surprise, les équipes de F1 actuelles soutiennent une telle initiative prise par le sport, à l’image de Laurent Rossi chez Alpine. Même s’il n’est pas tant emballé que ça !
« Eh bien, je suppose que toute initiative est bonne. Nous avons avec ça, je ne dirais pas une voie différente ou opposée, mais juste une voie alternative, où nous voulons amener les femmes dans un environnement plus mixte. Mais c’est toujours une bonne chose. Je veux dire, c’est mieux d’avoir cette Académie que rien, c’est sûr. »
Christian Horner partage l’assentiment de son homologue, mais note qu’il y a d’ores et déjà des progrès dans les garages de F1 sur la représentation des femmes.
« C’est une bonne chose pour la Formule 1 de s’impliquer. Et c’est formidable de voir de plus en plus de femmes entrer dans le sport et à tous les niveaux, en tant que pilote, ingénieur, nous voyons plus de femmes dans le paddock maintenant, dans les fonctions techniques, les rôles opérationnels. C’est une question d’inclusion. »
« Vous savez, il y a un tel intérêt de la part des jeunes aussi. Donc avant tant de femmes qui suivent la F1, il y aura de plus en plus de gens, de filles qui voudront s’impliquer au niveau de base du karting, pour qu’il y ait un plus grand nombre de pilotes, d’ingénieurs, pour que la Formule 1 soit passionnante et ouverte à l’inclusion et à la diversité. »
Mike Krack, chez Aston Martin F1, semble bien plus sceptique sur l’opportunité de créer une F4 100 % féminine !
« Il est clair que toute initiative est bonne pour promouvoir les femmes pilotes, mais aussi les femmes ingénieurs et mécaniciens dans notre sport. Nous sommes donc très favorables à cette initiative. Maintenant, la voie choisie, je ne peux pas vraiment juger si c’est maintenant la bonne ou non, pour revenir à votre question, mais nous saluons l’initiative, clairement. »
Susie Wolff racontée par Toto : une grande occasion manquée
Toto Wolff est un des mieux placés pour juger des progrès de la F1 pour la diversité : sa femme, Susie, est passée en son temps proche de faire ses débuts en Grand Prix (elle au moins pu rouler en essais libres avec Williams).
Quels obstacles Susie a-t-elle alors rencontrés selon Toto Wolff ?
« Évidemment, j’étais avec Susie à la fin de sa carrière en DTM et en Formule 1, et j’ai vu les obstacles qui se dressaient sur son chemin. Elle était très compétitive. Chez Williams, on l’a placée en EL1 et elle était très proche du pilote principal, mais malgré tout, avec les principes qu’on avait sur les femmes à l’époque... on ne lui a pas donné l’opportunité, bien que cela aurait été génial pour le sport, et probablement génial commercialement aussi pour l’équipe. C’était donc plutôt... une situation que nous ne pouvions pas comprendre pourquoi cela était arrivé ; puis elle a décidé que, clairement, la porte était fermée pour le moment. »
Pour Toto Wolff, le nœud du problème remonte au karting : il faut commencer par la base !
« Susie s’est passionnée pour ce sujet. Elle est la fondatrice du programme Dare to be Different, qui a été fusionné avec le programme Girls on Track de la FIA. Elle est toujours très impliquée dans la manière d’attirer les jeunes filles en Formule 1, mais cela doit commencer par la base. »
« Je pense que si vous regardez le karting, sur 100 pilotes, il y a trois filles et nous parlons en F1 des 20 meilleurs pilotes du monde. C’est donc clairement par là que nous devons commencer. L’initiative lancée par la Formule 1 est donc très bonne et importante : des voitures plus petites, beaucoup d’essais, ce qui est important, et j’espère que la Formule 1 pourra identifier de jeunes femmes karting et pilotes juniors, parce qu’il y en a de bonnes dans les W Series aussi, qui peuvent participer, obtenir beaucoup de temps de piste et ensuite, les meilleures pourront passer en Formule 4 ou en Formule 3. »
Cependant Toto Wolff est contre l’introduction de quotas féminins dans le sport.
« C’est seulement si nous renforçons la base, que nous pouvons amener une fille, une femme en Formule 1, mais elle doit être compétitive. Je pense que c’est le plus important. Nous ne pouvons pas le faire uniquement pour le quota, parce que ce serait... si une femme arrive en F1 sans être compétitive, les effets négatifs se feraient ressentir pour longtemps. »
« Chez Mercedes, nous avons une jeune fille, Luna Fluxa, qui est très jeune, qui fait du karting, elle va jusqu’en finale des championnats d’Europe et du monde. Et Susie regarde ça, et oui, elle discute avec Stefano Domenicali pour savoir s’il y a des pistes intéressantes pour travailler ensemble, mais rien n’est décidé, elle réfléchit encore. »
McLaren et Ferrari ont lancé des programmes ambitieux
Chez McLaren, Zak Brown, le PDG de McLaren Racing, rappelle que son groupe a pris aussi des initiatives dans d’autres formules.
« Oui, tout ce qui crée des opportunités et encourage les femmes, la diversité et les jeunes dans la course automobile est une bonne chose. Nous sommes entrés en Extreme E cette année, et McLaren Racing a donc sa première femme pilote en la personne d’Emma Gilmour. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles nous nous sommes inscrits au championnat, c’était pour soutenir notre programme D&I, notre programme égalité des genres. Et donc c’est génial de voir ce que Liberty fait, investir dans le sport. »
« Donc, une série féminine serait certainement la bienvenue et nous voulons la comprendre davantage pour voir s’il y a des opportunités pour nous de participer. »
Avant son départ qui a eu lieu ce dimanche, Mattia Binotto n’oubliait pas enfin de rappeler que Ferrari elle aussi dispose de son programme dédié aux femmes.
« De mon côté aussi, c’est certainement une grande opportunité. Nous, chez Ferrari, c’est quelque chose que nous croyons certainement très important. »
« Comme vous le savez, nous avons notre propre programme ‘Girls on Track’ au sein de notre Ferrari Driver Academy, depuis trois saisons déjà. Nous menons de grandes activités de prospection, nous organisons des camps, des sélections, et peut-être que Maya [Weug], en tant que pilote, est notre plus, disons, notre première ambassadrice de ce programme. Elle court, elle s’entraîne et vous pouvez la voir à Maranello avec les ingénieurs, à la salle de gym, donc c’est vraiment quelque chose sur lequel nous insistons. »
« Nous pensons qu’à un moment donné, c’est quelque chose qui doit arriver - voir nos pilotes féminins en Formule 1, mais cela prendra du temps, car c’est un long, long voyage. Mais le plus important, c’est que nous créons des opportunités, et je suis sûr que grâce à ces opportunités, cela va se produire. »