Cyril Abiteboul, ancien directeur de Renault F1, est revenu sur un épisode marquant de sa carrière : le fameux crashgate de Singapour en 2008.
Le Français n’était bien sûr au courant de rien (seuls les cerveaux Flavio Briatore et Pat Symonds ont été reconnus coupables, tout comme Nelson Piquet Jr) et distille sa vision des choses sur le moment... avant de révéler que c’est lui qui a été mandaté pour virer Briatore !
"J’étais un peu l’idiot utile, aussi ! On était en pleines négociations pilotes, on était en train de négocier le renouvellement du contrat de Nelson Piquet ou pas. Effectivement, on voit une voiture qui se met dans le mur, on voit Alonso qui a la bonne stratégie. Et puis, on voit qu’on gagne," confie-t-il au podcast ’Dans la boîte à gants’.
"Pour rappeler, c’est une instruction qui est donnée par le management de l’équipe à Piquet de provoquer une safety car, de se démerder comme il voulait pour ça, et à ce moment-là le règlement faisait que si on savait qu’il y allait avoir une voiture de sécurité déployée, on pouvait l’anticiper et globalement se remettre devant tout le peloton."
"Et donc effectivement ça marche parfaitement bien, il provoque une belle safety car, au bon virage. Et c’est Singapour, donc les accès des grues sont plus ou moins compliquée. C’était le bon virage, là où c’était le plus loin de la grue. En anticipant du coup l’arrêt d’Alonso, le management de l’équipe est capable de le faire passer devant les autres."
"Effectivement, j’ai senti pendant ce week-end énormément de tension dans les discussions entre les pilotes, évidemment, mais c’est pour ça que je parle d’idiot utile : je n’avais absolument pas connaissance des faits et de ce qui se tramait à cette époque-là."
N’a-t-il pas été étonné, pas de doutes ?
"C’est arrivé bien plus tard. Sur le moment, on se dit : ’C’est quand même incroyable’. Et puis après, la vie passe. Les contrats se font, se défont. La vie de la Formule 1 de toute façon, c’est une vie à 300 km/h. Les Grands Prix s’enchaînent. Finalement on n’a pas toujours le temps vraiment d’analyser en profondeur ce qui se fait. Un événement chasse l’autre. Et on a dû passer sur le sujet suivant."
"C’est un peu après, au printemps suivant, en 2009, que cette histoire commence à sortir. On se rend compte de la machination qui a été organisée. Et effectivement, comme je m’occupe aussi des affaires juridiques à ce moment-là, je coordonne une espèce d’enquête interne avec les avocats, la constitution des dossiers."
"C’est un moment très difficile à gérer, parce qu’il y a quand même des circonstances qui sont assez accablantes. Il faut prendre ses responsabilités, y compris vis-à-vis des personnes concernées, dont mon chef de l’époque, Flavio Briatore, à qui il faut que j’explique que c’est fini."
Abiteboul a aussi été celui qui a annoncé à Briatore qu’il était viré. Cela n’a même pas été fait par le grand patron de Renault F1 à l’époque, Carlos Ghosn.
"Il n’y avait pas beaucoup de candidats (pour lui dire) ! J’ai toujours eu un peu Monsieur ’mauvais office’. Le fusible, ouais, le mec qui doit faire le boulot."
"Ça a été un moment de prise de responsabilités, d’émancipation, de saut dans l’inconnu. C’est compliqué, parce que je mesure encore aujourd’hui tout ce que je dois à Flavio. À un moment, il a fait une connerie, il faut être responsable. Il y avait aussi un sujet de réputation et de responsabilité de Renault en tant que tel. On avait quand même 800 collaborateurs associés."
"Flavio et Pat Symonds, qui ont été reconnus comme étant les cerveaux derrière cette entreprise, ont été pris en responsabilité, et le reste de l’équipe a pu continuer de survivre, même si en termes de réputation… Je me souviens parce que c’était la première fois, peut-être même la seule fois que Renault a fait la une du New York Times."
"Toute la question était de savoir : est-ce que toute publicité est de la bonne publicité ? Un constructeur français qui fait la une d’un journal américain, ça n’arrive pas tous les jours."