Audi a officiellement achevé la construction des tout premiers moteurs qui équiperont ses monoplaces en 2026. Mais la version destinée aux premiers essais, prévue pour la fin janvier, ne sera qu’une lointaine cousine du bloc définitif qui fera ses débuts en compétition en Australie. L’objectif : retarder au maximum les gels internes pour pousser le développement jusqu’à la dernière minute.
Depuis le printemps 2022, l’usine de Neuburg concentre ses efforts sur le bloc V6 hybride 2026 et l’ensemble du groupe propulseur qui animera l’ex-écurie Sauber, qui va devenir l’équipe officielle Audi au 1er janvier. Un moteur complet tourne déjà sur 22 bancs d’essais depuis l’an dernier, et les essais d’endurance se sont achevés cet automne.
La construction des premiers moteurs Audi F1 est maintenant terminée. Le premier allumage d’un moteur installé dans un châssis est imminent, et dès décembre, certains blocs partiront à Bahreïn pour les essais hivernaux de février.
Un test privé collectif (à huis clos pour les médias et les fans) aura lieu fin janvier en Espagne, une initiative née du bouleversement réglementaire majeur de 2026 et qui impose une échéance avancée pour l’intégration moteur-châssis.
Pour Mattia Binotto, responsable de l’ensemble du programme Audi F1, la priorité immédiate n’est pas la performance mais la fiabilité.
"Être prêt, cela signifie être prêt fin janvier : cela veut dire qu’au début janvier la voiture est déjà assemblée, et que l’on commence certains tests à l’usine. Nous allons d’ailleurs démarrer le moteur dans le châssis avant la fin de l’année, dans les prochaines semaines."
Mais il prévient : "La version que nous allons démarrer et celle que nous utiliserons aux premiers essais seront très éloignées de la version finale."
Car Audi entend pousser les limites du calendrier pour présenter en mars, à Melbourne, la version la plus aboutie possible.
"Cela aura plus de sens quand on arrivera en course : à Melbourne, nous voulons avoir la meilleure voiture que nous aurons pu développer. Donc nous essayons de repousser autant que possible toutes les échéances."
Audi doit également gérer un défi humain et logistique majeur : faire travailler ensemble une structure entièrement recomposée.
"C’est la toute première fois que nous irons en piste avec une toute nouvelle unité de puissance Audi. Il faut s’assurer que l’équipe fonctionne correctement ensemble."
"Ce sera une équipe totalement nouvelle, qui n’a jamais travaillé de manière unifiée, car nous avions différents fournisseurs auparavant. Il y a tant à apprendre. La courbe d’apprentissage sera très forte au début, et cela aussi oblige à bouger certaines échéances."
Binotto possède une immense expérience en Formule 1, dont une grande partie est centrée sur le groupe motopropulseur, ayant dirigé cette division pendant une partie de sa longue carrière chez Ferrari. Il sait mieux que quiconque à quel point il est difficile pour Audi non seulement de mettre au point un groupe motopropulseur dans un délai raisonnablement court, mais aussi de le faire sans avoir jamais construit de moteur de Formule 1 qui ait roulé sur circuit.
"Le défi est de taille," admet-il. "Le groupe motopropulseur est une question complexe et difficile. Son développement prend du temps, plus longtemps que celui du châssis et de l’aérodynamique. L’équipe a commencé à développer le groupe motopropulseur il y a plusieurs années et il fonctionne bien sur le banc d’essai. Mais pour nous, ce sera un long parcours et nous aurons beaucoup à apprendre, mais nous sommes tous enthousiastes."
"Sur le banc d’essai, nous testons actuellement la fiabilité afin de nous assurer qu’elle sera au rendez-vous pour le début de la saison. Il y a des moments de tension à Neuburg, mais c’est le défi à relever. "
"C’est un défi difficile mais pour devenir champion du monde, pour avoir la meilleure voiture sur la piste, tous les défis sont difficiles. Je ne pense pas qu’on puisse choisir lequel est le plus difficile. Mais pour un nouveau constructeur, ce n’est certainement pas facile."
Le moteur, le MGU-K, les composants hybrides et la boîte ont été développés à Neuburg, tandis que la structure de boîte et l’essieu arrière sont produits à Hinwil. Le partenariat technique Audi-Sauber s’est concentré sur l’intégration moteur-châssis pour optimiser l’efficacité thermique et la gestion énergétique, un point crucial face à l’électrification renforcée des blocs 2026.
Gernot Döllner, patron d’Audi, a salué l’impact de Binotto à ce sujet lors du lancement du concept qui a eu lieu mercredi soir.
"Il a pu faire une analyse initiale très rapide à Hinwil. À partir de là, il a développé, avec l’équipe, un plan clair pour cette année."
"Nous sommes très satisfaits de la manière dont ce plan est devenu réalité. C’est la même chose du côté moteur à Neuburg."
"Avec son expérience, il était évident de le rapprocher de l’équipe de Neuburg. Nous avons des critères de performance bien définis et une stratégie de développement claire. Nous en sommes pleinement satisfaits."
Une fois l’unité de puissance homologuée - avant le 1er mars 2026 - les évolutions seront en grande partie gelées au fur et à mesure jusqu’à fin 2030, hormis des ajustements de fiabilité, sécurité ou packaging validés par la FIA.
Cependant, si Audi (ou un autre motoriste) se retrouve nettement derrière, le règlement prévoit un mécanisme de rattrapage. Un indice de performance sera calculé pour chaque constructeur.
Entre 2 % et 4 % de déficit : 1 évolution supplémentaire autorisée. Plus de 4 % : 2 évolutions par période.
Trois périodes seront définies (courses 1–6, 7–12 et 13–18), et les constructeurs concernés pourront aussi étendre l’utilisation de leurs bancs d’essais ou ajuster leurs dépenses sous plafond budgétaire.
Audi pourrait avoir à s’appuyer sur ce dispositif dans ses premières saisons, le constructeur s’attendant à monter progressivement en puissance avant d’être prêt pour le prochain grand cycle réglementaire de la fin de décennie.
Döllner réaffirme néanmoins un objectif clair : viser les titres à partir de 2030.
"Nous avons fait du benchmarking. Nous avions des expériences d’autres disciplines. Nous avons trouvé cet objectif ambitieux mais réaliste. Nous avons un modèle en trois phases : nous commençons en challengers, puis devenons compétiteurs, et enfin, à partir de 2030, nous voulons nous battre pour la victoire."