En 1990, John Barnard, ancien directeur technique réputé de Ferrari ou McLaren, officiait chez Benetton. Son passage au sein de l’équipe anglo-italienne fut bref, car il se disputa rapidement avec l’orageux Flavio Briatore.
Mais en cette période, McLaren commençait à montrer des signes de déclin… si bien que Ayrton Senna, impressionné par la réputation de John Barnard (qui avait fait gagner deux titres à Alain Prost dans les années 80), avait des envies d’ailleurs, voulant quitter Woking pour Enstone.
C’est cette petite histoire qu’a racontée John Barnard au podcast "Beyond the Grid"…
« J’étais certainement l’un des directeurs techniques les plus estimés » commente l’ingénieur anglais.
« Et Ayrton voulait être dans la meilleure équipe. »
Au Grand Prix de Monaco 1990, il est alors arrivé une anecdote peu commune à Barnard…
« Ayrton m’a dit : Viens dans mon appartement, ce vendredi midi, pour déjeuner. J’y suis allé. Sa femme de ménage nous a préparé à manger. Et en gros, il m’a dit : devrais-je rejoindre Benetton maintenant ? »
« Pour être honnête avec toi, j’adorerais t’avoir à bord, j’ai répondu. Mais je dois te le dire, nous n’avons pas les possibilités pour avoir cette voiture gagnante aujourd’hui. »
« C’était en partie pour cela que j’étais allé chez Benetton. Je savais où nous étions, nous n’étions pas prêts. »
« La Benetton de 1991 n’avait pas de boîte de vitesses semi-automatique, car nous n’en avions pas la possibilité. Nous ne pouvions pas le faire. »
« Et c’était très frustrant ! Je me disais tout le temps, je ne peux pas le faire, je ne peux pas prendre le risque. Nous n’avions pas une assez bonne équipe pour l’électronique… »
« Donc j’ai dû dire à Ayrton : désolé Ayrton, nous ne pensons vraiment pas que nous sommes prêts pour toi. Laisse-nous un an ou deux. C’était vraiment une décision importante pour moi. Si j’avais dit oui, j’adorerais t’avoir à bord, je suis sûr qu’il serait venu. »
Barnard avait raison : Benetton n’était pas prête en 1991 ; elle le serait pour 1994. Or, ce ne fut pas Ayrton Senna qui gagna dans la monoplace bleue et jaune, mais un certain Michael Schumacher.
Barnard, qui était parti chez Ferrari entre-temps, a-t-il été surpris par les titres mondiaux de Benetton ?
« Oui, j’étais surpris. Je dirais que j’ai mis en place l’équipe techniquement, pour qu’elle soit capable de gagner. Nous avons construit une nouvelle soufflerie... C’était un grand pas en avant techniquement. Quand je suis arrivé, tout ce que faisait Benetton techniquement, aérodynamiquement, c’était très loin derrière les autres. »
« Et puis, tout s’est effondré avec Flavio [entre lui et moi]. Mais en gros, ils ont eu de ma part ce qu’ils voulaient. »