Ross Brawn a quitté son rôle auprès de Liberty Media et de la F1, mais l’ancien manager de la discipline se félicite de laisser derrière lui une Formule 1 en bonne santé grâce, aussi, au règlement technique 2022.
Visiblement revanchard, le Britannique est heureux d’avoir obtenu un mea culpa des personnes les plus sceptiques du paddock, comme il le raconte.
"Les règles ont définitivement fonctionné" a déclaré Brawn à Motor Sport Magazine.
"Je pense que même les sceptiques des équipes de F1, et je ne vous dirai pas qui ils étaient, ont ravalé leur fierté et reconnu que les données montrent que les voitures pouvaient se battre et étaient moins impactées par le fait de suivre une autre voiture."
"Et je ne pense pas qu’il y ait une équipe sur la grille qui le nie. C’est une question de degré, mais je pense que c’est assez significatif. Je pense que les preuves anecdotiques que nous voyons sont significatives. Je pense que nous devons aussi donner du crédit à Pirelli, parce qu’ils ont fait des progrès avec les pneus."
"Un facteur vital" dont la F1 a pris conscience
Brawn pense que la F1 a fait le plus difficile en comprenant ce dont il y a besoin pour que les monoplaces de Formule 1 puissent se suivre de près et s’affronter en piste. Désormais, il faudra simplement exploiter ces données factuelles pour améliorer le spectacle au maximum.
"Pour moi, l’essentiel est que tout le monde a désormais à l’esprit que l’aptitude à se suivre des voitures est un facteur vital et une caractéristique essentielle que nous devons poursuivre avec tout changement que nous faisons. Donc, pour tout changement dans les règlements à l’avenir, il faudra voir comment ils affectent cela."
"On devra se demander si nous pouvons faire encore mieux, car nous savons ce dont il y a besoin. Les équipes ont toutes proposé leurs solutions, qui sont actuellement étudiées par l’équipe aérodynamique de la FIA.
"Il y aura des changements l’année prochaine qui, je pense, iront dans la bonne direction. Notre mantra, lorsque nous concevons une voiture de course, c’est qu’elle doit pouvoir se battre. Parce qu’une voiture de course avec laquelle vous ne pouvez pas vous battre est inutile."
Brawn est heureux que la dynamique de voitures difficiles à suivre ait été interrompue grâce au nouveau règlement : "Il ne faut pas oublier que si nous n’étions pas intervenus, la situation ne cessait de se dégrader. Nous comparons ce que nous avons maintenant avec ce que nous avions l’année précédente."
"Imaginez ce que nous aurions eu cette année ou l’année prochaine. Dans mon esprit, nous avons pris le bon virage en ce qui concerne le type de voiture que nous voulons. Nous savons tous qu’elles sont trop lourdes. Nous savons tous qu’elles sont trop grosses. Et c’est définitivement une priorité. Mais elles peuvent se battre et c’est génial à voir."
Brawn vante ses décisions : "Qui avait raison ?"
L’ancien directeur technique de Ferrari continue son tour d’horizon des torts à attribuer aux équipes, et note que leur inquiétude sur la possibilité de voir des F1 trop standardisées en matière d’apparence n’était pas fondée.
"Ces leçons semblent devoir être apprises à chaque fois. Nous avons dit que les voitures seraient différentes. Les équipes ont dit ’oh non, elles vont toutes être les mêmes’. Qui avait raison ? Nous avons dit que le plafonnement des coûts rapprocherait les courses, les équipes ont dit que non. Qui avait raison ?"
"Nous avons des courses fantastiques, et certaines équipes dépensent la moitié de ce qu’elles dépensaient auparavant. Cela n’a pas fait une grande différence. C’est même mieux. Nous devons simplement apprendre à ignorer le bruit que font les équipes dans leur propre intérêt."
"Ayez un point de vue, ayez une opinion, et soyez prêts à aller de l’avant. J’ai eu un ou deux directeurs techniques éminents qui m’ont dit que cette nouvelle voiture serait un désastre, qu’elles seraient toutes les mêmes, qu’il n’y avait pas de possibilités de développement, il n’y avait pas ceci, pas cela."
"À leur crédit, ils ont reconnu que ce n’était pas le cas. Mais si nous avions adopté leur point de vue à l’époque, nous n’aurions peut-être pas fait ce que nous avons fait. Et cela montre simplement que si vous avez une compréhension raisonnable de la situation, vous devez vos opinions et vos principes."
"C’est la meilleure façon de procéder. Je suis vraiment heureux de la façon dont les choses ont évolué. Et nous devons continuer à aller dans cette direction."
Rendre les voitures plus compactes sera crucial
Selon Brawn, la FIA doit maintenant s’assurer que les monoplaces de F1 ne reviennent pas en arrière, notamment à cause des modifications contre le marsouinage qui pourraient impacter leur capacité à se suivre.
"Je pense que ces changements sont passés par le système pour s’assurer qu’ils n’ont pas d’impact significatif. Les prochaines étapes consisteront à garder un œil sur ces voitures pour s’assurer qu’elles ne dérivent pas en cas d’évolution."
"Nous nous concentrons sur la voiture de 2026, pour voir comment nous pouvons faire un pas de plus dans la bonne direction, peut-être rendre la voiture un peu plus compacte, peut-être voir si nous pouvons la rendre plus légère."
"Ce n’est pas facile avec le poids, quand vous avez un moteur hybride et le niveau de sécurité qui est primordial. Avec des choses comme le Halo, le poids est une lutte. Mais nous faisons tout pour leur faire perdre du poids, et nous pouvons rendre les voitures un peu plus compactes à l’avenir. C’est donc à l’ordre du jour."
"Toutes les équipes sont économiquement viables"
Le plafond budgétaire est une autre grosse nouveauté de ces dernières années, et Brawn en a été à l’origine, puisqu’il était à la tête de la F1 avec Chase Carey et Sean Bratches quand cette décision a été prise. Il salue le travail de Nigel Kerr, le directeur financier de Liberty Media, qui a mis en place le plafond budgétaire.
"L’équipe de la FIA, ainsi que Nigel Kerr à la F1, ont fait un travail fantastique avec des règlements aussi complexes. Pour créer ces règlements dans le temps imparti, et pour qu’ils soient si efficaces, bien sûr il y a des contretemps, bien sûr il y a des bugs dans le système."
"Mais il s’agit d’un ensemble de réglementations étonnamment complexes qui ont eu un effet remarquable très rapidement, et qui peuvent être aplanies, développées. Je pense qu’ils ont fait un excellent travail et qu’il faut les féliciter pour ce qu’ils ont fait, cela cimentera l’avenir de la F1."
"Je veux dire que la plupart des équipes, sinon toutes, sont maintenant ce que je décrirais comme économiquement viables. Et je pense que les grandes équipes font de gros bénéfices. Je pense que les petites équipes commencent à être en mesure de couvrir leurs coûts."
"Et la durabilité économique est tout aussi importante que la durabilité environnementale. En effet, nous pourrons alors nous permettre d’introduire les changements nécessaires à la durabilité environnementale à mesure que les équipes pourront se le permettre."
La convergence des performances arrivera plus tard
Les performances n’ont pas encore été trop resserrées en 2022, et Brawn l’explique par l’avantage en recherches et en infrastructures des grosses équipes. Mais avec l’obligation de faire attention au développement, grâce aux handicaps en soufflerie et CFD, le nivellement va rapidement se faire.
"Je l’espère. Il n’y a aucun doute que pour les équipes qui avaient déjà les vastes banques de données, qui avaient déjà toute l’expertise, il y avait un avantage. Mais si vous ajoutez le double du budget d’une autre équipe à cette vaste banque de données et d’informations, et à cette dernière expertise, comment rivaliser ?"
"Nous avons 10 équipes, dont la majorité est probablement en train de dépasser la limite de leur plafond de coûts. Et je pense que dans les prochaines années, nous allons voir que cela commence à vraiment fonctionner. Et nous avons le handicap des essais aérodynamiques, qui est un mécanisme compensatoire."
"Et je dois être franc, je suis assez content d’entendre les meilleures équipes s’en plaindre ! L’efficacité est désormais un élément clé de leurs opérations. Un concepteur qui conçoit une pièce doit désormais prendre en compte de manière beaucoup plus importante le coût de cette pièce par rapport à ses performances."
"Quand ils disent ’Nous avons vraiment du mal, parce que nous n’avons pas autant de temps en soufflerie que les gars à l’arrière’, c’est fantastique, ça doit être le cas ! Parce que c’est un mécanisme d’auto-nivellement. C’est exactement ce qu’il était censé faire. Je suis donc très optimiste pour l’avenir."