En 2021, écarté de chez Red Bull en tant que pilote titulaire, Alexander Albon dut prendre son mal en patience et ronger son frein - il était ’seulement’ pilote de réserve à Milton Keynes.
Le Thaïlandais en a dit un peu plus aujourd’hui sur cette sombre saison – pour souligner à quel point elle fut déchirante pour lui. Car dans l’ombre du simulateur de Milton Keynes, Albon voyait, pendant ce temps, Max Verstappen et Sergio Pérez enchaîner les victoires et les podiums – avec une voiture qu’il avait lui-même aidé à développer.
Ce fut même « la période la plus difficile » de sa carrière, a-t-il confié à The Players Tribune.
« Pendant mon année d’absence, j’ai eu beaucoup de temps pour réfléchir. Vraiment réfléchir. J’étais le pilote de réserve de Red Bull Racing pendant cette période et j’ai essayé de garder mon esprit concentré sur une seule chose : comment revenir dans un baquet de F1 ? »
« C’était un peu une énigme, honnêtement. J’ai fait tout ce que je pouvais dans le simulateur, ainsi que des courses en DTM avec des voitures GT3 pour essayer de rester affuté sur le plan du pilotage. Mais... je voulais que les gens me voient en reconsidérant ce que j’avais fait en F1 pendant mes deux premières années. Je n’avais pas l’impression de recevoir un traitement équitable. Je ne voulais la pitié de personne. Ce n’était pas du tout comme ça. »
« Pendant cette année, j’étais assis là et je regardais Checo et Max accumuler des points pour Red Bull Racing, et ça me tuait. Ce n’était pas parce que je n’étais pas heureux de leur succès. La main sur le cœur, j’étais vraiment heureux pour eux. J’ai travaillé avec eux tout l’hiver pour mettre au point la voiture dans le simulateur. »
« Je me suis souvenu de tous les problèmes que Max et moi avions eus avec la voiture l’année précédente, et l’équipe et moi avons passé des heures dans une pièce sombre à regarder les données, pour nous assurer de garder la voiture sur les rails. Et quand nous sommes arrivés aux essais et que j’ai vu les gars arriver et dire, "Ouais, la voiture est vraiment bien", j’étais vraiment heureux qu’elle soit performante. Mais je voulais juste être sur la grille. »
C’est en des termes crus qu’Alexander Albon décrit ce qui ressemblait presque à un épisode dépressif, illustrant de nouveau l’importance de la santé mentale dans le sport.
« Ce fut le moment le plus difficile de ma carrière, et j’ai vraiment dû me poser des questions difficiles. Je devais penser à autre chose qu’à moi-même en tant que pilote. J’ai dû réfléchir à qui je voulais être en tant que personne. Combien de pilotes perdent leur place et ne reviennent jamais ? Combien de pilotes viennent pour quelques saisons et disparaissent de la F1 ? C’est un business féroce, je le sais. »
« Certaines personnes pourraient penser que je serais de ceux qui disparaissent, qui ne se méritent pas de seconde chance. Et j’ai eu quelques jours après avoir appris que je serais pilote de réserve, où je m’apitoyais sur mon sort. J’étais abattu et je ne voyais pas vraiment comment remonter la pente. J’ai apprécié tous les messages de mes fans, mais au début, c’était un peu sombre. »
« Mais j’ai pris du temps, j’ai parlé avec ma famille et mes amis et j’ai réalisé que ce que je devais changer, ce n’était pas mon pilotage, c’était moi. C’était à propos de qui j’étais. Qui je voulais être. »
« Et je ne voulais pas être ce type. Celui qu’on a oublié. »
« Je voulais être Alex Albon, le pilote de F1. »
Comment Albon a convaincu Red Bull…et Williams
Alexander Albon n’a alors plus compté ses heures pour se donner les chances de faire son retour en F1 – en convainquant Helmut Marko ou Christian Horner de son ardeur au travail.
« Alors j’ai checké mon ego, mes sentiments. Je suis allé voir Helmut et Christian et j’ai dit : "O.K., que voulez-vous que je fasse ? Comment puis-je donner mon maximum à l’équipe ?" »
« Cet hiver-là, peu importait la tâche, vraiment, j’étais à fond. Comme je l’ai dit, des nuits tardives à travailler sur les données, des milliers de tours sur le simulateur. Je jouais le jeu. J’ai trouvé un nouveau niveau de motivation. J’étais presque fou. Genre, tu veux un pilote d’essais ? Bien ... tu vas avoir le meilleur pilote d’essais que tu n’as jamais vu dans ta vie. Je ne sais pas si j’ai fini par être ça. Mais j’ai vraiment essayé de donner le meilleur de moi-même. Le fait que je connaissais bien l’équipe grâce à mon passage chez Toro Rosso et Red Bull les deux années précédentes m’a aidé. »
« Je pense souvent à ces deux années parce que, même maintenant, j’ai l’impression d’être dans un rêve étrange. »
Puis Alexander Albon s’est mis alors en quatre pour envoyer son CV à toutes les équipes, presque comme un demandeur d’emploi ! Et il raconte comment Williams et Jost Capito furent convaincus de l’embaucher, afin de remplacer George Russell.
« En 2021, j’ai regardé du banc de touche la victoire de Max au championnat du monde, et j’ai pensé que mon histoire ne s’arrêtait pas là. Je pensais que ce qui était arrivé à Red Bull n’était pas la fin. »
« Alors j’ai fait ce que toute personne sans emploi fait. »
« J’ai commencé à distribuer des CV. »
« Je dois admettre que le mien était un peu différent. Je l’ai fait en Excel et j’avais tous ces temps au tour et ces écarts et toutes sortes de données avec des couleurs différentes. Tout était en rouge, vert et jaune et c’était vraiment un spectacle à voir. J’en étais assez fier. »
« Au milieu de l’année, en Autriche, j’ai tout remis à Jost Capito de Williams Racing et nous nous sommes rapidement entendus. Il croyait beaucoup en moi, et nous avons eu beaucoup de conversations positives. Je pense que George [Russell] a aussi dit quelques mots gentils à mon sujet (Merci, George). J’étais vraiment excité par l’opportunité qui m’était offerte à Williams et, même si d’autres équipes étaient intéressées, Jost m’a fait me sentir chez moi. »
« Il y a vraiment un sentiment d’être dans une famille à Williams. Il y a un sens de la communauté et je suis excité de venir travailler chaque jour. Cela vaut pour l’équipe de course, l’usine, les propriétaires, tout le monde. C’était évidemment une saison difficile pour nous l’année dernière, mais il y a ce moment dont je me souviens de la première course à Bahreïn et auquel je reviens toujours. »
Désormais, Alexander Albon mesure le chemin parcouru - et se sent privilégié d’être toujours un pilote titulaire en F1, fût-ce dans une équipe de fond de grille.
« Williams est une équipe historique et je veux participer à son redressement et à sa progression sur la grille. J’ai hâte que l’année commence et que nous puissions montrer ce dont nous sommes capables. Cela ne va pas se faire du jour au lendemain, mais nous avons une grande équipe de personnes qui ont la motivation de continuer à aller de l’avant.
« J’ai vu beaucoup de choses dans ce sport. Je suis reconnaissant pour tout cela. Le bon et le mauvais ont fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui. »
« Et j’espère que vous me verrez comme ça - Alex, le pilote qui a refusé d’abandonner. »