Pour certains, la dernière victoire de Lewis Hamilton (au Grand Prix d’Arabie saoudite 2021) semble remonter à une éternité.
Cela fait certes 25 Grands Prix que Lewis Hamilton n’a plus gagné en F1 – mais il ne s’agit pas, loin de là, de la plus longue période sans victoire d’un ancien champion du monde en F1.
D’autres couronnés ont en effet traversé des moments vides, des mauvaises passes, ou sont également montés à de nombreuses reprises sur le podium après leur titre, sans pour autant gagner un Grand Prix. Petit tour de piste…
Jack Brabham – 45 GP sans victoire (Portugal 1960 – France 1966)
Six ans sans victoire pour le triple champion du monde Brabham ! Cela peut s’expliquer simplement. L’Australien (après deux titres en 1958 et 1960) avait décidé de quitter en 1962 Cooper, pour monter sa propre équipe : Brabham.
Il a donc fallu du temps afin de construire une structure à succès – même si le premier podium survenait dès la deuxième saison de l’équipe, en 1963.
Après quelques progrès, un pas décisif fut franchi en 1966 (année du troisième titre) avec l’entrée de la BT19, un châssis à l’efficacité ravageur. C’est ainsi qu’en France, Brabham brisa une très longue série de Grands Prix sans succès et fit un pas vers le troisième titre. L’année d’après d’ailleurs, Brabham remporta encore le classement des constructeurs.
Encore aujourd’hui, Brabham est le seul pilote à avoir été sacré dans une voiture de sa propre écurie. Un exploit qui demeurera sans doute à jamais.
John Surtees – 47 GP sans victoire (Italie 1967 – Italie 1972)
Seul pilote à avoir été couronné en Moto comme en F1, Surtees a tenté de faire « une Brabham » en fondant sa propre équipe. Mais contrairement à son prédécesseur, lui échoua.
En clair, le champion 1964 gagna sa dernière course en F1 en Italie, en 1967. Après deux saisons sans briller chez Honda et Owen, il courut à partir de 1970 dans sa propre équipe, le Team Surtees.
Mais ses trois saisons dans sa structure seront couronnées de problèmes techniques (25 abandons en 47 Grands Prix) et si Surtees obtint d’autres succès en CanAm et Formula 5000, la F1 restera pour lui un amer échec. Il finit donc sa carrière en Italie 1972, toujours bredouille.
Nelson Piquet – 47 GP sans victoire (Japon 1987 – Japon 1990)
Cela peut paraître surprenant mais le triple champion du monde, après son couronnement en 1987, connut ensuite une grande période de disette.
Parti chez Lotus, Piquet allait se casser les dents sur les restes de la structure fondée par Colin Chapman. Il passa deux saisons sans victoires.
Il décida en 1990 de quitter Lotus pour Benetton, avec plus de succès : l’équipe avait franchi un vrai cap dans sa compétitivité et après une série régulière de points, il s’illustra au Australie puis au Japon pour briser sa spirale négative. En 1991 toujours chez Benetton, il glanera d’ailleurs une dernière victoire après un abandon de Nigel Mansell. Michael Schumacher sut vite faire oublier Piquet chez Benetton…
Mario Andretti – 50 GP sans victoire (Italie 1978 – Las Vegas 1982)
Comme Piquet, Mario Andretti a connu une période de disette après son titre mondial (en 1978, avec Lotus). L’Américain connut d’ailleurs une dernière victoire endeuillée par la disparition brutale de son coéquipier Ronnie Peterson, qui avait perdu la vie lors de ce même Grand Prix d’Italie à Monza.
Andretti resta deux années supplémentaires fidèles à Lotus, mais en vain : il ne finit que 12 et 20e du championnat. Chez Alfa Romeo, l’herbe ne fut plus verte l’année d’après.
En 1982, Andretti fut engagé comme « pigiste » par Williams pour remplacer Reutemann, parti en claquant la porte, lassé d’être le numéro 2. Il fut ensuite rappelé par Ferrari pour remplacer Pironi, blessé en Allemagne. Et Andretti ne rata pas cette dernière occasion, en allant chercher une 3e place à Monza (après la pole)… sans succès tout de même au bout.
Michael Schumacher – 60 GP sans victoire (Chine 2006 – Brésil 2012)
Le Kaiser a lui aussi connu une période de disette mais bien sûr encadrée par une période de retraite, entre 2007 et 2010. Après avoir perdu de peu le titre face à Fernando Alonso, Michael Schumacher était donc devenu un prestigieux néo-retraité.
L’appel du retour, de Ross Brawn et de Mercedes fut cependant plus fort en 2010 : Michael Schumacher vint aider à construire l’équipe Mercedes, née sur les cendres de Brawn GP.
Il traverserait une période plus compliquée, en étant régulièrement dominé par son coéquipier Nico Rosberg. L’année 2012 fut cependant la plus faste, avec un meilleur temps en qualifications à Monaco (mais il écoperait d’une pénalité de cinq places sur la grille) et un podium à Valence à 43 ans.
Sebastian Vettel – 65 GP sans victoire (Singapour 2019 – Abu Dhabi 2022)
C’est à Singapour, en 2019, que Charles Leclerc remporta sa dernière victoire en F1 – après d’ailleurs un scénario un peu controversé, l’Allemand ayant été favorisé sur Charles Leclerc par la stratégie Ferrari.
Malgré son statut de quadruple champion du monde et cette 53e victoire, l’aura de Sebastian Vettel allait ensuite décliner chez Ferrari, particulièrement en 2020 – année catastrophique pour Ferrari mais plus encore pour Sebastian Vettel.
Remercié par la Scuderia, Sebastian Vettel chercherait le rebond chez Aston Martin F1. Malgré quelques coups d’éclats, notamment avec un joli podium à Bakou, Vettel passerait la plupart de son temps en milieu de grille, voire fond. A la fin de la saison 2022, il décida de prendre une retraite bien méritée, sans doute soulagé de quitter le sport.
Graham Hill – 72 GP sans victoire (Monaco 1969 – Monaco 1975)
Le détenteur de la triple couronne, titré une deuxième fois en F1 en 1968, remporta le Grand Prix de Monaco l’année suivante, avec Lotus. Ce fut la dernière de sa carrière.
Hill enchaîna ensuite les mauvais choix en carrière (notamment chez Embassy Racing) et ne se classa pas mieux que 13e au championnat dans les 6 saisons suivantes en F1 ! Tout cela sans monter une seule fois sur le podium. Un long déclin après une brillante apogée…
Jenson Button – 78 GP sans victoire (Brésil 2012 – Monaco 2017)
Champion du monde 2009 avec Brawn GP, Jenson Button rejoignit ensuite McLaren pour tenter de doubler la mise. Sa cohabitation avec Lewis Hamilton s’annoncerait nuancée, la McLaren étant trop irrégulière pour viser le titre à la régulière, malgré quelques bons coups d’éclats.
En 2012, Jenson Button s’illustra au tout début et à la toute fin du championnat, en gagnant le Grand Prix d’ouverture comme de clôture (le fameux Grand Prix du Brésil 2012). Ce fut sa dernière victoire…
Car McLaren allait ensuite décliner en performance pure : la saison 2013 fut en dents de scie, idem pour la 2014. En 2015, le grand partenariat avec Honda tournerait au fiasco total : l’équipe avait alors hérité d’un « moteur de GP2 » dixit Fernando Alonso, mais le châssis n’était pas sans reproches non plus.
Le dernier Grand Prix de Jenson Button en F1 fut à Monaco, en 2017, lorsqu’il remplaça, pour un Grand Prix, Fernando Alonso, qui était parti disputer les 500 Miles d’Indianapolis.
Emerson Fittipaldi – 81 GP sans victoire (Royaume-Uni 1975 – USA 1980)
Comme Brabham ou Surtees, Fittipaldi choisit, après deux titres mondiaux avec McLaren, et une dernière victoire avec Woking en 1975 à Silverstone, d’aller fonder sa propre écurie, avec le sponsor Copersucar.
Même si les débuts furent encourageants (trois entrées dans les points en début d’année), la suite serait bien moins faste pour Copersucar, qui souffrirait vite de gros problèmes financiers.
Le Brésilien ne fit pas mieux qu’une 10e place au championnat en 1978, s’entêtant à essayer de faire fonctionner un projet qui ne réussirait jamais.
Kimi Raikkonen – 112 GP sans victoire (Australie 2013 – USA 2018)
Quelle longue attente pour Kimi Räikkönen ! En 2013, le Finlandais commençait la saison en fanfare avec Lotus, en remportant une belle course à Melbourne grâce à sa science des Pirelli.
En 2014, Kimi Räikkönen sut quitter une équipe Lotus en pleine déliquescence pour Ferrari. Mais s’il enchaînait les podiums jusqu’à à atteindre les 103 en carrière (30 après sa dernière victoire), les victoires lui échapperaient – même en cas de pole signée à Monaco en 2017 par exemple. Sebastian Vettel le dominait outrageusement.
Le déclic vint à Austin en 2018 : après un départ offensif, Kimi Räikkönen réussissait à conserver les Mercedes derrière lui. « Oui, merci, F***ing finally » furent ses premiers mots à la radio.
En 2020, Kimi Räikkönen signa pour Alfa Romeo au crépuscule de sa carrière : ses 60 courses à Hinwil se termineraient sans podium.
Jacques Villeneuve – 130 GP sans victoire (Europe 1997 – Allemagne 2006)
La dernière course remportée par Villeneuve fut aussi celle du fameux Grand Prix d’Europe 1997 à Jerez, où Michael Schumacher essaya de « foncer » dans la Williams. Le GP aussi de son couronnement mondial. L’année 1998 fut ensuite plus difficile pour Williams, qui vit McLaren lui chiper la place d’équipe à battre à la suite d’un changement réglementaire.
Comme d’autres avant lui, le Canadien essaya de se lancer dans un nouveau projet, dans lequel il était investi dans le management au-delà même du rôle de pilote : le projet BAR-Honda à partir de 1999 (et la voiture bicolore).
La saison 1999 commençait de manière catastrophique au niveau de la fiabilité (abandon lors des 11 premières courses). La performance comme la fiabilité progresseraient ensuite (2 podiums en 2001), mais pas au point, pour Villeneuve, de renouer avec les succès. Jamais l’équipe d’ailleurs ne remportera de Grands Prix, malgré les 12 podiums aussi de Jenson Button et une 2e place au classement des constructeurs en 2006.
Fernando Alonso – 159 GP sans victoire (Espagne 2013 – Arabie saoudite 2023)
La dernière série est une série en cours ! Fernando Alonso en effet, court toujours en F1… et court toujours depuis une victoire depuis son succès sur ses terres, à Barcelone en 2013 (après un superbe départ).
En 2014 chez Ferrari, Fernando Alonso ne disposait pas d’une voiture capable de jouer les victoires à la régulière (2e place pour meilleur résultat en Hongrie). De 2015 à 2017, ce fut ensuite l’aventure catastrophique de McLaren-Honda qui priva l’Espagnol de podiums ou de victoires. Après des escapades aux 24 Heures du Mans ou au Dakar, Fernando Alonso revint ensuite chez Alpine en 2021, sans pouvoir non plus lutter pour des victoires, loin de là (podium au Qatar pour meilleur résultat).
Mais chez Aston Martin F1, un vent de renouveau souffle avec une voiture capable d’aller jouer les podiums à la régulière…
Cette si longue série record pourrait donc bientôt prendre fin : c’est en tout cas l’objectif de Fernando Alonso cette année, avec sa « mission 33 » au sein d’Aston Martin F1, à savoir remporter sa 33e victoire en F1. Au vu de la compétitivité de l’Aston Martin F1, ce n’est pas impossible – en cas de défaillance des Red Bull devant. Va-t-on assister à quelque chose d’unique cette année ?