Gwen Lagrue n’a pas un travail facile chez Mercedes : responsable de la filière jeunes pilotes de l’équipe, il a bien du mal à placer les talents de Mercedes en F1, puisqu’il n’y a que 20 baquets disponibles.
L’exemple de Mick Schumacher le démontre encore : faute de place en F1, même chez Williams, l’Allemand a dû se rebattre sur un programme en WEC avec Alpine.
Comment fait alors Lagrue lorsqu’un pilote a franchi toutes les étapes, lorsqu’il a gagné en F3 et en F2… mais quand il n’y a pas de baquet disponible ? Il a répondu à cette question épineuse.
« Tout d’abord, lorsque nous engageons un pilote, nous ressentons la responsabilité de lui fournir un travail. C’est un projet de vie pour ces jeunes et je sens la responsabilité de donner tout ce que je peux pour les aider à performer, les guider et les amener au sommet. Cela signifie que vous devez également anticiper ce que sera le marché dans deux ans, dans trois ans, dans quatre ans. "Si je signe ce pilote, y aura-t-il une place en Formule 1 dans quatre ans ? Ai-je une réelle chance de l’amener en Formule 1 ?". Vous vous demandez tout ça. »
« Parfois, vous avez un pilote fantastique qui gagne en F2 et qui n’a pas d’opportunité en F1. Nous essayons toujours d’anticiper cette situation et nous avons toujours quelques options sur notre liste : pilote de réserve, pilote d’essais, simulateur. Mais pour un jeune pilote, il est important d’avoir une possibilité dans une autre série. Il faut avoir plusieurs options ouvertes. »
« Si vous êtes sûr que vous avez un immense talent, vous le saurez assez tôt pour anticiper et vous assurer que dans deux ans, il sera là, en F1. Avec George, par exemple, quand nous l’avons signé en 2016, il était en Formule 3 ; et quand il a gagné la F3, l’objectif était d’aller en Formule 2. À partir de là, je savais que je devais trouver une possibilité en Formule 1. Quelle sera la situation dans deux ans ? Et si George gagne la F2, où puis-je le placer en Formule 1 ? Nous avons anticipé tout cela. »
De jeunes pilotes se retrouvent parfois sur la touche, sans même aucun programme de roulage officiel. N’est-ce pas la pire des situations quand on a 20 ans ?
« Eh bien, tout d’abord, si nous avons un talent exceptionnel, nous avons toujours la possibilité de le faire rouler en F1. Je ne pense pas qu’au cours des 15 dernières années, nous ayons manqué quelqu’un d’exceptionnel. Tous les pilotes exceptionnels sont en fait en Formule 1. »
« Si vous vous retrouvez dans une situation où vous devez attendre un peu, vous devez leur trouver du temps de piste parce que cela fait partie de la préparation. Vous devez maintenir l’entraînement, vous devez maintenir l’esprit de course, vous devez tout maintenir pour trouver la solution en Formule 1. Mais je pense que cela ne peut pas durer plus d’un an. »
Oscar Piastri avait ainsi passé un an sans être engagé dans une série, l’an dernier, avec Alpine... mais l’équipe française l’avait fait rouler dans une voiture vieille de deux ans. Était-ce indispensable selon Lagrue ?
« Oui, absolument. Sinon, on perd trop à attendre. »
Lagrue a enfin une dernière difficulté, et non des moindres, à surmonter : le peu d’essais privés en F1. Désormais un jeune pilote n’a qu’un jour et demi d’essais hivernaux avant de faire le grand saut... certains rookies (comme Logan Sargeant cette année) en souffrent régulièrement.
« C’est plus difficile parce qu’il y a moins d’essais et de temps de piste. Mais d’un autre côté, nous préparons les jeunes pilotes mieux qu’il y a 15 ans. Ils passent beaucoup de temps dans les usines, ils interagissent avec un groupe d’ingénieurs, ils font beaucoup de simulateurs, donc ils connaissent toutes les procédures, ils connaissent les équipes, ils sont habitués à avoir une discussion technique, etc. Alors oui, le temps passé sur la piste est moins important qu’avant, ce qui rend les choses un peu plus difficiles lorsqu’il faut conduire. Mais nous les préparons bien mieux qu’il y a quelques années. »