Luca de Meo, le PDG du groupe Renault, s’est exprimé pour la première fois dans les médias depuis l’annonce de l’arrêt du programme moteur de la marque au Losange, un moteur qui équipe Alpine F1 encore jusqu’en 2025.
Viry ne poursuivra pas son travail sur le moteur 2026 et Alpine F1 Team devra se tourner vers un moteur client, probablement Mercedes, pour poursuivre sa route en Formule 1.
C’est dans les colonnes de L’Equipe, le quotidien sportif français, que De Meo a tenu à répondre aux employés et fans agacés par cette décision qui va mettre un coup d’arrêt à des décennies de savoir-faire.
"C’est un sujet très émotionnel, pour moi en premier. Je suis très passionné. C’est un crève-coeur. Cette décision résulte de mois et de mois d’observations. Je voudrais tout d’abord dire que j’admire l’engagement et la ténacité des gens de Viry-Châtillon. Et je sais qu’ils vont demain imprimer cet état d’esprit dans les projets qui attendent leur entité. Ils ont la gnaque. Et ça, c’est une bonne nouvelle. J’ai mal de les voir aussi déçus de cette décision, mais malheureusement dans mon job, je ne peux pas réfléchir comme un fan."
"Je suis un manager. Je gère une entreprise cotée en bourse. Et je dois repenser le projet F1, pour enfin gagner. Je cherche donc les raccourcis pour y parvenir. Là, on est devenus invisibles. Encore deux ans comme ça et le projet se dégonflerait complètement. On est depuis trois saisons sur une pente descendante. Il fallait secouer tout ça. Avec en parallèle une logique financière."
"Les fans – sauf les vrais passionnés, j’en conviens – et les sponsors viennent pour une écurie, pas pour un moteur. Les partenaires signent avec McLaren, pas avec Mercedes sous le capot. Le public de la F1 a changé. Il s’est élargi auprès des jeunes, des femmes. Cette nouvelle clientèle a une autre lecture de ce sport."
Bien entendu, la logique financière était importante à prendre en compte pour Luca de Meo.
"Une telle activité moteur coûte entre 200 à 250 millions d’euros par an. En plus du budget annuel de 150 millions. Alpine, vu notre classement perd des primes. Les sponsors se font rares. On a un trou d’air. Mes actionnaires savent compter. Alpine doit faire de l’argent. Avec nos 16e et 17e places, on a l’air de rigolos. Nous sommes nulle part. Les fameux ‘retours marketing’, se sont évanouis. Quand bien même ils ne sont pas quantifiables en argent."
"Et les coûts de développement sont devenus exponentiels… Un moteur client, c’est moins de 20 millions par an. On se devait donc de prendre cette décision. Et puis, toutes les autres écuries ont leurs entités moteur et châssis à proximité. Nous, on est à cheval sur deux « continents », avec deux cultures différentes. Et à Enstone, ils sont très indépendants, habitués à travailler pour différentes couleurs. J’aurais dû tout regrouper, mais ça aurait été en Angleterre… Dur, non ?"
Et le patron de Renault l’assure, tout cela n’est vraiment pas destiné à préparer une vente de l’équipe.
"Je reçois tous les 15 jours des appels de financiers, d’excentriques qui veulent entrer en F1. Ils savent qu’après 2026 ça va coûter bien plus cher. Si on te donne 1 milliard aujourd’hui pour prendre l’écurie, ils pourront la revendre le double, deux ans plus tard. C’est plein de spéculateurs ici. J’ai refusé cinquante fois. Une écurie, ça vaudra bientôt entre 3 et 5 milliards. Je ne vais pas vendre, je ne suis pas bête. Être en F1, c’est essentiel pour la marque Alpine. On est dans le club fermé. Ça crédibilise la marque auprès des passionnés d’automobile. On n’a pas besoin de cet argent."