La Commission Hamilton a rendu ses résultats, édifiants, sur la sous-représentation des minorités dans le sport automobile et le « racisme systémique » qui l’expliquerait, en plus des préjugés (voir notre article).
Dans le rapport de la Commission, et pour étayer le propos fort qui y est livré, la Royal Academy of Engineering, qui a conduit l’enquête, a « sélectionné » quelques anecdotes qui n’ont rien d’anecdotiques, puisqu’elles seraient représentatives de ce racisme systémique existant au moins au Royaume-Uni.
Plusieurs ingénieurs dont le nom est tu reviennent ainsi sur leur propre expérience du racisme et de la confrontation aux préjugés de l’autre.
Ainsi la Commission a par exemple interrogé un ingénieur noir, restant anonyme et travaillant dans une équipe de F1. Celui-ci relate l’existence d’incidents et d’insultes racistes…
« Au-delà du badinage, il y a eu des incidents plus sérieux. »
« À une occasion, il y a eu une certaine confusion au sujet d’un problème avec une voiture alors que je n’étais pas au travail. Un manager a entendu la dispute, a écouté les deux parties et a haussé les épaules en disant ’Oh, ce N****r a réglé le problème’. Une seule personne m’a demandé si j’allais bien en privé, tous les autres en ont ri. »
Un autre ingénieur dans l’électronique de 32 ans, surnommé ’Quashiee’, et travaillant lui aussi dans une équipe de F1, relate un autre de ces épisodes révélant un soubassement raciste encore trop présent dans le sport auto.
« Les choses ont mal commencé. Nous étions sur la piste et des blagues étaient faites sur les Noirs : des blagues sur les peignes afro et le poulet frit, des blagues sur le taux de criminalité ou la pauvreté en Afrique, qui étaient inappropriées. »
« Je me sentais impuissant. J’étais la seule personne noire de mon équipe qui se trouvait sur la piste. »
Cependant la Commission a aussi interrogé des responsables des ressources humaines, pour qu’ils s’expliquent sur la sous-représentation des minorités. Ceux-ci rappellent qu’il n’est "pas de leur faute" si les ingénieurs diplômés proviennent surtout de milieux blancs - c’est d’ailleurs pour cela que la Commission Hamilton entend favoriser la poursuite d’études en STEM des minorités.
Quoi qu’il en soit, même si ces explications sont entendables, Rhys Morgan, directeur de la Royal Academy of Engineering, conclut en rappelant que les problèmes de racisme sont liés à d’autres : manque d’éducation, pauvreté, auto-censure des minorités...
« Il y a un certain nombre de choses qui nous ont vraiment surpris. Nous avons examiné les données pour voir la proportion d’étudiants noirs ayant obtenu un diplôme avec une note de A en physique, en 2019. Et seulement deux étudiants noirs des Caraïbes l’ont obtenu, dans tout le pays. C’est vraiment choquant. »
« Et ce, sur plusieurs milliers d’élèves qui avaient passé leur bac, juste deux ans auparavant. Donc, il y a des choses vraiment choquantes comme ça qui sont apparues ici et là. Seuls 23 étudiants noirs, y compris les Noirs d’Afrique et des Caraïbes, ont obtenu un A+ cette année-là. Soit seulement 2 % de la population. Comparé à 8% des étudiants blancs. »
« Il y a beaucoup d’intersectionnalité entre la pauvreté et l’ethnicité et nous savons que les étudiants noirs sont plus susceptibles d’être issus de familles à faibles revenus. C’est assez complexe, il n’y a pas de réponse unique à ce problème, il est profondément enraciné dans la société et dans notre culture. Mais il y a aussi des différences entre les familles noires africaines et les familles noires des Caraïbes qui doivent être éclaircies. »
« Le secteur du sport automobile lui-même apporte son soutien, mais je pense qu’il y a une culture en place. Nous parlons aux responsables des ressources humaines, et ils nous soutiennent, mais je pense qu’il y a des cultures enracinées qu’il faut vraiment démêler. »