« Je ne pilote pas des voitures de course. Je pilote des gens qui font rouler des voitures de course ».
C’est ainsi que Toto Wolff a pu définir les contours de sa fonction, diriger l’équipe Mercedes en F1, auprès de la Harvard Business Review.
En vérité, le poste de Toto Wolff est surtout celui d’un super-DRH ou super-manager. Ce n’est pas lui qui trouve comment faire rouler la voiture plus vite. Mais sa tâche est de diriger une organisation de centaines de personnes, dans un environnement compétitif et rude, où l’exigence du résultat court de week-end en week-end.
C’est pourquoi, plutôt que de rajouter de la pression à la pression, Toto Wolff se conçoit comme un manager empathique, humain, protecteur – ainsi qu’il le décrit. L’individualité compte plus que la pression du rendement.
« Chaque membre de l’organisation a des espoirs, des rêves, des craintes et des angoisses, et il est important pour moi de les comprendre - d’apprendre ce qui motive une personne. »
« Ce ne sont pas nécessairement les meilleurs individus qui gagnent les courses, mais l’équipe qui travaille le mieux ensemble. »
« Je n’en sais pas autant sur l’aérodynamique que les ingénieurs de l’équipe, mais je veux en savoir plus sur eux en tant que personnes, et j’aime passer du temps avec eux, ce qui facilite la détermination de la meilleure ligne de conduite dans les situations difficiles. »
Conséquence notable de cette philosophie managériale : Toto Wolff ne veut jamais accabler un de membres de son équipe, quand une erreur est commise.
Par exemple, lors de l’arrêt aux stands catastrophe de Valtteri Bottas à Monaco, l’an dernier (il avait fallu trois jours à Mercedes pour finalement enlever la roue de la voiture !), Toto Wolff s’est posé en rempart du mécanicien affecté à cette fameuse roue.
« Cela n’était jamais arrivé en F1. Le mécanicien avait le cœur brisé. Je me suis levé et j’ai dit : "Oui, vous allez entrer dans les livres d’histoire avec le plus long arrêt aux stands pour un changement de pneus - 36 heures". Mais j’ai aussi veillé à lui montrer, ainsi qu’à tous les autres dans le garage et à l’usine, que je le soutenais lorsque, après la course, un journaliste a essayé de rejeter la faute sur le mécanicien. Je faisais passer le message que je protégeais l’équipe. »
« Lorsqu’ils font une erreur, je veux que nos collaborateurs sachent qu’ils n’ont pas besoin de mentir pour conserver leur emploi. Nous vivons selon le mantra "Vois-le, dis-le, répare-le". »
« Je suis là pour protéger ma tribu, et je me battrai avec tout ce que j’ai. Je veux que mes collaborateurs puissent dire "j’ai fait une erreur" et que nous puissions aller de l’avant. »
« Lorsque quelqu’un commet une erreur dans votre entreprise, surtout lorsque cela se produit devant 100 millions de personnes, la réaction naturelle - presque comme une soupape de décompression - est de dire : "C’est sa faute". Mais en tant que leader, vous devez combattre cet instinct et vous demander : Comment cela a-t-il pu arriver ? N’avons-nous pas fourni les bons outils, la bonne formation ou mis les bonnes personnes au bon endroit ? Au bout du compte, même si ce n’est pas moi qui ai changé le pneu, l’erreur est de ma responsabilité. »
Du reste Toto Wolff n’est pas le dernier à assumer ses propres erreurs, quand il en commet.
« Il y a eu une course où un membre du conseil d’administration se tenait à côté de moi dans le garage, et au lieu d’être totalement disponible pour les stratèges, je discutais avec lui. Nous avons manqué la fenêtre pour faire rentrer la voiture. »
« Lors du débriefing du lundi matin, au cours duquel se réunissent les quelque 30 responsables des différents départements, j’ai admis que j’avais passé un très mauvais moment. J’aurais dû être un sparring-partner pour [mon directeur de la stratégie], et je ne l’ai pas été. J’ai été distrait. Cet échec reposait sur mes épaules. »
Ne jamais rien prendre pour acquis
En retour de cette attitude protectrice pour sa ’tribu’, Toto Wolff attend bien sûr de ses employés un état d’esprit exemplaire, refusant l’auto-satisfaction et la complaisance. Même lorsque Mercedes empilait les victoires entre 2014 et 2016 notamment.
« Après une victoire, la plupart des gens rentrent chez eux et disent : "C’était un bon week-end". Ils ne rentrent pas chez eux en se disant : "Pourquoi avons-nous gagné ?" C’est seulement quand ils perdent que la plupart des gens commencent à creuser. Mais nous avons une éthique selon laquelle nous sommes contrariés par les petites choses que nous faisons mal, et nous traitons donc les victoires de la même manière que les défaites. »
« Je me souviens d’un week-end au cours duquel nous nous sommes étonnés de notre vitesse en ligne droite. J’ai dit à l’équipe que je voulais savoir quelle en était la cause. Nous n’avions pas fait de miracles soudains avec notre groupe moteur ou notre châssis. Alors qu’est-ce que c’était ? Si vous ne comprenez pas ce qui se passe dans un bon jour, vous ne comprendrez sûrement pas ce qui se passe dans un mauvais jour. »