En arrivant à Enstone, comme à Viry, Fernando Alonso a découvert, bien sûr, des installations qui avaient changé – en bien – et qui s’étaient aussi agrandi – avec une surface plus que doublée en dix ans à Viry.
« C’est très différent, et c’est bon signe » confiait le mois dernier Alonso.
« Après 10 ans, si tout était pareil, ce ne serait peut-être pas une bonne nouvelle pour nous. »
« Je pense que l’usine a été assez fortement modernisée. Il y a plus de personnes qui travaillent maintenant, à Viry en France, aussi l’usine a été modernisée et je pense que le niveau de technologie que nous avons maintenant par rapport à il y a 15 ans est très différent. »
Le péché d’orgueil de Renault pour 2014
Ces efforts constatés par Alonso ont été surtout réalisés à partir de 2016, quand Renault a repris Lotus pour en faire une équipe d’usine. Car de 2010 à 2014, Viry avait souffert d’un net sous-investissement ; les équipements les machines, les outils, arrivaient en fin de cycle ; et il n’est ainsi pas étonnant de voir qu’en 2014, Renault avait raté la révolution de l’ère hybride.
Cyril Dumont, directeur des installations de Viry depuis maintenant trois ans, et ancien ingénieur moteur de Sebastian Vettel chez Red Bull, a pu décrire à The Race l’état dans lequel Viry se trouvait peu avant sa prise de fonctions ; et quels investissements lourds avaient été consentis pour y remédier.
« Non seulement l’atelier était en fin de vie, mais parce que le montage d’une unité de puissance hybride n’est pas le même que celui d’un V8 ou d’un V10, la taille des boîtes où nous assemblions les moteurs était trop petite. »
« Nous avons également dû travailler sur la propreté de ces zones et avec de nouvelles machines pour nettoyer les pièces avant d’assembler certains composants comme les rails d’injection et l’hydraulique. »
« Il n’y avait pas de place pour créer ces zones supplémentaires, nous avons donc décidé de faire cette extension, pour permettre de travailler d’une bien meilleure manière. Nous en avons également profité pour travailler beaucoup sur le flux des pièces. Nous avons donc triplé la taille de ce que nous avions pour faire la même chose. »
Il faut noter que tout en augmentant la surface utile, Viry a conservé le même nombre d’employés, soit environ 500 (en plus des 700 à Enstone).
Mais une page est bien tournée à Viry. Une page d’échec, celle de 2014. Car Dumont le reconnaît aujourd’hui : Renault avait sous-estimé l’ampleur des changements de règlement en 2014.
Depuis, le retard pris a-t-il pu vraiment se rattraper ?
« Pour moi, nous avons juste sous-estimé le changement de technologie en 2014 et nous avons pris trop de temps pour réagir à cela. Nous pouvons voir avec Honda combien de temps il leur a fallu entre le moment où ils ont décidé d’entrer en F1 et aujourd’hui où ils sont dans le jeu. »
« Nous avons simplement sous-estimé cela et nous n’avions pas assez de personnes sur place, assez d’experts dans certains domaines et nous avons manqué l’objectif. »
« Maintenant, nous avons tout ce dont nous avons besoin en termes d’infrastructures de test. Nous sommes de retour dans le jeu, nous avons des bancs d’essai à haute dynamique, nous avons tout ce dont nous avons besoin en termes de tests. »
« Nous avons tout ce qu’il faut pour faire du bon travail dans l’assemblage du moteur, dans la façon de stocker les pièces, d’assembler certaines pièces délicates comme les injecteurs de carburant, les rails et les systèmes hydrauliques, etc. Maintenant, nous avons juste besoin des bonnes décisions sur le plan technique. Je pense que nous avons tout ce dont nous avons besoin pour pouvoir nous battre et atteindre notre objectif dans un avenir proche. »
Le plafonnement des budgets moteurs, le dernier coup de pouce pour Viry ?
Le budget du département moteur n’est cependant pas à la hauteur de Mercedes, Ferrari ou Honda, reconnaît Dumont. C’est pourquoi la perspective de plafonner le budget moteurs (ce qu’exclut pour le moment la nouvelle réglementation) est une piste attractive pour Renault.
« Le plafonnement des coûts du côté du châssis était déjà très bon pour nous, en nous mettant sur un pied d’égalité. »
« En ce qui concerne le moteur, nous savons que nous n’avons pas les mêmes budgets que les autres constructeurs, c’est certain. Donc un plafond budgétaire du côté du moteur sera très bon pour nous aussi. Que cela arrive l’année prochaine ou l’année d’après. »
L’expérience Vettel a servi à Viry
Cyril Dumont a pu aussi s’appuyer, dans son travail de relèvement, sur l’expérience acquise avec Sebastian Vettel, couronné de succès en succès à Milton Keynes.
« C’était une période tellement satisfaisante, je me suis beaucoup amusé. C’était drôle parce que les autres équipes avaient seulement découvert ce avec quoi nous jouions quand l’époque des V8 était révolue. »
« J’ai beaucoup appris de Sebastian parce qu’il était si pointu dans le feeling, son feedback était très bon aussi sur la souplesse de conduite du moteur ; et nous avons fait un bon travail ensemble en nous assurant qu’il ait la réponse du moteur qu’il demandait. »
« En 2009-10, nous avons développé des réglages moteurs délicats en étroite collaboration. »
« Certains pilotes s’en fichent et ne ressentent pas de différence. Mais Seb pouvait toujours pointer le petit point, et voulait que tout soit parfait. Alors il pouvait faire des choses merveilleuses. »
Dumont est ainsi passé de la piste à l’usine : deux expériences très complémentaires pour lui, conclut-il.
« Lorsque vous travaillez en F1, il est important de voir comment cela fonctionne sur la piste. Vous apprenez beaucoup de choses là-bas et quand vous revenez à l’usine, vous savez ce que vous devez fournir et la qualité du travail que vous devez fournir. C’est pourquoi, lorsque je parle de bien-être, il est très important d’aider les gens à fournir ce qui est nécessaire sur la piste. »