Deviner la hiérarchie en essais hivernaux : mission impossible ? Pas vraiment...
Il peut paraître ardu de tirer des enseignements sur les forces en présence et la hiérarchie de la grille, au terme de la seule première semaine d’essais hivernaux. Néanmoins de nos jours, les ingénieurs disposent de quantité de données, d’outils d’analyse, pour tout de même s’en faire une idée.
Bien évidemment, en essais hivernaux, de multiples inconnues peuvent fausser les conclusions que l’on peut tirer d’une simple analyse des tableaux chronométriques. La quantité d’essence embarquée dans chaque voiture, les modes moteurs, le niveau d’attaque des pilotes, l’usure des pneus employés, sont par exemple quatre variables très importantes qui ne sont pas publiques ; or elles peuvent faire varier un chrono de bien plus d’une seconde.
Ainsi, si Ferrari a fini à plus de 2 secondes de Mercedes sur la feuille de temps à Barcelone, cela ne veut pas dire pour autant que l’écart sera d’une même nature à Melbourne, en Q3 – là où toutes les équipes courent avec les mêmes modes moteurs et avec les mêmes quantités de carburant.
Cependant dire qu’il n’y a aucun moyen, pour les équipes, d’avoir une estimation de la hiérarchie, est une assertion toute aussi fausse. James Allison, le directeur technique de Mercedes, a d’ailleurs confié, après la fin de cette première semaine d’essais, avoir une certaine idée des forces en présence.
Percer les secrets des essais : mode d’emploi
Comment faire, alors, pour obtenir cette estimation ? Mercedes a dévoilé quelques-unes de ses astuces… Sans pour autant tout dire !
Une équipe a, d’abord, à sa disposition plusieurs éléments. Elle connaît les chronos purs, bien entendu, réalisés par chaque pilote ; elle connaît la quantité de tours effectuée à chaque relais ; elle sait quelle quantité de carburant est brûlée à chaque tour ; elle connait également les conséquences de l’usure des pneus sur le chrono.
Mais comment faire pour deviner le niveau de carburant embarqué, qui est une des variables les plus cruciales ? En vérité, a dévoilé Mercedes, il y a quelques pistes. Chaque équipe, année après année, tend à faire des « choses similaires et à s’y coller » en roulant avec trois niveaux de carburant (peu de carburant, pour viser la performance, le plein de carburant, pour faire une simulation de course, ou entre les deux pour divers tests). Mercedes tend ainsi à penser que les stratégies de carburant, d’une année sur l’autre, ne varieront pas.
Cela permet à Mercedes de dresser une première estimation, encore très imprécise. Mais elle peut être affinée au fur et à mesure des jours. Comment ? En comptant les tours à chaque relais : si une voiture effectue un relais de 10 tours, et puisqu’un tour consomme environ 1,7 kg par tour, alors, Mercedes en conclut que la F1 en question devait embarquer au moins 17 kg – pour ne pas tomber en panne d’essence. Mais pour ne prendre aucun risque de ce genre, les équipes emportent généralement 10 kilos d’essence par sécurité. Le minimum d’essence embarquée est ainsi de 27 kg.
Si cette équipe avait l’habitude, à cette période des essais, d’embarquer environ 50 kg de carburant (quantité moyenne des trois niveaux de carburant), alors, il peut en être déduit que le niveau d’essence embarqué, durant le relais en question, était entre 27 kg et 50 kg. De là, une estimation plus affinée peut être établie.
Par la suite, si soudainement, une voiture améliore ou baisse en rythme, alors Mercedes en déduit que le niveau de carburant général a évolué sensiblement, pour passer à un plein d’essence en vue d’établir une simulation de course par exemple.
Lorsqu’une F1 effectue, justement, une simulation de course, il est encore plus aisé de deviner les niveaux de carburant : logiquement, la F1 emportait, au début de la simulation, le plein (110 kg).
Mais il faut encore deviner une dernière variable : les modes moteurs. Sont-ils en mode attaque, en mode conservateur ? Pour le deviner, Mercedes peut se baser sur les vitesses de pointe et d’accélération venant du système GPS. Ces données permettent ensuite d’affiner les estimations établies lors de la simulation de course. Il est alors possible de dire qu’une équipe est « au moins aussi rapide » que tel ou tel chrono.
Les conclusions de Mercedes : vers un milieu de grille difficilement reconnaissable ?
Du même coup, à la fin du premier test, grâce à toutes ces méthodes, Mercedes a bien une idée plus claire de la hiérarchie. L’équipe a ainsi déduit des données que Ferrari avait délibérément et constamment utilisé son mode moteur « à des niveaux bien plus inférieurs » que les autres équipes motorisées par Ferrari.
Mercedes a tiré plusieurs autres conclusions de ces essais, même s’il faut prendre garde puisque aucune équipe « ne veut prendre le risque d’affirmer qu’elle est plus rapide qu’une autre », étant donné « qu’on ne peut être jamais certain de ce qui se passe en coulisses ou ce qui est caché. »
Tout d’abord, selon Mercedes, la bataille à l’avant, à Melbourne, « sera serrée. » Quant au milieu de grille, il se serait « rapproché de l’avant. » La hiérarchie dans ce milieu de grille aurait elle-même évolué de manière « considérable » par rapport à l’an dernier.
« Les temps au tour ne signifient pas rien ; ils sont une mine d’or si vous êtes prêts à les étudier avec attention et précaution, jusqu’à ce qu’un tableau clair commence à émerger » conclut l’équipe allemande. Pour savoir si elle aura raison, rendez-vous à Melbourne !