Si la séparation entre Sebastian Vettel et Ferrari était une possibilité envisagée depuis des mois, la rapidité avec laquelle elle la situation s’est dénouée a pu surprendre. Elle laisse un certain goût d’inachevé dans ce que l’Allemand aura pu réussir et construire au sein de la Scuderia : à l’image de Fernando Alonso, Vettel a pu lutter pour des titres, a été au centre du projet Ferrari durant de nombreuses saisons, mais n’a pas réussi à ramener un titre à la maison rouge.
Cette séparation a d’autant plus surpris et déçu les fans de Sebastian Vettel chez les Rouges, que les dernières déclarations de Mattia Binotto, le directeur d’écurie, avaient plaidé dans une direction toute contraire : en effet, selon Binotto, Sebastian Vettel, malgré ses déboires sur le plan de la performance et de la confiance en 2019, demeurait « au centre du projet Ferrari ».
On aurait ainsi pu penser que Ferrari aurait tout fait – financièrement parlant également – pour conserver ce pilote à l’importance-clef dans l’écurie – selon Mattia Binotto.
L’actualité de ces derniers jours a apporté un cinglant démenti à ces déclarations d’intention, qui apparaissent ainsi aujourd’hui trompeuses voire fallacieuses.
Ferrari envisageait bien une prolongation de contrat de Sebastian Vettel, au point même de développer une SF1000 « plus en phase avec le style de pilotage » de l’Allemand, selon Mattia Binotto lui-même – c’est-à-dire une voiture comportant plus d’appui à l’arrière. En clair, Sebastian Vettel conservait un statut de numéro 1, même officieux, puisque Maranello calquait la philosophie de sa monoplace (ou une partie) sur les convenances de Vettel.
C’est ce ce qui faisait dire à Mattia Binotto, toujours en janvier 2020, que Sebastian Vettel était donc « au cœur de ce projet. » Et Binotto avançait des arguments : « C’est le plus expérimenté et il connaît très bien l’équipe. Ses retours techniques sont très importants et Leclerc a beaucoup appris de cela. »
Ce genre de déclarations de la part de Mattia Binotto n’était pas isolé et rappelait par exemple celles de décembre 2020 : « [Sebastian Vettel] beaucoup d’expérience, il a gagné quatre championnats, et il a a été décisif sur le plan du développement de la voiture durant la saison passée. Il n’y a aucun doute sur le fait qu’il joue un rôle clé dans notre projet. »
Certains pourraient soutenir que ces déclarations étaient faites dans un contexte hivernal, lorsqu’il s’agissait de prendre soin du moral de Sebastian Vettel. Mais même dans les moments de crise, Ferrari a continué à affirmer que son pilote allemand restait au cœur de son projet.
Ainsi en fut-il après le terrible dimanche de Monza 2019 : car si Charles Leclerc l’avait emporté, Sebastian Vettel était lui parti en tête-à-queue et le contraste entre les deux pilotes maison avait été le plus saisissant de l’année. Mattia Binotto était pourtant alors monté au créneau pour défendre son protégé : « D’autres pilotes ont aussi commis des erreurs. Max en a fait 2 en deux Grands Prix. Nous devons soutenir Sebastian, le reconstruire, prendre bien soin de lui. Il ne perd pas de vue son objectif d’être champion du monde avec Ferrari. »
En juillet 2019 également, alors que Ferrari n’avait encore remporté aucune victoire, Mattia Binotto assurait que cette série de mauvais résultats n’avait pas entamé la détermination de Sebastian Vettel à rester chez Ferrari, sa confiance envers l’équipe : « Sebastian est très heureux chez nous. Il le serait évidemment plus, comme je l’ai dit, s’il gagnait des courses et si nous pouvions avoir plus de performance dans la voiture. Mais ce que je vois c’est qu’il a toujours cette envie réelle et profonde de gagner, son rêve et son unique objectif ne font toujours qu’un : gagner le titre avec Ferrari. Alors, sans aucun doute, il envisage toujours l’avenir en F1 avec nous, avec une implication totale et de l’intérêt. »
Le contraste est bien entendu marqué avec l’annonce de cette semaine. La question peut se poser : ce discours de Mattia Binotto était-il un leurre ? Pas forcément, si l’on se rappelle que Ferrari a développé en bonne partie la SF1000 pour Sebastian Vettel.
Faut-il alors croire que la crise du coronavirus a conduit Ferrari à proposer un salaire très inférieur à celui initialement prévu ? Sûrement. Mais la Scuderia n’est pas l’entreprise souffrant le plus de la crise, loin de là.
Mattia Binotto n’aurait-il pas eu non plus la main sur les négociations ? John Elkann, son supérieur, aurait-il fait le forcing pour une forte baisse de salaire de Sebastian Vettel ? Aurait-il imaginé que la cohabitation entre Charles Leclerc et son coéquipier soit devenue impossible, surtout après l’accrochage fratricide d’Interlagos ? C’est une piste à ne pas négliger : car après le Grand Prix du Brésil, John Elkann avait confié être « très en colère ». Et de surenchérir : « Ce qui est arrivé nous fait comprendre l’importance de Ferrari. Les pilotes, peu importe leur niveau, ne doivent pas oublier qu’ils sont des pilotes Ferrari. » Peut-être que ce Grand Prix a finalement conduit Elkann à faire un choix entre Sebastian Vettel et Charles Leclerc – et comme c’est ce dernier qui représentait l’avenir, le choix fut facile à faire.
En attendant la vérité, il est clair que cette histoire entre Sebastian Vettel et Ferrari se sera terminée plus vite que prévu, et en queue de poisson…