Les heures de Mattio Binotto à la tête de Ferrari étaient comptées à partir du moment où il connaissait des tensions avec Charles Leclerc à l’issue du Grand Prix de Grande-Bretagne 2022 selon un autre ancien dirigeant de la Scuderia en Formule 1.
Durant la course de Silverstone, le Monégasque, alors en tête de l’épreuve, était laissé en piste durant la période de voiture sécurité tandis que tous ses concurrents chaussaient des gommes neuves. Mais avec des pneus durs usés, Leclerc ne pouvait lutter et se faisait facilement dépasser pour terminer seulement quatrième.
C’est finalement son coéquipier Carlos Sainz qui remportait son premier succès en F1, Binotto ayant été aperçu en train d’agiter un doigt en direction de Leclerc après la course dans le parc fermé, les deux hommes étant visiblement très tendus après une énième erreur stratégique de Ferrari l’année dernière.
"Je pense que tout est arrivé quand Charles a été inexplicablement laissé en piste après la relance du Grand Prix de Grande-Bretagne. Il était le seul à utiliser de vieux pneus et il a été submergé. Il aurait dû gagner cette course," a indiqué Peter Windsor, qui dirigeait l’équipe italienne mais aussi Williams F1 par le passé.
"Evidemment furieux, il s’en prenait à tout le monde et particulièrement à Mattia, je suppose à la radio puis quand il est sorti de la voiture dans le parc fermé. Binotto faisait alors ce mouvement de doigt à Charles Leclerc, comme pour lui dire : ’Ne me parle pas comme ça, je suis le patron ici’."
"Ce n’était pas correct. Et à ce moment-là, je dois dire que j’ai pensé : ’Les jours de ce type sont comptés’, parce qu’il n’y avait pas moyen, face à une force telle que l’énergie de Charles Leclerc qui est un pilote tellement bon, de remuer le doigt et de lui dire : ’Ne me parle pas comme ça’, surtout si Leclerc a été mis sur la paille."
Les "deux problèmes majeurs" qu’avait Binotto à la tête de Ferrari
Outre les erreurs stratégiques et opérationnelles de 2022, Windsor estime que Binotto a également payé la controverse liée à l’unité de puissance de Ferrari en 2019.
"Il a en quelque sorte été nommé par défaut, presque comme un directeur d’équipe temporaire. C’est un type sympa, une personne assez douce en général. Vous pouvez aller le voir et discuter avec lui, c’est un bon gars et c’est quelqu’un d’assez attentionné je pense. Mais pour moi, il y avait deux choses majeures qui posaient problème avec lui."
"La première était évidemment le drame des moteurs, ils ont été trouvés en train de tricher et c’était finalement sa responsabilité parce qu’il était en charge de ces moteurs. Et pourtant, il a gardé son emploi, ce qui est bizarre."
"Je suppose que si vous regardez en arrière, vous pouvez dire qu’il a probablement gardé son travail parce que si Ferrari l’avait licencié, cela serait revenu à admettre qu’ils avaient vraiment triché."
"L’autre problème est qu’il n’y avait pas vraiment de délimitation du contrôle de gestion entre le groupe de stratégie et le groupe de performance de la course, y compris les pilotes, et il semblait toujours y avoir un décalage."
"Il y a un groupe de trois ingénieurs relativement jeunes qui s’occupent de la stratégie chez Ferrari, et ils semblaient avoir beaucoup trop de pouvoir pour passer outre les ingénieurs de course à certains moments, l’exemple classique étant le Grand Prix de Hongrie 2022 durant lequel ils ont gardé Leclerc en pneus durs."
"Je pense que c’était peut-être quelque chose que Binotto ne pouvait pas ressentir ou qu’il n’a pas vu. Ou peut-être que l’année dernière, il avait assez de gens qui étaient de son côté alors que d’autres n’étaient pas vraiment à l’aise avec son leadership, et ils étaient de l’autre côté de la barrière et cela s’est probablement accumulé aussi."
"Cela a été exacerbé par le fait que Binotto était beaucoup plus proche de Carlos Sainz que de Charles Leclerc. C’était une bonne chose pour Sainz, mais c’était difficile et ennuyeux pour Leclerc, qui en réalité, et à mon avis, est un pilote de toute façon plus rapide."
"Il a un plus grand vocabulaire en termes de ce qu’il peut faire avec la voiture, en particulier dans les conditions de course et lorsqu’il est sous pression dans les derniers moments des qualifications."
Vasseur a une gestion d’équipe "très logique"
Windsor est en revanche optimiste maintenant que Frédéric Vasseur à pris la place de Binotto à la tête de la Scuderia, estimant que le Français comblera les manques de sa nouvelle équipe à l’inverse de son prédécesseur.
"Désormais, tout cela va mieux se passer avec Frédéric Vasseur. Freddy est assez intelligent pour savoir à quel point Charles Leclerc est bon, j’en suis sûr, et il aura une structure de gestion très, très logique. Et il aura des gens bien qui feront ce qu’il faut."
"Je pense que c’est une grande chose pour Ferrari, parce qu’ils veulent se débarrasser de tout ce qui a pu se mettre entre Ferrari et le championnat du monde en 2022. Je ne suis pas convaincu qu’il s’agisse d’une décision managériale."