Alors que la collaboration entre McLaren et Honda s’achevait dans la tension et la déception fin 2017, le motoriste japonais sut rebondir en faisant alliance avec la famille Red Bull… mais pas avec l’équipe-mère.
En effet ce fut, en 2018, Toro Rosso qui fut sélectionnée (certains disaient à l’époque : sacrifiée) pour récupérer le V6 Honda. L’objectif était de servir de test grandeur nature pour Red Bull.
Le test fut concluant selon Red Bull, qui retint donc le moteur Honda pour la suite. Avec le succès que l’on connaît aujourd’hui…
Ce que l’on savait moins en revanche, c’est le rôle joué par Franz Tost, le directeur de Toro Rosso, dans cette ‘mission sauvetage’ de Honda.
C’est Tost qui a plaidé fortement pour que Toro Rosso récupère l’unité de puissance Honda – cette décision n’a donc pas été tellement imposée à l’équipe de Faenza.
« Je ne pouvais tout simplement croire que Honda n’était pas capable de construire une unité de puissance pouvant gagner en F1. »
« Depuis 2014, je suis toujours resté en contact avec Honda. »
« Bien sûr, ils ont connu une période difficile avec McLaren, mais j’étais convaincu à 100% qu’avec une bonne coopération, vous pouvez gagner avec Honda. »
« Lorsque nous avons décidé en 2017 de passer chez Honda, je sais que beaucoup de gens dans le paddock ne croyaient pas à cette décision. Ils m’ont dit personnellement : ‘’Comment pouvez-vous décider de travailler avec cette entreprise ? Cela va entraîner votre équipe dans de grandes difficultés’’. Je leur ai simplement répondu : "S’il vous plaît, posez-moi la question dans cinq ans, nous verrons alors ce qu’il en est". Depuis 2017, nous avons eu une coopération fantastique avec Honda. »
Entre les lignes, on comprend que c’est surtout la communication et la coopération entre McLaren et Honda qui posaient problème à l’époque…
« Nous avions une relation commerciale très ouverte et, sur le plan technique, il y avait une véritable collaboration entre Honda et Toro Rosso à l’époque. De nombreuses fois, nos ingénieurs sont venus au Japon, à Sakura, et dans l’autre sens également. Les ingénieurs de Honda venaient à Faenza. Cette bonne coopération et cette bonne communication entre les deux parties ont permis de remporter le championnat et de gagner des courses. »
Tost a même fait une promesse aux responsables japonais chez Honda.
« Un jour, non pas avec Toro Rosso mais avec Red Bull Racing – je leur ai dit qu’ils gagneront des courses et peut-être aussi le championnat. »
Fin 2017, il fallait pourtant avoir une vraie foi dans le potentiel de Honda : McLaren sortait d’une saison terrible (après quelques progrès pourtant en 2016)... Mais selon Tost, c’est durant l’hiver 2017-2018 que Honda sut le plus progresser.
« La fiabilité était une histoire mais la performance en était une autre. Et Honda pendant les mois d’hiver a déjà fait un grand pas en avant. »
« Mais nous savions que s’ils voulaient gagner les courses et le championnat du monde avec Red Bull Racing, nous devions développer l’unité de puissance tout au long de l’année. Et cela a été décisif. Cela signifie que nous disposions d’une base relativement bonne du point de vue de la fiabilité, mais qu’il fallait bien sûr améliorer les performances. »
Tost a cependant dû mettre la pression à Yasuaki Asaki, responsable du développement de l’unité de puissance chez Honda, pour accélérer les évolutions au niveau de la performance, quitte à sacrifier la fiabilité.
« Je lui ai dit : "S’il vous plaît, apportez à chaque course une nouvelle spécification, une nouvelle amélioration, peu importe si nous devons partir de l’arrière de la grille". Et c’est ce qu’il a fait. »
« Nous avons presque apporté à chaque course une nouvelle évolution, ce qui signifiait que nous devions partir de l’arrière de la grille, mais c’était calculé. Cette vitesse de développement au cours de l’année 2018 a permis de fournir aux équipes, à Red Bull Racing et à la Scuderia Toro Rosso, une unité de puissance aussi performante en 2019 et 2020. »
« Il était très clair qu’ils devaient améliorer les performances et les ingénieurs de Sakura ont vraiment fait un très, très bon travail. Pas tellement au début de 2018, mais certainement à la fin de 2018, et surtout en 2019, lorsqu’ils ont reconnu à quel point notre décision de rejoindre Honda était correcte et importante. »
Bien évidemment, Red Bull était alors en contact étroit avec Toro Rosso pour suivre les progrès et les promesses de l’unité de puissance japonaise, conclut Tost.
« Red Bull a observé en détail les étapes du développement. Il était donc important de développer le moteur et d’obtenir de meilleures performances d’une course à l’autre. »
« C’est ce qui a motivé la décision de Red Bull Racing d’opter pour Honda. Parce qu’ils ont vu que, oui, Honda développe l’unité de puissance de la meilleure façon possible, et c’est un partenaire en qui nous pouvons avoir confiance et avec lequel nous pouvons travailler ensemble. »