Mohammed Ben Sulayem est-il sur un siège de plus en plus éjectable ? Depuis que la controverse a éclaté au grand jour entre la FIA et la FOM, sur la valorisation du sport, la position du président de la FIA se fragilise en effet de plus en plus suite à de nouvelles déclarations proférées en coulisses.
Le conflit FIA/FOM, s’il a explosé sur la question de l’immixtion de Mohammed Ben Sulayem dans les questions financières et boursières (contre la séparation des tâches en vigueur depuis quatre décennies), remonte pourtant à plus loin (voir notre article).
La gestion solitaire et autoritaire de Mohammed Ben Sulayem, critiqué sur la gestion du calendrier F1, sur l’affaire des « bijoux », sur le refus de multiplier les courses sprint, entre autres choses, avait envenimé la situation ; la déchirure sur la valorisation du sport aura été la (grosse) goutte d’eau ayant fait déborder le vase.
La rupture serait telle que, comme nous vous le rapportions, des tentatives seraient mêmes faites de provoquer le départ de Mohammed Ben Sulayem, pour le remplacer par David Richards.
C’est de surcroît dans ce contexte que sont justement ressorties (le timing n’est bien sûr pas un hasard…) d’anciennes déclarations sexistes de Mohammed Ben Sulayem, fragilisant encore sa position (voir notre article). Jusqu’à présent d’ailleurs, Mohammed Ben Sulayem n’a pas commenté ces déclarations (seul un porte-parole de la FIA a réagi) et n’a donc pas démenti leur véracité.
Les équipes souhaiteraient le départ de Mohammed Ben Sulayem
C’est donc entendu, la FOM ne verrait pas d’un mauvais œil le départ de Mohammed Ben Sulayem… Mais quid des équipes ?
Difficile encore de le savoir, mais les langues commencent à se délier.
Un directeur d’équipe a ainsi confié ceci, au sujet de Mohammed Ben Sulayem : « tout le monde pense qu’il doit partir. C’est définitivement le point de vue général. »
Quel directeur d’équipe ? Le "team principal" qui s’exprimait a tenu à rester anonyme auprès de la BBC...
Les commentaires sexistes de Mohammed Ben Sulayem, ressortis opportunément du placard, sont un argument de poids dans le camp des anti-Mohammed Ben Sulayem.
Ainsi, un acteur haut placé du paddock, lui aussi anonyme, a ainsi confié à la BBC : « Il y a un dégoût général. »
« Ce genre de commentaires fait tomber des PDG tous les jours. Ce qu’il devrait faire, c’est faire marche arrière, rétropédaler et s’excuser. "J’ai fait ces commentaires il y a 21 ans. Je les regrette", ... c’est tout ce qu’il doit dire » poursuit cette source.
Sur ces déclarations, la BBC est également allée demander la réaction de MotorsportUK, qui représente les intérêts du Royaume-Uni à la FIA et qui a donc une grande influence.
Et la réponse est particulièrement froide et laisse entendre une profonde rupture entre Mohammed Ben Sulayem et le Royaume-Uni (il ne faut pas oublier que David Richards, le possible remplaçant de Mohammed Ben Sulayem, est Britannique) :
« Le sport automobile devrait être un environnement où chacun peut participer, être spectateur ou donner de son temps dans un environnement inclusif, sûr, équitable et amusant. »
« Il y a encore beaucoup à faire pour changer la culture au sein de ce sport et faire en sorte que le sport automobile soit plus représentatif de la démographie de la société et des meilleurs comportements. Pour toute question ou commentaire sur la FIA, veuillez vous adresser directement à son bureau des médias. »
Accueillir Andretti, une couleuvre qui ne passe pas ?
La gestion du sujet Andretti par Mohammed Ben Sulayem a également fortement déplu. Le président de la FIA avait très tôt paru enthousiaste à l’idée d’accueillir une 11e équipe de F1, soit Andretti ; et a encore récemment accéléré en lançant le processus pour accueillir jusqu’à une 12e équipe en F1.
Or Mohammed Ben Sulayem a semblé forcer la main et prendre tout le monde de court, même la FOM, sur ce point. Les équipes non plus ne voient pas d’un bon œil l’extension du sport à deux autres équipes, ce qui impliquerait de diluer les revenus de 10 % rien qu’avec l’entrée d’une seule équipe.
C’est ainsi que selon un autre directeur d’écurie anonyme, l’affaire Andretti a été l’un des nombreux « points irritants. »
Même les pilotes commencent à s’étonner de la gestion de Mohammed Ben Sulayem : c’est ainsi que Valtteri Bottas a critiqué la récente interdiction, faite par la FIA, des prises de position politiques. Cependant notons que la position de la FOM n’est pas très différente de celle de la FIA sur ce point précis…
Une position très fragilisée
On comprend ainsi que la situation de Mohammed Ben Sulayem, sans être encore catastrophique, est fragilisée.
Le président de la FIA, s’il veut garder son poste, danse sur un volcan, dit en substance un autre acteur influent du paddock à la BBC : « Ce qui sera intéressant, c’est de savoir s’il change son jeu du tout au tout. S’il fait encore un faux pas, je ne sais pas comment il survivra. »
Il faut cependant relever que ni la FOM, ni les équipes, n’ont le pouvoir légal de démettre le président de la FIA. Son pouvoir vient des membres et des clubs qui l’ont élu.
De plus, les statuts de la FIA ne semblent a priori pas prévoir de mécanismes précis pour éjecter son propre Président, même si le Sénat de la FIA est habilité à « étudier toute question qui pourrait surgir à la suite de facteurs imprévus » et que le Conseil mondial « peut résoudre toute difficulté non régie par le présent règlement qui pourrait surgir au cours d’une réunion. » C’est tout de même flou…
Cependant, selon la BBC, les clubs représentants les intérêts des pays à la Fédération (à l’image de MotorsportUK) pourraient, bientôt, déclencher un vote de défiance envers Mohammed Ben Sulayem. Ce qui pourrait faire grandement monter la pression vers une démission…
La prochaine réunion de la Commission F1, entre FIA, FOM et équipes, le 21 février, à Bahreïn, risque d’être fort pimentée.
Une source interne à la FIA conclut ainsi à la BBC : « Cela sera intéressant… surtout la dynamique entre le président de la F1 Stefano Domenicali et Mohammed. J’ai le sentiment qu’ils vont arriver sans être alignés. »
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