On sait pourquoi Pierre Gasly fut malheureusement écarté par Red Bull au bout de 12 Grands Prix seulement : ses performances pures n’étaient pas à la hauteur.
Mais ce que l’on sait moins, c’est que Red Bull s’agaçait aussi, en coulisses, de l’errance et l’hésitation permanentes du Français en termes de réglages, Pierre Gasly semblant faire des allers-retours au cours d’un même week-end de Grand Prix.
Au contraire, Red Bull trouva l’approche d’Alexander Albon plus détendue ou efficace sur ce plan des réglages – même si cela ne suffit pas pour lui permettre de conserver son volant très longtemps.
Cependant depuis 2019, après son retour chez Toro Rosso-AlphaTauri, Pierre Gasly a mûri sur ce plan des réglages, si bien que la découverte de l’Alpine devrait normalement mieux se passer que la découverte de la Red Bull…
Jonathan Eddolls, ancien ingénieur de piste en chef de Gasly chez AlphaTauri, a confirmé que le Normand avait grandement progressé dans la mise au point de sa F1 ces dernières années.
« Absolument. Un excellent exemple de cela était au début avec nous, durant le débriefing, il parlait pendant toute la durée de la session de chaque virage avec beaucoup de détails. On se disait : c’est super, mais qu’est-ce que tu fais de tout ça alors ? »
« Nous avons travaillé avec lui sur le débriefing. Maintenant, il parle pendant quelques minutes et il dit : "Bon, ok, ceci, c’est le tableau d’ensemble, ce sont les principales choses sur lesquelles nous devons nous concentrer". La façon dont il débriefe maintenant… il a une bien meilleure appréciation de la situation dans son ensemble. »
« Il pousse toujours très, très fort avec lui-même en travaillant, en regardant le GPS, en regardant la télémétrie, en regardant les caméras embarquées de toutes les voitures. Il y consacre donc beaucoup de temps. Maintenant, il a une meilleure appréciation de ce sur quoi il doit se concentrer. »
« Mais certains soirs, un samedi, quand on n’a pas eu par exemple les meilleures qualifications, il dira : "Bon, pourquoi ?" et il sera là même aussi tard que nous pour essayer de comprendre pour s’améliorer pour la prochaine fois. C’est une autre de ses améliorations et l’une de ses forces. »
Mais Pierre Gasly ne manque-t-il pas aussi d’un peu d’adaptabilité quand une monoplace ne lui convient pas, du point de vue du style de pilotage ? On l’a senti de plus en plus en difficulté l’an dernier face à son coéquipier Yuki Tsunoda, dans une AlphaTauri plus épineuse à manier… Son ancien ingénieur de piste en chef peut-il confirmer ?
« 2021 a probablement été l’une des meilleures années qu’il ait eues avec nous. La voiture était compétitive, elle était assez facile à équilibrer et nous pouvions généralement trouver de bons réglages. Il avait confiance dans l’arrière de la voiture et grâce à cela, il pouvait vraiment en extraire le maximum de potentiel. »
« En 2022, la stabilité n’est pas tout à fait celle de 2021 et il a besoin de cette stabilité pour pouvoir conduire vite. Et aussi, je pense qu’il y a des moments où il pousse si fort que… il essayait de piloter la voiture de 2022 comme si c’était une voiture capable de se qualifier en quatrième et cinquième position - et la voiture n’en est pas tout à fait capable. Puis, parfois ça le pique un peu. Il pilotait toujours aussi bien, mais la voiture était plus difficile à piloter, plus difficile à régler, c’était plus difficile pour trouver son optimum. »
Durant la saison dernière, Pierre Gasly se plaignait d’ailleurs très souvent des freins, de sous-virage ou de survirage en milieu de courbe… Eddolls commente à ce sujet le style de pilotage du Normand.
« Il aime vraiment avoir cette rotation initiale de la voiture en entrée de virage. S’il est confiant à l’arrière, il peut tourner efficacement la voiture et vraiment utiliser l’avant. Si l’arrière n’est pas tout à fait là, il trouve cela un peu plus difficile. »
« Un Verstappen peut gérer une voiture qui bouge beaucoup à l’arrière. Dans le passé, j’ai aussi travaillé avec Pastor Maldonado et c’était quelqu’un qui s’en fichait ! Il tournait, l’arrière glissait et il se battait contre le volant pour rattraper l’arrière. Cela ne le dérangeait pas du tout. »
« Nos deux pilotes [Gasly et Yuki Tsunoda] sont plus rapides s’ils ont la certitude que lorsqu’ils attaquent un virage, ils ne sortiront pas. Sur ce point, ils sont au même niveau. »
Une ambiance plus professionnelle chez Alpine ?
Si l’on s’éloigne un peu du pilotage, comment Eddolls pense-t-il que Pierre Gasly s’adaptera, en général, au nouvel environnement d’Alpine ? Pour l’ingénieur, une chose semble presque acquise, l’ambiance risque d’être un peu moins détendue à Enstone !
« Ce sera différent pour lui au départ. Nous sommes une équipe assez amicale avec les pilotes, nous avons tendance à ne pas être trop durs. Je ne sais pas comment ce sera là-bas. Il était tellement intégré à nous chez AlphaTauri. »
« Les deux fois où il a été avec nous, l’approche amicale de l’équipe a bien fonctionné pour lui pour renforcer cette confiance. Puis dès qu’il a remporté la course de Monza, nous avons vu un changement radical dans son approche, son niveau de confiance, sa motivation, sa conviction, la façon dont il dirigerait et dirigerait l’équipe. »
« Avec cette étape de franchie, je ne vois pas de problème à ce qu’il aille dans une autre équipe parce qu’il a confiance en lui, il a de super compétences en leadership, il est très motivant pour nous tous et il n’a plus besoin de cette ambiance amicale. Je pense qu’il peut maintenant aller quelque part, être sa propre personne et diriger et conduire l’équipe. Il peut s’intégrer tout de suite. »