Une entente cordiale à ne pas surinterpréter ?
La nouvelle est ainsi tombée, mi-rassurante, mi-inquiétante pour l’avenir de Lewis Hamilton. Côté pile, le Britannique prolonge effectivement dans son équipe, mais, côté face, ce n’est que pour un an.
Pourquoi a-t-il fallu des mois d’attente pour arriver à un résultat aussi « modeste » ? Quels enseignements alors tirer de cette mini-prolongation ? Quelles interprétations en tirer ?
La première remarque que l’on pourrait faire, c’est qu’il n’y a, peut-être, que peu d’enseignements à retirer de cette prolongation, et qu’il ne faut pas surinterpréter. Toto Wolff et Lewis Hamilton ont toujours clamé, contre les rumeurs, contre vents et marées, que la prolongation ne serait qu’une affaire de temps ; que les deux parties devaient se retrouver en fin d’année, mais que le coronavirus de Lewis Hamilton (qui en a souffert à Bahreïn) a retardé les discussions ; et qu’il a fallu trouver un moment, plus tard que prévu, pour discuter de ces points.
Rappelons par exemple ce que Toto Wolff avançait en octobre dernier : « Je l’ai dit, cela peut vous sembler absurde encore une fois, il s’agit juste du fait que Lewis et moi n’avons toujours pas pu nous voir pour en discuter. Les choses semblent repoussées au mois prochain avec le calendrier actuel. Tout ce qu’il reste à faire c’est trouver le temps de se poser ensemble, quelque part, pour discuter de tout ça. »
En effet, l’actualité a donné raison à Toto Wolff : la prolongation n’était qu’une question de temps, Mercedes a tenu parole. Une fois de plus.
Selon Toto Wolff, le salaire aurait été un point de discussions mais pas de frictions, ce qui est finalement minime par rapport à son étendue potentielle : « Nous avons dû attendre si longtemps pour nos négociations finalement que nous n’avons pas voulu nous engager sur une année ou deux en plus. Et il y a aussi le fait que la crise économique est forte, l’industrie automobile fait face à des défis. Lewis en est bien conscient. Il a toujours été loyal envers nous donc, finalement, cela n’a pas été un sujet si difficile à régler. »
Pourquoi, alors, ne pas croire Toto Wolff encore, quand il dit que les négociations pour le moyen terme, pour 2022 et après, ont été repoussées à plus tard, pour bien prendre le temps de peser tous les nouveaux enjeux de la nouvelle ère (électrification, nouveau règlement…) ?
Pour autant, le simple « gel » des « grandes négociations » pour l’après-2022 laisse Mercedes face à des conséquences insoupçonnées, et à une série de questions en suspens, potentiellement volcaniques.
Et le fait même de geler d’un an ces grandes discussions, non forcément par peur de les aborder, mais simplement pour des raisons pratiques, va rendre, malheureusement, les sujets délicats encore plus aigus et problématiques…
Alors que Toto Wolff et Lewis Hamilton ont déjà annoncé leur volonté de commencer, plus vite que d’habitude, les négociations pour 2022, quels sont ces points qui vont plus fâcher fin 2021 que fin 2020 ?
Quelques zones d’ombre à éclaircir rapidement
Le premier sujet qui fâche, dont l’évocation a été repoussée, mais qui reviendra vite sur la table, porte sur la volonté de Lewis Hamilton à s’engager pour le moyen terme en F1. A 36 ans, le Britannique n’aura-t-il pas considéré avoir fait le tour de la F1 ? S’il bat le record de titres de Michael Schumacher en 2021, n’aura-t-il pas plus à perdre en s’attaquant à un nouveau règlement, en 2022, dont l’issue est incertaine ? Nouveau règlement, 37 ans, tous les records battus : les étoiles s’aligneraient pour une retraite, au sommet, de Lewis Hamilton.
Ce nouveau règlement pose bien question : qu’est-ce qui garantit que Mercedes sera toujours dominatrice ? Il faut toujours se méfier de Red Bull et sait-on jamais d’une surprise Aston Martin F1, Ferrari, ou Alpine. Il faudrait ainsi que Lewis Hamilton s’engage sur le moyen terme pour dompter ce nouveau règlement : en a-t-il envie ? Le temps ? L’inverse est cela dit également vrai : s’il prouve qu’il peut continuer à régner malgré un nouveau tournant réglementaire (comme en 2009, 2014 ou 2017), Lewis Hamilton continuera d’écrire sa légende.
2022, ce serait aussi le bon moment pour rester chez Mercedes, mais en s’occupant de sa nouvelle fondation pour la diversité, et pour devenir un ambassadeur à long terme de la marque. Cela signifie d’ailleurs que Lewis Hamilton n’a pas besoin de prolonger son contrat (comme pilote) pour rester dans l’univers Mercedes (comme ambassadeur).
C’est d’autant plus vrai que rester pilote, après 2022, pourrait devenir moins attractif avec le plafonnement des salaires des pilotes : la F1 pourrait décider de ce "salary cap" des pilotes à 30 millions de dollars annuels. Un seul pilote serait visé : Lewis Hamilton. Le Britannique sera-t-il motivé par l’idée de gagner moins, en travaillant plus pour maîtriser un nouveau règlement ?
C’est donc bien l’envie de Lewis Hamilton qui est au cœur du sujet. Toto Wolff confirme d’ailleurs aujourd’hui que c’est d’abord la motivation de Lewis qui décidera de son avenir et qu’une place lui est réservée… « Lewis doit d’abord décider pour lui, ce que l’avenir lui réserve et je ne veux pas commenter pour lui sur ce qu’il pense ou ressent. Mais c’est vrai que d’un autre côté, nous devrons aussi décider de ce que nous ferons à long terme avec nos pilotes » confie ainsi Toto Wolff aujourd’hui.
En prolongeant Lewis Hamilton d’un an seulement, Mercedes a également repoussé à plus tard la question très sensible des pilotes, qui deviendra elle aussi d’autant plus aigüe dans douze mois. Que faire de George Russell et de Valtteri Bottas ?
Le cas de George Russell est éclairant. Dans ses dernières déclarations, Toto Wolff a sous-entendu que le jeune pilote de Williams pouvait espérer une titularisation méritée l’an prochain. « Valtteri et Lewis ont notre engagement et notre loyauté à 100 % pour 2021, nous les soutiendrons avec tout ce que nous avons. Nos premières discussions vont être avec Valtteri et Lewis pour respecter nos valeurs de loyauté et d’intégrité. Mais d’un autre côté, les jeunes pilotes sont l’avenir, et nous devons donc réfléchir à la manière dont nous voulons nous organiser pour les années à venir. »
Cela poserait ainsi une question centrale : si George Russell est titularisé, Lewis Hamilton acceptera-t-il de le voir à ses côtés ou préférera-t-il partir ? S’il part, Mercedes aurait-elle intérêt à privilégier la stabilité avec Valtteri Bottas (pour guider George Russell) ou à chercher une star venue d’ailleurs (Max Verstappen ? Daniel Ricciardo ?), quitte à bouleverser à 100 % son line-up ? Sur le plan marketing ou sportif, un line-up George Russell – Max Verstappen aurait de quoi faire rêver, et l’apparition d’un nouveau règlement diminuerait les effets négatifs de l’instabilité totale du line-up.
Mais tout n’est que là spéculations. Ce qui est certain, c’est qu’en ne prolongeant que d’une année, Toto Wolff et Lewis Hamilton ont déjà ouvert une silly season 2021-2022 qui s’annonce passionnante. Repousser à plus tard les points qui fâchent, cela ne va pas en diminuer l’intensité, bien au contraire…