La volonté de la FIA de ‘museler’ les pilotes, dans leur liberté d’expression, durant un week-end de Grand Prix, va connaître un premier test très sérieux dès ce week-end, à Bahreïn.
Le pays du Golfe est en effet critiqué par plusieurs défenseurs des droits humains pour les restrictions multiples opposées aux opposants (chiites). C’est ainsi qu’il y a quelques semaines, une association de défense des droits humains bahreïnis appelait Lewis Hamilton à monter au créneau, pour faire porter sa voix, tout en dénonçant la volonté de la FIA de « museler » le pilote Mercedes.
Lui-même d’ailleurs confiait sa volontéde ne pas respecter les ordres de la FIA, et de continuer à évoquer le sujet des droits humains, dût-il risquer une pénalité pour cela !
L’affaire monte décidément en tension puisque 20 parlementaires britanniques, dont l’ancien leader travailliste Jeremy Corbyn, ont aujourd’hui demandé l’ouverture d’une « enquête indépendante sur les activités du championnat F1 et de l’organe directeur, dans des pays dont le bilan en matière de droits de l’homme est douteux. »
Les députés rajoutent qu’ils « condamnent le refus de la F1 de s’engager avec les principales parties prenantes, y compris les groupes de défense des droits de l’homme, tels que l’Institut bahreïni pour les droits et la démocratie, lors de l’attribution à Bahreïn du plus long contrat de l’histoire de la F1 [jusqu’en 2036], ce qui constitue une violation de la propre politique de la F1. »
Les parlementaires rappellent en outre l’exécution, en 2022, de 81 condamnés à mort en une seule journée en Arabie saoudite.
Et de conclure en s’adressant à Mohammed Ben Sulayem et Stefano Domenicali : « Les profits de plusieurs millions de dollars ne doivent pas se faire au détriment des droits de l’homme. Vous avez le devoir de vous assurer que votre présence a un impact positif, ce qui ne sera pas possible tant que les prisonniers politiques resteront derrière les barreaux au Bahreïn. Si Lewis Hamilton peut s’exprimer, pourquoi ne le pouvez-vous pas ? »
Hamilton confirme que la F1 n’en fait pas assez pour les droits humains au Bahreïn
Lewis Hamilton est donc forcément sous les feux des projecteurs ce week-end, et a plus qu’un problème sportif à gérer.
Sa prise de parole était attendue dans le paddock de Bahreïn. Ecoutons-la alors…
« Je ne saurais dire si la situation a empiré ou non [au Bahreïn], je ne suis pas sûr qu’elle se soit améliorée depuis que nous venons ici toutes ces années. »
« Je sais que de mon côté, ce n’est que ces dernières années que j’ai commencé à comprendre de plus en plus les défis des gens ici à Bahreïn, et aussi en Arabie Saoudite, c’était la première fois que j’y allais l’année dernière, mais bien sûr, j’ai lu des articles sur certains problèmes là-bas. »
« J’ai toujours pensé que nous avons une responsabilité, et que si un sport doit se rendre dans ces pays, nous avons le devoir de sensibiliser les gens et d’avoir un impact positif dans ces endroits. Ce point de vue n’a pas toujours été partagé au sein du sport, qu’il s’agisse des équipes ou des personnes occupant des postes à responsabilité. Mais il faut en faire plus, sans aucun doute. L’avenir nous dira si c’est le cas ou non. »
Lewis Hamilton en a aussi profité pour condamner le choix de la FIA de censurer les pilotes, en week-end de Grand Prix.
« Cela me dit à 100% que nous allons dans la mauvaise direction. »
« C’est contraire à ce que j’ai essayé de faire avec l’équipe, par exemple, ce que j’ai essayé de faire dans les conversations avec les parties prenantes de notre sport. »
« Mais je m’attends à un retour de bâton. Il y a encore des personnes qui ne comprennent pas ou ne croient pas en l’importance d’un environnement inclusif. Et je pense que mon travail et notre travail est de continuer à mettre en évidence les aspects positifs de ce que cela peut avoir et l’importance de cela. »
« C’est le combat que je vais continuer à mener. Je suis vraiment heureux d’avoir Mission 44 qui travaille à fond, j’ai Ignite et je travaille avec l’équipe, nous avons cette charte de la diversité sur laquelle nous travaillons maintenant avec toutes les équipes concernées. »
Lewis Hamilton joue ensuite la carte Stefano Domenicali contre Mohammed Ben Sulayem…
« Nous avons Stefano qui est un très grand leader, très compréhensif. Il est déjà allé à l’encontre de ce qui a été dit. Donc nous allons continuer à travailler ensemble pour [trouver] la bonne direction. »
Va-t-il donc oser défier la FIA et Mohammed Ben Sulayem et porter, sur son casque ou autre, un message politique ?
« Vous verrez ! Vous me connaissez… »
On attend donc de voir avec impatience ! Et à la FIA, on stresse peut-être déjà !
La FIA répond...
En réponse aux accusations de Lewis Hamilton et surtout des parlementaires du Royaume-Uni, la FIA a rappelé ce qui était sa prise de position générale sur les sujets, se couvrant aussi derrière le CIO.
« Au sommet du sport automobile, les événements de la F1 se déroulent dans un large éventail de pays et de cultures différents à travers le monde. »
« Nous sommes convaincus que l’objectif le plus fondamental du sport automobile, et de tout sport, est fondé sur le désir d’accroître nos points communs et de cultiver les principes de coopération et de communauté entre les gens. »
« La FIA, comme les autres fédérations sportives internationales, ne peut s’immiscer dans les affaires intérieures d’un État souverain. »
« Cette indépendance vis-à-vis des affaires des États, comme le souligne le Comité international olympique, ne signifie pas pour autant que nous soyons insensibles aux difficultés potentielles endurées par les populations concernées. »
« La FIA continuera à travailler sur des projets qui apportent des bénéfices positifs à la société au sens large, en agissant toujours dans le cadre de son rôle de régulateur du sport automobile mondial. »