Cette année, on le sait, les budgets plafonnés ont vu leur montant être abaissés de 145 à 140 millions de dollars... 141,2 en réalité car il y a une 22e course (1,2 million de dollars accordés en plus par course au delà de la 21e).
Cette diminution, en pleine période de poussée inflationniste, en particulier sur l’énergie et le fret, déclenche une véritable volée de bois vert des écuries de pointe surtout : face à une inflation imprévue et incontrôlée, elles demandent une augmentation du budget plafonné.
Car en effet en termes réels (ajustés à l’inflation) et non nominaux (bruts), l’addition est salée.
Si l’augmentation des plafonds avait suivi à due proportion l’augmentation de l’inflation, le montant des budgets plafonnés des équipes devrait avoisiner aujourd’hui les 153 millions de dollars. On voit ainsi que l’inflation a davantage fait diminuer les budgets en termes réels que la baisse, de 2021 à 2022, décidée par la FIA, de « seulement » 5 millions.
Mais surtout, ce montant de 140 millions de dollars vaut pour toutes les équipes, où qu’elles soient situées.
Or, l’inflation n’est pas la même au Royaume-Uni, en France, en Italie, en Suisse. Ce qui veut dire que par effet de ricochet, en termes réels là encore, des équipes sont plus affectées que d’autres.
Ainsi le Royaume-Uni a dévoilé ses derniers chiffres sur l’inflation du mois d’avril : en rythme annuel, elle a grimpé jusqu’à 9 %.
En Italie, selon les tout derniers chiffres de la Commission européenne, l’inflation (sur la même période en rythme annualisé) s’est elle élevée à 6,9 %. Soit 2,1 % de moins qu’au Royaume-Uni.
Cela signifie ainsi qu’en termes réels, le budget de Ferrari (si cette inflation d’avril était celle de toute l’année), équipe basée en Italie, serait à peu près supérieur de 2 % à celui de Red Bull, soit quasiment de 3 millions de dollars. Même avantage pour AlphaTauri.
3 millions, cela peut sembler peu. Mais sur une saison serrée où la moindre évolution peut faire la différence, voilà bien un précieux avantage imprévu pour Ferrari.
Ces effets sont toutefois à relativiser. Les dépenses des équipes sont parfois uniformes (par exemple dans les courses extra-européennes, même le fret de Ferrari peut partir du Royaume-Uni). Et la livre sterling s’est plus appréciée que l’euro, ce qui diminue les coûts de change pour le Royaume-Uni.
L’équipe Alpine (usine moteur à Viry) est également favorisée. Car en France l’inflation n’est que de 5,2 % sur la même période. De plus, alors que les usines moteurs sont très consommatrices d’énergie, le prix de l’électricité a bien moins augmenté en France qu’ailleurs. En somme les politiques nationales créent d’autres d’inégalités entre équipes.
Alfa Romeo sourit également : l’inflation en Suisse n’est que 2,9 % en rythme annualisé. Un bonus de presque 7 millions de dollars pour Sauber à change constant.
Quelles évolutions ?
En somme, cette situation différenciée appelle deux observations qui sont autant de projets de réforme.
La première : la FIA et la FOM n’avaient pas vu venir (comme beaucoup d’économistes) le passage d’une ère déflationniste à une ère inflationniste. Ainsi le règlement financier ne contient aucun mécanisme d’ajustement automatique à l’inflation. Faudra-t-il à l’inclure à l’avenir ?
La deuxième, c’est que cette situation d’inflation différenciée crée des budgets plafonnés, en termes réels, différents pour les équipes. Va-t-on ainsi voir prochainement Red Bull protester contre cet avantage compétitif de Ferrari ? Et à l’avenir, la F1 ne devrait-elle pas imposer un budget plafonné selon le pays (de là à voir des équipes s’installer à des pays à bas coût par la suite, il n’y a qu’un pas !) ?
La FIA et la FOM pourraient in fine décider de ne rien faire : car l’inflation est un cadeau du ciel pour leur volonté, affichée depuis des années, de compresser au maximum les budgets. Et ainsi de resserrer la grille.