Ancien dirigeant de la Scuderia Ferrari et de la FIA, Jean Todt se consacre aujourd’hui à son rôle d’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la sécurité routière – afin de lutter contre ce qu’il a qualifié de « pandémie silencieuse. »
« Je parcours le monde à la recherche de solutions » a ainsi décrit Todt pour le Corriere della Sera.
« Nous lancerons une campagne mondiale dans un millier de villes : Leclerc, Mick Schumacher, Marc Marquez, Patrick Dempsey, Michael Fassbender, Malala, la lauréate du prix Nobel, apparaîtront. Nous ferons appel à des influenceurs pour éduquer les jeunes. »
Todt apprécie aujourd’hui sa nouvelle vie, avec "beaucoup plus de temps libre" désormais.
Il a eu également une grande joie : sa compagne Michelle Yeoh a obtenu l’Oscar de la meilleure actrice pour son rôle dans le film "Everything Everywhere All at Once". Et cette joie en a rappelé une autre à l’ancien patron de la Scuderia...
« Je lui ai dit : ’Je ressens la même chose que lorsque j’ai emmené Michael (Schumacher) au titre à Suzuka en 2000. Il écrivait l’histoire. Je me dis que nous avons un nouveau champion du monde dans la famille". »
Le regard de Todt sur la F1 2023
Maintenant qu’il a beaucoup plus de temps libre, le Français continue-t-il de suivre les Grands Prix de F1 ?
« Je regarde tout. Rallye, endurance, Formule E. Je parle à Domenicali avant après les courses. »
Quel est alors son point de vue sur la saison ? La Red Bull ne semble-t-elle pas invincible ?
« Elle est très forte, mais il y a aussi Aston Martin : c’est elle qui a le plus progressé d’une année sur l’autre. »
« Ils ont pris le temps, pour prendre les bonnes décisions, pour trouver les bonnes personnes et les placer au bon endroit. »
Mais c’est bien sûr le regard de Todt sur Ferrari qui pourra intéresser. Qu’est-ce qui manque à la Scuderia aujourd’hui ? Des leaders techniques ? Quand il est arrivé à Maranello, Todt avait aussi engagé Ross Brawn et Rory Byrne...
« Il ne manque pas seulement des techniciens. Il est essentiel d’avoir les meilleurs dans tous les domaines. Une entreprise se juge à sa porte d’entrée. Par la façon dont un opérateur répond au téléphone. Il faut prendre les meilleurs et les coordonner en créant un environnement productif. »
Que conseillerait-il aujourd’hui à Frédéric Vasseur ?
« Ce n’est pas à moi de juger. Tout ce que je peux dire, c’est que je souhaite le meilleur pour Ferrari. »
« Ferrari n’a pas remporté de titre, mais elle a gagné des courses. Ferrari reste, depuis mon départ, l’une des meilleures équipes de F1. Il manque quelque chose, c’est un protagoniste important mais pas encore pour lutter pour le championnat. Laissons le temps de prouver que cette équipe est capable de franchir la dernière étape. »
Connait-il d’ailleurs son compatriote et lointain successeur ?
« Un peu. Mon fils le connaît mieux, ils ont travaillé ensemble. »
Verstappen, un autre Schumacher ?
Continuons sur les souvenirs de Ferrari de Todt. De tous les pilotes du plateau, lequel se rapprocherait le plus de Michael Schumacher ? Max Verstappen ?
« Il est rapide, il fait peu d’erreurs. C’est un combattant comme Michael. Mais sur le plan humain, je connais trop peu Max pour le juger. Quand Michael courait, il pouvait paraître un peu arrogant et odieux, mais c’était une attitude qui servait à cacher sa timidité. Il était humble, se remettait toujours en question. Il n’a jamais blâmé l’équipe, même lorsque les freins ont lâché à Silverstone à cause de nous. »
« Je ne fais pas de comparaisons, mais Max et lui ont un point commun. Ils roulent pour la meilleure équipe et cela les aide… »
En creux, Todt pointe peut-être la propension de Max Verstappen à critiquer son équipe Red Bull, même après des victoires dominatrices. Ce fut le cas par exemple après le Grand Prix d’Arabie saoudite, où Max Verstappen ne s’était dit « pas content » notamment de la fiabilité (voir notre article).
Et Charles Leclerc ? Pourrait-il aussi empiler les victoires, si comme Max Verstappen il courait dans la meilleure équipe ?
« Bien sûr. En F1, il y a les bons, et puis un tout petit groupe de très bons dont Leclerc fait partie. »
Retour sur Abu Dhabi 2021…
Enfin, Todt a évoqué son rôle lors de la fameuse finale d’Abu Dhabi 2021, alors qu’il arrivait en bout de mandat. Aurait-il pu inverser le cours des choses ?
« Je n’ai rien fait, ce n’est pas le rôle du président de la FIA. Les arbitres doivent être autonomes, avez-vous déjà entendu Infantino [président de la Fifa] dire "Ici il y avait un penalty, et ici il n’y en avait pas" ? Dans le documentaire [Jean Todt, la méthode], on voit que je regarde cette course. Horner et Wolff m’appellent et je leur dis : ’Je ne peux pas intervenir, c’est la responsabilité des commissaires et du directeur de course’. »