Après une carrière de pilote d’essais chez BAR, une carrière pas honteuse mais pas reluisante de titulaire chez Super Aguri, Davidson prit la route de l’endurance.
Et avec un certain succès, puisqu’il allait remporter le titre du Championnat du Monde d’Endurance FIA avec Toyota en 2014, entre autres.
« Mon plus grand souvenir [des voitures de WEC], c’est que je les ai découvertes bien trop tard dans ma carrière, » a confié paradoxalement Davidson à la FOM.
« Quand on me demande : “Avez-vous des regrets dans votre carrière ?” Je réponds oui, clairement. Quand je testais en F1 toutes ces années, j’aurais dû être en train de courir. C’est ce que je dis maintenant aux jeunes pilotes : il faut faire autre chose. »
« Les voitures LMP1 de l’époque étaient quasiment des F1 avec des carrosseries. J’adorais les piloter et j’ai appris énormément de choses que j’utilise encore aujourd’hui en F1 avec la technologie hybride. C’est de la course pure. Et il y a aussi les événements magiques comme Le Mans, qui, malgré la cruauté de cet endroit pour moi au fil des années, restent un défi que j’ai toujours apprécié ! »
Mais Anthony Davidson faillit bien connaître le pire au Mans, en 2012. La Toyota N.8, qu’il pilotait, était sur le point de doubler une Ferrari GTE ; mais suite à une mésentente, la Toyota fut projetée dans les airs et Davidson finit violemment sa course contre les pneus du virage de Mulsanne, au bout de la ligne droite des Hunaudières.
« Je savais que j’allais mourir » confie aujourd’hui Davidson - en remontant même avant son accident.
« Je suis arrivé à cette édition des 24 Heures du Mans avec une petite appréhension, et j’ai eu cette sensation toute la semaine. »
« Je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus, je n’arrivais pas à l’exprimer, mais je savais, après avoir pratiqué ce sport pendant tant d’années… Je voulais la réprimer, la mettre de côté, mais c’était tellement étrange. »
« Je ne fais jamais ça, mais avant la course, j’ai quitté la salle des pilotes, puis je suis revenu en arrière pour ranger mes affaires. Après ça, j’ai pris mon téléphone et envoyé un message à ma femme : “Je t’aime”. C’était comme si, dans ma tête, je savais que je n’allais pas revenir dans cette pièce. J’en ai encore des frissons rien qu’en y pensant. C’est comme si j’avais eu une prémonition – c’était vraiment le cas. »
« Ensuite, je me suis mis en mode course… Je suis monté dans la voiture, j’étais là, à faire ce que je devais faire, à prendre des risques, à rouler comme un fou, comme il faut le faire. Mais quand ce moment est arrivé, où le pilote que je doublais a tourné et que nos voitures sont entrées en collision, dès que ma voiture a décollé dans les airs, le moteur s’est coupé et tout est devenu silencieux. C’était comme une prise de conscience : “C’est maintenant !” »
C’est presque une expérience de mort imminente que décrit ensuite le pilote britannique.
« C’était la chose la plus étrange. En gros, j’avais l’impression que j’allais mourir… Je savais que j’allais mourir. Mais ensuite, je me suis senti complètement apaisé. C’est presque réconfortant de savoir que dans ces moments-là, quelque chose se passe dans votre cerveau, une sorte de drogue apaisante, je ne sais pas, est libérée dans votre corps. J’ai entendu des gens dire des choses similaires en parlant de noyade. »
Le premier impact, de plus de 30G, a causé les dommages à son dos, et le second, de plus de 10G, a suivi. Davidson s’en sortit avec deux vertèbres cassées.
« Je pouvais sentir que j’allais vite et que j’étais haut, » poursuit-il.
« Je ne savais pas d’où viendrait l’impact. J’ai croisé mes bras, un million de pensées me traversaient l’esprit, et oui, j’ai pensé à ma famille, à ma vie… Ce n’est pas votre vie qui défile devant vos yeux, mais c’est presque comme si mon cerveau faisait une sorte de défragmentation, mettant les choses en ordre – c’est la meilleure façon de le décrire. »
« J’attendais juste un énorme impact, et ensuite les lumières qui s’éteignent, la fin du jeu, moment terminé. Et ça a frappé fort. Très fort. Je n’ai pas frappé ma tête, mais la voiture a atterri sur ses roues avec un impact de 32G, comme l’équipe l’a découvert plus tard. C’est cet impact qui a brisé mon dos. Imaginez ce que c’est, être laissé tomber depuis la hauteur d’un plafond sur le sol. C’était comme une implosion… »
« Cette force m’a traversé comme vous ne pouvez pas imaginer. Bang. J’ai poussé un cri primal, comme un cri de guerrier. Je n’ai jamais fait un bruit pareil dans ma vie ! Ensuite, la voiture a heurté la barrière à l’avant, ce qui représentait un autre impact de 12G. Quand elle s’est arrêtée, j’ai ouvert les yeux et je ne pouvais pas croire que j’étais encore là. »
Davidson a été éloigné des circuits pendant environ six mois. Cet incident a « changé la façon dont j’approchais la course, » confie-t-il, en particulier sur le dépassement de voitures plus lentes, et a fait de son titre en WEC une réussite encore plus spéciale après avoir surmonté « des souvenirs qui m’ont hanté. »
« J’ai franchi un énorme obstacle mental » conclut-il.